A l'heure du vote en France et du très probable départ de celui qui s'est proclamé la veille de son accession à la présidence de la République en 2007 le champion du dialogue euroméditerranéen, les bilans se font sévères sur l'UPM (Union pour la Méditerranée). «Lancée sans consultations préalables par Nicolas Sarkozy et qui promettait le rapprochement des peuples autour de grands projets d'infrastructures (l'UPM) a tout du gâchis d'une belle ambition. Il en a découlé une zizanie inutile entre Européens et la déstabilisation du Partenariat euroméditerranéen, cadre certes imparfait mais puissant et réformable de la coopération euroméditerranéenne. De leur côté, les Etats sud-méditerranéens se sont vu imposer, de façon unilatérale, une nouvelle formule institutionnelle pour un projet qui se voulait paritaire», affirment un groupe de personnalités signataires d'un texte commun publié par l'édition française du Huffington Post parmi lesquelles l'ancien chef de la diplomatie espagnole, Miguel Angel Moratinos, et l'eurodéputé socialiste Kader Arif, proche de François Hollande, l'assez probable futur chef de l'Etat français. Les signataires constatent aussi que «la campagne présidentielle (en cours) a laissé peu de place à la Méditerranée. Et pourtant, à l'heure des révolutions arabes et de la crise de la zone euro, elle représente, pour nous Français, pour nous Européens, une partie de notre avenir. En Méditerranée se trouvent les complémentarités et les solidarités dont nous avons collectivement besoin pour le développement, la stabilité et la sécurité de la région». Pour les signataires, «face à un tel gâchis, il faut dire clairement: non, les seuls projets d'infrastructures ne résolvent pas les conflits territoriaux ou politiques. Non, les relations entre l'Europe et les pays du sud de la Méditerranée ne peuvent se fonder sur les seuls objectifs de sécurité et de blocage de toute circulation des personnes alors que la richesse de demain naîtra des échanges. Non, une politique de voisinage ne peut se faire sans associer les sociétés civiles et la diversité de leurs acteurs, politiques, économiques, associatifs, culturels. Il est donc urgent d'engager une rupture avec les errements passés et de proposer une ambition renouvelée pour les relations euroméditerranéennes, ancrée dans le concret. Car aujourd'hui, il y a urgence» à sortir des contradictions dont l'une, soulignée, est que l'Europe est devenue une «forteresse», une autre est de savoir comment et avec qui renforcer le dialogue: jeunesse, société civile. Pour sortir de ces contradictions, «il ne s'agit pas pour cela de proposer un énième cadre institutionnel, mais de rattraper le temps perdu et les opportunités gâchées. Il s'agit de construire un dialogue serein, fondé sur la confiance mutuelle, entre les partenaires et entre les peuples, autour de priorités agréées ensemble. Notre ambition est de construire une Méditerranée viable et solidaire, fondée sur des coopérations efficaces et des objectifs politiques concrets et partagés», concluent les personnalités signataires. Réalité incontournable Que dire ? Sinon que cet appel lancé par ce groupe de personnalités est important et essentiel. Mais le temps n'est plus à débattre sur l'utilité ou non de l'UPM, plutôt à décider que faire pour répondre à une nécessité incontournable: qu'on le veuille ou non, la Méditerranée existe et est déjà une réalité politique, économique pour les entreprises, géostratégique, humaine, démographique même si tout est fait pour en affaiblir la dimension culturelle. En revanche, quelle chaîne de télé ou de radio française ou européenne s'adresse encore aux jeunes générations maghrébines ? Un mur culturel est désormais dressé. Quel est le prix d'un journal, d'un livre et la construction de «cathédrales» culturelles telles que l'inutile Fondation Anna-Lindh n'y changeront rien sauf à mettre en avant l'accessoire en négligeant le fond. La dimension culturelle est pourtant la pierre angulaire pour briser le mur de la défiance envers un Islam certes inquiétant par le phénomène de l'intolérance mis en avant et qui rassure encore moins les Maghrébins eux-mêmes. Nier la Méditerranée, c'est accroître les frustrations et nourrir l'esprit des mauvais génies. Accepter la Méditerranée, c'est préparer un avis commun, surtout que l'Europe née du constat que le charbon et l'acier sont un bien à exploiter en commun pour le bien de tous cède à une réalité nouvelle: l'intérêt est aujourd'hui dans l'énergie, le capital humain, l'agriculture et l'environnement.