Par Azzeddine NEFFATI* Ces conseils municipaux installés temporairement depuis des mois ont toujours été, même avant la Révolution, taxés d'un laxisme affligeant. Au lieu de faire appel à des hommes de terrain, connaissant parfaitement les tenants et aboutissants des problèmes de la localité, messieurs les responsables locaux, ayant à leur tête les délégués, brodent sur le canevas mis en place depuis des décennies par le président voleur. Cette démarche à suivre recommande de ne faire appel qu'à des bourgeois nantis et bien ancrés, je veux dire par là, des gens ayant villas, voitures, et occupant des postes importants dans de grandes sociétés, ou tout au moins issus de professions libérales. Bref, des citoyens aisés, qui ne se risqueront pas à troubler la bienheureuse somnolence des responsables régionaux, par des demandes jugées intempestives et hors propos. Bref, une assemblée de gros bonnets repus, faite sur mesure, pour le moins que l'on puisse dire virtuelle et d'où les prolétaires sont systématiquement exclus. Pour étayer ma thèse, aucun conseiller émanant des cités périphériques jouxtant le chef-lieu (délégation) n'a jamais été élu au sein de ces conseils municipaux. Sauf 2 ou 3 laudateurs bien connus de l'ancien régime. Les cités construites il y a des dizaines d'années autour de certaines petites agglomérations sont considérées comme un clonage malvenu et vu d'un mauvais œil par les habitants de ces petits villages, devenus petite ville grâce à l'apport de ces cités honnies. Infrastructures sociales et culturelles inexistantes, éclairage insuffisant, routes piétonnières impraticables, bref de véritables ghettos. Ces édiles bien en place ne se soucieront plus que d'embellir leur «ville» et au diable les cités. Cette nouvelle classe de petits bourgeois ne pensera plus qu'à jouir, pourquoi pas, d'une petite exonération d'impôt, ou bien d'une petite villa abandonnée par ses propriétaires étrangers absents, le parrainage des festivals de musique, de théâtre où on peut gentiment se graisser la patte, ou bien ameuter la clique de la claque et les zaghratates (elles ont des cordes vocales en acier et sont capables de développer des milliers de décibels) afin d'applaudir le renégat Ben Ali lors de ses déplacements dans le gouvernorat ou même plus loin encore. (Appâtés par un sandwich, ces pauvres bougres referont quelquefois le chemin du retour à pied). Peuvent-ils refuser et dire non, quand les sbires et délateurs du délégué (omdas) veillent au grain ? La manne des aides, si minime soit-elle, peut tarir. Monsieur le ministre, permettez moi de vous dire qu'on n'est pas encore prêt pour les municipales, d'ailleurs la Constituante n'est pas prête, on l'attend encore. Nettoyez d'abord les structures administratives qui ressemblent à s'y méprendre aux écuries d'Augias (travaux d'Hercule), à commencer par ces conseils municipaux mis place après la Révolution, formés selon le même système du temps du fuyard. Quand est-ce que le gouvernement se décidera-t-il de changer ces pseudo-responsables, délégués et autres, issus de l'ancien régime, dont la devise est : «Ne rien faire, ne pas bouger et laisser la situation pourrir». Kiosques qui poussent comme des champignons, quelques-uns ont même une autorisation de bâtir et ont pu installer l'électricité. Qui leur a donné ces autorisations et pourquoi ? Peut-être pour services rendus. Monsieur le ministre de l'Intérieur, ce calme apparent, trompeur, n'est que les prémices de la tempête. La situation sécuritaire est plus que catastrophique. Sit-in, grèves, incendies des écoles, collèges, tribunaux, recettes des finances, contrebande à grande échelle, cherté démentielle, on veut affamer le peuple et provoquer une nouvelle révolution, celle du ventre. Soyez à la hauteur de vos responsabilités, car il y va de l'avenir de notre Tunisie. Un peu de patience, de tact, de fermeté et de savoir-faire ne nuira à personne. *(Ecrivain)