Par Hamma HANACHI Il faut croire que les vents sont favorables, le ministère de la Culture assume, il envoie des signaux clairs pour encourager la lecture, des banderoles, des slogans, et de bons mots sont déployés sur les grandes artères. Les librairies rivalisent pour attirer l'éventuel acheteur, des ventes flash à moins 30% du prix, des rencontres avec des auteurs, multiplication des séances de signature et de petits espaces aménagés pour lire. En Catalogne, la tradition veut qu'à chaque livre acheté en ce jour du 23 avril, une rose est offerte, les livres et les roses font bon ménage. Qui sait, de la lecture, il peut naître l'amour des fleurs. Gros succès de l'opération sur le parvis du théâtre municipal et tout au long de l'avenue Habib-Bourguiba, la télé relaie l'événement. Deux jours plus tard, plein d'affichettes annoncent les festivités de la Journée mondiale de la lecture (23 avril), fêtée le 22 au Belvédère à Tunis, Bizerte, Sousse, Gabès et Sfax. Initiative tentante sous tous rapports, chaque citoyen est invité à passer une heure ou plus, deux, trois heures ou moins à lire des extraits d'un livre, une revue, un journal, bref à découvrir l'univers de la lecture. Dimanche, vers les 11 heures, embarras du choix : quoi prendre dans la bibliothèque, deux livres c'est trop, plus, ça sera lourd à porter. On a longtemps cherché Fahrenheit 451, de Ray Bradbury, ça pouvait faire l'affaire, une fiction sur des pyromanes qui brûlent des livres et des résistants qui sauvent chacun un opus en l'apprenant par cœur, le chiffre indique le degré de température de combustion du papier qui équivaut à peu près à 233°C. Le Belvédère pourrait s'apparenter à la forêt où les lecteurs résistants récitent leur livre sauvé. L'histoire aurait prêté à une éventuelle conversation sur le rôle de la lecture, une digression sur le film de Truffaut, une intelligence entre lecteurs. Introuvable dans les travées sans rangement, nous vient en tête le volume de chevet, qui nous tient éveillé le soir, qu'on lit et relit et qu'on ne conseillera pas assez, Le livre de l'intranquillité de Fernando Pessoa. Immense écrivain. 14 heures, temps capricieux, direction le Belvédère, foule bigarrée, beaucoup d'enfants jouent, odeur de gazon mouillé, des groupes de lecteurs allongés, des organisatrices affables en mouvements, appartenance politique ? « Notre association est indépendante, nous militons pour la lecture », la plupart d'entre elles portent le voile. Pessoa en main, lente marche et arrêt pour renifler l'air du temps, des jeunes, le nez dans les manuels, une voisine lit le Coran, son voisin dessine des schémas ou révise ses exercices. Plus loin, d'autres feuillettent des illustrés mal faits, une jeune fille tient Michel Strogoff, de Jules Verne, elle a entamé le voyage en Russie, découvrant le traitre Ogareff, les méchants tartares, les steppes, l'Oural, le lac Baïkal, elle caressera de belles phrases et des aventures. Veinarde. Encore plus loin, quelques malins profitent de la brèche pour offrir des journaux du jour en arabe, l'opportunisme passe par là aussi. 17 heures, fin du programme, des papiers huileux et des restes de nourritures terrestres tapissent le gazon, pas besoin de nous allonger dans les détails. Apparemment, il manquait l'appétit de lire, des idées originales et la fête pour capter l'attention. L'année prochaine, ça sera mieux. ************************* 7e édition de Doc à Tunis par Ness El Fen (25-30 avril) qui programme plus d'une quarantaine de films, sous l'intitulé Engagement et militantisme. Rencontre. Sonia Chamkhi, cinéaste, participe avec Militantes... qui ouvre le festival, film nourri de documentation, d'approches politiques, de réactualisation de l'histoire, des conquêtes féminines, des paroles scellées. 78 minutes, 15 femmes évoquées. Sujet : le parcours et les motivations des militantes candidates à la Constituante, Bochra Ben H'mida, Radhia Nasraoui, Latifa Lakhdar, etc. Tout en commentant leur vocation, défendant leur discours électoral, justifiant leur implication dans la lutte, elles répondent à des questions essentielles du type d'où leur vient l'engagement politique, ou comment donner aux jeunes l'envi de participer à la vie sociale ? La cinéaste ouvre les tiroirs qui témoignent, des documents d'archives, courts portraits des aînées, les légendaires ayant épousé les idées modernes, B'chira Ben M'rad, qui, avec l'appui de ses sœurs et de son père, a créé l'Union musulmane des femmes de Tunisie (Umft) , Taouhida Ben Cheikh, doyenne des femmes médecins , première femme médecin musulmane, militante féministe, elle participe, dès 1937, à l'action du club de la jeune fille tunisienne et à l'Union des femmes musulmanes. Elle fonde aussi le premier service hospitalier de planning familial et de limitation des naissances et la première clinique spécialisée dans le contrôle des naissances et Radhia Haddad, figure marquante du mouvement des femmes, l'une des premières femmes parlementaires en Afrique et dans le monde arabe, présidente pendant 15 ans de l'Union nationale des femmes tunisiennes (l'Unft). Des portraits face à la caméra, une leçon d'histoire de femmes porteuses de projets. Suite devant les écrans.