• Le ministère de l'Intérieur précise La banlieue sud de Tunis a été, samedi 14 avril, le théâtre d'affrontements entre les forces de sécurité et des jeunes sit-inneurs qui avaient bloqué la route menant au port commercial de Radès, et à la zone pétrolière, afin de revendiquer du travail et protester contre ce qu'ils considèrent comme des promesses non tenues du gouvernement. Des actes de protestation justifiés, selon eux, par les résultats de recrutement de la Société tunisienne d'acconage et de manutention (Stam). Le blocage de la route menant au port avait fortement perturbé la circulation ainsi que le mouvement commercial et de relève des marchandises à l'intérieur du port en suscitant la colère des chefs d'entreprise installés dans la zone, selon certaines sources officielles. Les unités policières d'intervention ont d'abord dégagé la route pour se déplacer par la suite vers le quartier populaire de Melaha (salines); un quartier populaire à proximité du port, où vivent un millier de personnes. Une campagne de ratissage, de jets de gaz lacrymogènes, d'intrusion dans les maisons et de quadrillage du quartier s'en est suivie pour aboutir à une vague d'arrestations qui a touché 25 personnes, selon un communiqué du ministère de l'Intérieur. Suite à ces événements, les réactions émanant des composantes de la société civile et des partis de l'opposition ne se sont pas fait attendre, jugeant la situation très grave et l'usage de la force disproportionnée. De son côté, Maya Jribi, secrétaire générale du Parti républicain, qui s'est rendue au lendemain des affrontements à Melaha, a été agressée verbalement. Selon plusieurs sources concordantes et des vidéos circulant sur facebook, des personnes lui ont demandé de rentrer chez elle en l'injuriant et l'accusant de troubler le travail du gouvernement. Déplorant l'agression dont elle a été victime, Jamel Heni, le président du parti El Mejd, a publié hier un communiqué dans lequel il exprime sa solidarité avec la députée de l'ANC en indiquant qu'il faut mettre fin le plus rapidement possible à ce genre de pratiques en appelant à ouvrir une enquête et poursuivre les responsables. Le Conseil national pour les libertés en Tunisie à travers son porte-parole Sihem Ben Sedrine a dénoncé pour sa part «avec la plus grande vigueur cet usage indiscriminé de la force sur toute une cité qui s'apparente plus à une expédition punitive qu'à une mesure de maintien de l'ordre». Le réseau Doustourouna associé à une coalition d'associations, ainsi que l'Union générale des étudiants tunisiens ont dénoncé, dans un communiqué cosigné, ces actes de violence contre les habitants de Melaha, dont des éléments des forces sécuritaires appuyées par des civils sont directement responsables. «El Massar» démocratique social composé par les partis du pôle, le mouvement Ettajdid et le Parti du travail tunisien dénoncent, dans un communiqué dont La Presse a reçu une copie, les actes répétitifs d'agression dont des personnalités politiques, des acteurs de la société civile et des journalistes font l'objet. Les cosignataires demandent à ce que les identités des agresseurs soient révélées. Le ministère de l'Intérieur, par la voix de son porte-parole, apporte sa version des faits en précisant que le sit-in avait commencé l'après-midi du vendredi pour durer toute la nuit malgré les nombreuses tentatives des autorités régionales avec à leur tête le gouverneur pour essayer de trouver une issue à l'amiable et lever le sit-in. Le mouvement de protestation a dégénéré pour aboutir, en plus de l'arrêt de l'activité du port, au blocage des camions citernes et des camions transportant des bonbonnes de gaz roulant sur cette artère névralgique. Les protestataires se sont emparés des clefs des camions menaçant de les incendier, des pneus ont été allumés. Ils ont également bloqué la circulation imposant aux usagers le paiement d'un droit de passage encaissé par eux. Toujours selon le ministère de l'Intérieur, certains sit-inneurs ont procédé, poursuivant cette logique d'escalade, à l'ouverture de bouteilles et à l'aspersion du gaz dans l'air. Les forces de l'ordre ont subi le jet massif de projectiles depuis les terrasses. Un chauffeur d'un bus a été violenté et plusieurs éléments parmi les forces de sécurité ont été blessés. Mise à part l'interruption de l'activité du port qui vit son apogée la fin de la semaine, la sensibilité de toute la zone appelait une intervention rapide. Interrogé par La Presse, le représentant du ministère de l'Intérieur explique qu'il fallait soit intervenir soit se retirer dans une attitude démissionnaire et laisser le chaos s'installer. Quant à la question posée par La Presse sur l'intrusion dans les maisons et le jet de gaz lacrymogène qui a engendré des cas d'asphyxie de personnes âgées et en bas âge, le ministère précise que les «agitateurs» attaquaient et se retiraient dans les ruelles collatérales pour réattaquer de nouveau, ne laissant aucune autre possibilité aux forces de l'ordre pour les disperser. Le ministère a publié sur sa page Facebook un communiqué appuyé de photos et d'enregistrements vidéo relatant les événements, et regrette à cet effet que certaines réactions, sans citer leurs sources, ne se soient pas basées sur des faits mais sur des témoignages qui pourraient ne pas être objectifs ni fondés.