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La nouvelle formation gouvernementale répond aux revendications des manifestants Interview — M. Mokhtar Trifi, président de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (Ltdh)
• «Les anciens jugements contre la Ligue sont politiques, mais dans un emballage judiciaire» • «Le conseil national de la Ltdh se tiendra avant la fin de février 2011» Que pensez-vous de la nouvelle composition provisoire du gouvernement ? Je pense qu'elle répond, en grande partie, aux demandes et revendications des gens de «la caravane de la liberté» et des manifestants qui ont réclamé le départ des symboles de l'ancien régime nommés dans la première formation du gouvernement provisoire. Le nouveau gouvernement de transition est composé, dans son ensemble, de membres intègres et compétents, qu'ils soient de l'opposition ou des technocrates et spécialistes reconnus dans leur domaine. Concernant les membres que je ne connais pas, je leur accorde le préjugé favorable. Je crois que tous ont la volonté manifeste de mener à bien les réformes et de faire réussir le processus démocratique de la Tunisie nouvelle basé sur les droits de l'Homme et les principes de l'Etat de droit. Maintenant, des tâches précises attendent le gouvernement D'abord, la stabilisation économique et sociale, car vous le savez, la révolution s'est déclenchée pour des raisons sociales et économiques. Mohamed Bouazizi s'est immolé par le feu à cause du chômage et de la corruption. Cela, sans compter le déséquilibre dans le développement des régions, la distribution inégale des richesses du pays, etc. Ensuite, la révision des lois et des textes pour l'organisation d'élections présidentielles et législatives libres et démocratiques dans des délais raisonnables, mais aussi en vue d'instaurer les libertés diverses et un vrai Etat de droit. Et j'insiste sur l'instauration de la liberté d'expression, dans son sens le plus large, englobant aussi bien la liberté de presse que la liberté d'association, de manifestation, de pétition et autres car, si le citoyen en est arrivé à se faire violence, à s'immoler par le feu par exemple, c'est en raison du manque d'interface entre la société et le pouvoir. Les citoyens, en fait, n'avaient que la police pour vis-à-vis. Les Tunisiens doivent donc jouir de la liberté d'association et de l'élection démocratique de leurs représentants. Enfin, le gouvernement provisoire devrait veiller à asseoir une justice indépendante, cela en commençant par donner aux juges leur statut de pouvoir judiciaire. Ainsi, il est nécessaire que les magistrats soient indépendants et s'abstiennent de tout acte qui porterait préjudice à leur indépendance. Il faudrait également écarter tous les symboles de la corruption et de la justice asservie à l'ancien régime. Il urge, au final, de restaurer l'image du pays afin d'attirer de nouveau les investisseurs. Que fait actuellement la Ltdh ? Tous les locaux de la Ligue ont été rouverts le jour même où le dictateur est tombé et nous avons d'ores et déjà repris le travail. Nous recevons actuellement les dossiers et plaintes déposés par les citoyens qui ont été brimés et opprimés durant les deux dernières décennies, ainsi que par les parents et proches de victimes, tués, disparus ou ayant subi des violences soit dans le passé soit au cours des événements de la Révolution, et de nombreuses victimes de l'ancien régime ont présenté leur dossier et déposé plainte afin que justice soit faite. Le 6e congrès de la Ltdh a été reporté à plusieurs reprises, quand se tiendra-t-il enfin ? Après le congrès de l'année 2000, le pouvoir en place a engagé une procédure judiciaire contre la Ltdh, pour manquement au statut et au règlement intérieur. La justice asservie a toujours rendu des jugements contre la Ltdh, or nous avons toujours affirmé que ce sont, en fait, des jugements politiques dans un emballage judiciaire. Même chose en 2006, à la demande du parti au pouvoir, la justice asservie nous a empêché de tenir notre congrès. Aujourd'hui que tous les obstacles sont levés, nous allons tenir prochainement un conseil national avant la fin du mois de février 2011. Ce conseil national, composé des membres du comité directeur et des présidents de sections, débattra, certainement, de la situation de la LTDH, ainsi que de la date et de la manière dont se tiendra le sixième congrès de la Ligue. Maintenant, concernant le processus démocratique du pays, pensez-vous qu'il sera instauré normalement et sans heurts ? Nous sommes tous appelés à être vigilants, car les proclamations d'intention en 1987 n'ont pas été réalisées, provoquant notre déception. Les promesses de démocratie et d'alternance du pouvoir n'ont pas été tenues. Au contraire, nous avons vécu une période des plus sombres de notre histoire. Et afin qu'il n'y ait pas, aujourd'hui, un retour de manivelle, il est impératif d'instaurer une démocratie basée sur des institutions républicaines stables où la séparation des pouvoirs est tout à fait claire. La révision de la Constitution devrait répondre aux aspirations des citoyens pour instituer un Etat de droit. Je suis vraiment optimiste, car ce qu'on a vécu, au cours de ce mois, est une véritable révolution. Le peuple n'a rien perdu de sa vigilance et continue à être mobilisé, jour et nuit, depuis le départ de Ben Ali, et je ne crois pas qu'il cessera de l'être. Pouvez-vous, enfin, nous dire pour quel système politique penchez-vous ? En tant que citoyen, je penche pour un système parlementaire avec une seule chambre. Je suis pour l'élimination de la Chambre des Conseillers, en maintenant une seule chambre représentative d'où émanerait le gouvernement, autrement dit le pouvoir exécutif. Ce serait le meilleur système politique, parce que le gouvernement serait, de ce fait, l'émanation du suffrage universel et sera responsable devant le Parlement, donc devant le peuple.