Tout le tapage médiatique ayant précédé la projection de presse, a, certes, attiré un grand nombre de journalistes, mais ne sert pas l'objet cinématographique non identifié qu'il nous a été donné de voir. Il y a, à n'en pas douter, un nivellement par le rien qui vaut bien celui par le bas dans le secteur de la production filmique tunisienne. Histoires tunisiennes inaugure, peut-être, un nouveau genre chez nous : les films dits «d'entreprise» (Aflem El Mouqaoualet) ayant fait florès en Egypte. Le tollé qui s'est fait autour du film, ayant nécessité une mise au point de la part du ministère de la Culture, n'est pas du tout justifié. Il aurait suffi au producteur, qui n'est autre que le mari de la cinéaste et qui aurait dépensé pour les caprices de madame la modique somme de 300.000 dinars pour la réalisation de cet opus, de s'informer auprès des services concernés qu'un visa d'exploitation commerciale n'est délivré qu'à un distributeur agréé qui en fait la demande, après avoir fait mention du contrat de distribution et rempli un dossier à la direction du département cinéma, conformément aux textes régissant le secteur. Cet étrange projet, né du désir d'une jeune cinéaste pas tellement douée, relate le destin de femmes et d'hommes nantis, ces « intouchables » vivant dans le luxe et la volupté, et qui, pour tromper l'ennui et la vacuité sentimentale, organisent des surprises parties où le whisky coule à flots et où les décolletés pigeonnants des femmes rivalisent de beauté. C'est «The sex and the city», façon tunisienne c'est-à-dire à la «Mektoub» (feuilleton télévisé réalisé par Sami Fehri) mais en plus mauvais. Il y a Shems (Yasmine Azaïez, méconnaissable) qui vit une déception amoureuse et ses copines : Sabrine (Maram Ben Aziza, en jolie potiche) tiraillée entre les pressions familiales et ses rêves de prince charmant, Inès (Chekra Rammeh, hystérique) qui utilise tous les clichés de la femme divorcée, dévergondée et irresponsable. Côté mecs, Hassan (Néjib Belhassen qui ne sait pas pourquoi il est là), homme désespéré qui, de retour au bercail après la mort de sa femme, tourne en rond sans savoir où il va, Sami (Taoufik El Ayeb), représentant de la Tunisie d'en bas, chauffeur de taxi au début du film, qui se retrouve vendeur ambulant à la fin du récit, malmené et humilié par les agents municipaux qui lui confisquent sa charrette de légumes. Il ne faut pas être un as pour comprendre à qui la réalisatrice fait allusion. Et puis, Mo (Hamdi Hadda, petit malfrat) qui se la joue bling bling avec son yacht et les nanas qui l'entourent. On se croirait dans un rêve cauchemardesque, où les personnages vont dans tous les sens sans aucun point d'ancrage. Nada Mezni Hafaiedh, auteur, adaptatrice, dialoguiste et réalisatrice qui a fait ses classes de cinéma au Canada, revendique, pour son premier étrange objet filmique, l'alliage de plusieurs genres indéfinissables. Soit un croisement entre documentaire, fiction, film de famille, vidéo et essai socio-politique. Elle met en scène à partir de son propre documentaire «Singularity», littéralement la réalité, ignorant sans doute que dans l'écriture cinématographique, il existe une part d'imaginaire. Le scénario brasse à l'aveuglette plusieurs thèmes généraux : la richesse, la pauvreté, les relations de couple : homme/femme, mère/fille etc., les clivages de la société. On aurait pu s'accommoder d'un scénario mal fait, bourré d'incohérences, d'un hachis d'images filmées avec une caméra portée de bout en bout du film sans justification aucune, tremblotante dans différentes séquences, de dialogues mal écrits, d'un son désynchronisé par moments, d'une musique inadaptée et d'acteurs livrés à eux-mêmes, mais le pire c'est que cette chronique n'est même pas rigolote et cela est impardonnable! Conséquence, beaucoup de bruit pour rien.