Par Habib CHEKILI * Quelle question ?! Evidemment, une meilleure que la précédente, pardi ! Notre Constitution de 1959 a concrétisé notre indépendance politique et nous a introduits dans la modernité de la deuxième moitié du XXe siècle, avec les valeurs qui ont succédé aux deux guerres mondiales, qui sont principalement le respect des droits de l'Homme, le droit à la dignité et à l'égalité de tous, avec l'esprit d'ouverture au monde, de liberté de pensée, d'expression, de conscience et de conviction politique et religieuse. En fait, tout simplement, nous voulons garder tous les avantages, progrès et acquis positifs de la précédente Constitution, et lui ajouter le progrès et la modernité du XXIe siècle. La Tunisie a toujours été un pays ouvert au monde et au progrès. La richesse et la diversité de son histoire ont forgé le caractère du citoyen tunisien, paisible, modéré, acquis à la rationalité et au désir de progresser. Si nous observons, aujourd'hui, des turbulences à ce niveau, avec des régressions vers l'intolérance et l'obscurantisme, c'est principalement la faute de la dictature qui a privé notre peuple des avantages légitimes de notre indépendance et qui a empêché le citoyen tunisien de s'exprimer librement depuis plus d'un demi siècle. En effet ces années de plomb, surtout la dernière vingtaine, ont pesé lourdement sur notre jeunesse et notre intelligentia , en brisant le rêve de reconstruire notre pays, fraîchement promu à la liberté. Nos jeunes intellectuels et étudiants des années 60 et suivantes, nos brillants perspectivistes et autre crème de notre intelligentia ont été écartés de l'édification de notre jeune nation, qui avait tant besoin d'eux, pour la faire progresser, et se sont retrouvés, malheureusement éparpillés entre les prisons, l'éloignement et la mise à l'écart. Leur tort selon nos dictateurs était de déranger la gestion de notre pays en s'exprimant librement pour donner leur point de vue. Evidemment l'interdiction de la liberté d'expression et les poursuites engagées contre ceux qui en usaient ont engendré un appauvrissement de nos concitoyens et une éclosion de l'extrémisme, surtout religieux, comme refuge contre l'oppression de nos gouvernants. Alors, pour nous protéger et nous prémunir, que devons-nous mettre dans notre future Constitution ?La réponse à cette question est chez nos nombreux éminents juristes, avocats, techniciens et professionnels constitutionnalistes, qui savent que la Constitution est un ensemble de lois fondamentales régissant la vie politique de notre pays, que cet ensemble doit être général et empreint de souplesse pour éviter les contradictions entre la loi suprême et les lois existantes et pour avoir dans l'avenir le moins de recours possible aux amendements . Pour le contenu, je pense que de nombreux projets sont déjà élaborés et disponibles à l'examen des membres de notre Assemblée constituante, qui devrait avoir l'embarras du choix en vue d'opter pour les meilleures synthèses. Evidemment, la bonne règle serait un bon équilibre entre les droits et les devoirs des citoyens. Ces derniers devraient prétendre à bénéficier de tous les droits et libertés universels, comme dans les grandes démocraties du monde que nous devrions prendre comme modèles pour essayer de leur ressembler en termes de respect des droits de l'Homme, des libertés et des lois, ainsi que pour avancer dans le sens de la modernité et du progrès économique, social et scientifique. Je pense qu'il faudrait éviter les promesses excessives et irréalistes telles que le droit au travail, dans l'absolu, ou autres qui pourraient engendrer des difficultés d'application ou de gestion pour nos prochains gouvernants. L'intégrité physique et morale des gens ainsi que la liberté de penser et de culte devraient être la règle générale pour tous. Il faudrait également éviter de surcharger la Constitution de thèmes particuliers, exogènes à notre société et à nos traditions et modes de vie de quiétude et de consensus social. En effet, la Constitution n'est pas un fourre-tout où les uns et les autres pourraient insérer leurs doléances. Par exemple, autant nous sommes attachés aux droits de nos frères palestiniens, et les soutenons dans la mesure de nos moyens, mais sans introduire l'affaire palestinienne dans notre projet de Constitution, comme certains le demandent. En effet, les Palestiniens sont libres et majeurs et n'ont pas besoin de notre protection excessive et inutile, ni de notre procuration. Je pense également que le monocaméralisme est suffisant et convenable pour notre petit pays. Je rappelle que le bicaméralisme introduit par Ben Ali n'était qu'une de ses tricheries dans les amendements qu'il a inclus dans la Constitution pour obtenir des avantages personnels . Enfin, je pense que le régime républicain, présidentiel serait le plus convenable pour nous, malgré les deux déceptions que nous avons subies. Certes, le scepticisme est compréhensible à l'égard du régime présidentiel, mais il l'est aussi pour le régime parlementaire. Cependant, il faudrait distinguer les systèmes et les institutions des hommes qui les incarnent. Il faudrait aussi être lucide au niveau de l'histoire et de la société. Bourguiba a été un homme de hautes qualités mais certaines faiblesses l'ont malheureusement trahi. Quant à Ben Ali, qui a profité de ces faiblesses pour usurper le pouvoir, il n'est qu'un médiocre qui a trop longtemps dirigé notre pays pour l'exploiter à son profit. Cependant, il ne faut pas oublier notre responsabilité, en tant que citoyens ! Nous avons souvent été permissifs, trop confiants, peu vigilants, intéressés, peu courageux, à l'égard de nos gouvernants. Et cette pusillanimité nous a coûté malheureusement cher. Néanmoins, le Tunisien est maintenant plus mûr, après avoir fait sa révolution contre le pouvoir oppresseur. Par ailleurs, notre pays compte un grand nombre d'hommes et de femmes de haute qualité qui pourraient accéder à l'élection présidentielle et conduire notre pays vers le progrès, avec notre collaboration. Nous pourrions mettre dans notre prochaine Constitution un judicieux dosage de contre-pouvoirs, de moyens de pression et de freins, entre les mains de nos parlementaires, afin de leur permettre, sous certaines conditions de mettre en jeu la responsabilité du président de la République, qui par ailleurs devrait être élu directement au suffrage universel pour un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois . En effet, un bon président élu a l'avantage de l'efficacité et de la célérité pour faire avancer notre pays sur la voie du progrès. Par contre, le régime parlementaire ne semble pas être dans nos traditions et pourrait constituer avec l'émiettement des partis, le risque de la lenteur, des conflits et peut-être de l'enlisement. Soyons optimistes et faisons confiance à l'avenir et à nos citoyens, pour réussir de bonnes institutions républicaines présidentielles. (Cadre économiste)