L'encadrement de la prime enfance a connu depuis deux décennies des progrès indéniables. L'implantation croissante des crèches et des jardins d'enfants témoigne d'une volonté confirmée de contribuer avec performance à l'encadrement psychomoteur et affectif des jeunes générations. En effet, cette approche a démontré, au fil des ans, son efficacité en matière d'intégration sociologique progressive et méthodique de l'enfant dès l'âge de trois ans. Avouons qu'avec le rôle grandissant que joue la femme dans la vie professionnelle et l'acheminement de la famille tunisienne moderne vers le modèle nucléaire, il devient difficile pour les parents d'assurer pleinement leur mission éducative et de doter leurs enfants du temps et de l'intérêt dont ils ont besoin. Les établissements de prime enfance se chargent, donc, de combler ce déficit éducationnel et affectif d'autant plus qu'ils préparent l'enfant à la scolarisation. Les jardins d'enfants municipaux ont toujours fait preuve d'efficience en matière d'éducation préscolaire. Parmi les jardins d'enfants municipaux réputés pour la qualité de leur encadrement figure celui portant le nom de Azaiez Tej dans le gouvernorat de l'Ariana. Reportage. Il est 10h30 en ce lundi 3 mai. Le mercure affiche déjà une température estivale, agrémentée sans aucun doute par un soleil fort généreux. Le jardin d'enfants municipal Azaiez Tej forme l'impasse agréable et sécurisée de l'une des rues tangentes de l'avenue principale de la ville. Là, loin du grand tumulte du trafic routier, près de 270 chérubins, âgés entre 3 et 5 ans, affluent journellement, conduits par leurs parents pour apprendre à s'intégrer dans une société juvénile et à apprendre l'abc de la vie. En franchissant le seuil du jardin ou de la cour, nous pénétrons dans un monde merveilleux, où la principale préoccupation n'est autre que de jouer et de profiter de chaque moment pour vivre pleinement son enfance et forger sa personnalité que l'on souhaite sereine et équilibrée. A droite, plusieurs enfants, enfilant depuis le début de la matinée leurs tabliers bleu, rose, jaune ou rouge, s'amusent à escalader les équipements de jeux physiques et à caresser l'air grâce aux mouvements des balançoires, sous l'œil protecteur de l'animatrice. Contrairement à certains jardins d'enfants privés, où le jardin au sens propre du terme fait défaut, les jardins municipaux ne négligent point cette composante incontournable. «L'espace extérieur constitue un critère important dans la mesure où il permet à l'enfant de s'adonner aux jeux en plein air tantôt librement, tantôt suite aux recommandations éducatives de l'animatrice. En effet, l'animatrice demande aux enfants d'effectuer des mouvements successifs contradictoires, comme le fait de courir, puis de marcher lentement, de passer en dessous puis en dessus des supports de jeux, etc; ce qui leur permet de mieux se situer dans l'espace. Cela se répercute positivement sur leur expression graphique», explique Mme Saîda Attiya Ben Mahmoud, directrice du jardin d'enfants, et dont le bureau se trouve à cheval entre l'espace intérieur et celui extérieur afin de superviser l'activité dans les deux sens. L'atmosphère du lieu résonne aux cris joyeux et aux rires des enfants qui, tout en jouant, passent de beaux moments ensemble, entourés des «satti». «Le principe de l'encadrement préscolaire c'est de permettre à l'enfant d'apprendre en s'amusant et en jouant», fait remarquer la directrice. De ce fait, toutes les activités organisées par la direction et préconisées par le ministère des affaires de la femme, de la famille, de l'enfance et des personnes âgées convergent dans ce but. Aussi, dès l'âge de trois ans, l'enfant apprend à s'exprimer oralement, à chanter et à réciter. Grâce à des séances préliminaires de graphisme, assurées d'une manière progressive et personnalisée, l'enfant fait donc ses premiers pas—des pas lents mais sûrs—dans la vie collective. «La progressivité est très importante dans l'encadrement des enfants. A trois ans, nous misons, par exemple, sur des chansons de paroles et de composition faciles à apprendre. Puis, nous passons à des chants contenant plus de mots et dont le rythme est plus riche. De même pour le graphisme. Au début,nous nous contentons du seul gribouillage qui procure à l'enfant un plaisir considérable. Puis nous passons aux formes géométriques simples pour aboutir à l'âge de cinq ans à l'apprentissage progressif de l'écriture», indique Mme Ben Mahmoud. Outre ces activités, il existe d'autres moyens intelligents favorables à l'évolution psycho-affective de l'enfant. Le jeu de la poupée se présente comme un jeu porteur de sens dans la mesure où il permet à l'enfant de s'exprimer. Le jeu de cuisine ou encore celui de l'environnement permet à l'enfant de se situer dans un contexte social en miniature et d'apprendre à s'y adapter. Grâce à ces techniques de jeux bien étudiées tout en étant simples et spontanées, l'enfant apprend à communiquer avec ses semblables. Il se débarrasse peu à peu de sa possessivité exagérée et prend goût au partage. Il y a lieu de noter que l'approche utilisée dans le jardin d'enfants municipal consiste à créer des sous-groupes dans un même groupe d'enfants. Chacun de ces sous-groupes s'adonne à un jeu, alors que les autres sont préoccupés par d'autres jeux. Puis, changement d'activités: ceux qui jouaient à la poupée passent au bricolage alors que ceux qui s'amusaient aux legos passent au jeu de la poupée, etc. Basma Abidi est animatrice depuis 18 ans. Cela fait déjà 15 ans qu'elle travaille dans le jardin d'enfants municipal Azaiez Tej. «Les débuts étaient quelque peu difficiles. La théorie diffère de la pratique. Il faut être très patiente. Mais au fil des années, j'ai pris l'habitude. Et puis j'aime mon métier et j'aime les enfants; deux critères incontournables dans notre métier», souligne -t-elle. Basma surveille l'activité de quatre sous-groupes. Interrompue plusieurs fois par les chérubins qui, tantôt lui montrent leurs réalisations en sollicitant indirectement et intelligemment un mot d'encouragement qui ne tarde pas à venir, tantôt lui racontent des caprices innocents; cette animatrice ne perd pas son sang-froid. Plus encore, elle acquiesce à ces sympathiques intrusions avec le sourire et le ton câlin. S'ouvrir sur son environnement Des activités physiques, d'expression et d'ouverture sur l'environnement social mais aussi des activités à portée écologique. Pour susciter l'éveil scientifique chez l'enfant et permettre le contact de ce dernier avec les composantes naturelles, des activités tout aussi divertissantes et intéressantes que les autres sont programmées régulièrement. Il s'agit, en fait, de planter un végétal et d'apprendre à l'entretenir. Ceci l'aide, de surcroît, à comprendre le système écologique et à connaître les effets bénéfiques du soleil et de l'eau sur la flore. «L'éducation musicale figure, en outre, au cœur des activités que nous proposons. Elle est dotée d'une importance majeure en raison de son précieux impact sur les sens. Dès l'âge de trois ans, nous procédons à l'éveil musical de l'enfant par le biais de bruits divers afin qu'il fasse la différence entre le son aigu, le son grave, le son fort et le son faible. Puis, nous passons à l'étape des notes tout en l'incitant au chant. Outre son impact positif sur l'humeur du chérubin, l'éducation rythmique lui apprend à être attentif aux messages qui lui sont transmis par les sens en général et par l'ouïe en particulier. Cela le prépare également à la concentration pendant les cours une fois inscrit à l'école», explique la directrice. On ne peut parler des activités effectuées dans les jardins d'enfants sans évoquer le bricolage. Aussi, plusieurs astuces sont-elles possibles dont l'optique consiste à inciter l'enfant à la créativité. Prenons pour exemples la méthode du découpage et du collage de photos tournant autour d'un même thème tel que les outils de nettoyage ou encore les ingrédients d'un plat; celle de la conversion d'objets divers en un objet décoratif. Citoyens à part entière, les enfants célèbrent à leur manière les fêtes nationales et religieuses tout en tirant un valeureux bénéfice: celui d'apprendre. «Le jardin d'enfants municipal Azaiez Tej était à l'initiative, en 1990, du conseil municipal des enfants. L'idée est partie d'un jeu éducatif pour devenir un acquis national pour l'enfance», note fièrement Mme Ben Mahmoud. Ce qui fait la différence entre certains jardins d'enfants privés et ceux municipaux, c'est la rigueur et le respect infaillible des normes dont tout preuve ces derniers. En effet, il est fondamental pour tout jardin d'enfants, privé soit-il ou étatique, d'être doté d'une infrastructure appropriée, favorable à l'exercice des différentes activités et à l'épanouissement des enfants. «Dans les jardins d'enfants municipaux, le cadre architectural, les équipements appropriés répondant aux besoins psychomoteurs et au bien-être de l'enfant, la bonne aération et l'éclairage ne sont point des critères à négliger. D'autant plus que le recrutement des cadres de l'enfance est garanti à partir d'un profil bien déterminé, basé sur la compétence, la patience et la générosité affective», renchérit la directrice. Naoufel Ben Alaya est un parent qui vient, à la hâte, reconduire ses deux enfants, âgés de 3 et de 5 ans, pour la pause du déjeuner. Il justifie sa préférence pour un jardin d'enfants étatique: «D'abord, situé dans une impasse, l'endroit présente moins de risque en matière d'éventuels accidents. Sur le plan professionnel, les cadres d'enfance sont bien qualifiés, le local est spacieux et agréable. D'autant plus que sur le plan financier, les frais sont très abordables, à savoir 27dt par mois par personne». Passant le plus clair de son temps préscolaire entouré d'une petite société avec qui il partage centres d'intérêt et aspirations, assisté sans doute par un cadre spécialisé connaisseur en matière de besoins développementaux de l'enfant, le chérubin franchit, un à un les étapes de l'apprentissage. Il acquiert, peu à peu la confiance en autrui et l'estime de soi. La direction nous confie, même, qu'un enfant autiste a réussi au bout de quelque temps à évoluer et à communiquer avec ses camarades; une réussite et une récompense morale pour tous les encadreurs.