Par Abdelhamid Gmati Nos élus à l'Assemblée constituante ont tenu, semble-t-il, près de 200 réunions. Cela n'était pas évident ; mais ils ont abouti à quoi ? On sait qu'ils n'ont pas écrit une seule ligne de la nouvelle Constitution, leur raison d'être. Apparemment, ils se sont consacrés à gouverner avec le gouvernement et à s'occuper de questions «pratiques». Mais c'est leur dernière réunion qui a le plus intéressé et ému. Elle était plus «secrète» que les autres et elle a été consacrée à l'examen de la situation matérielle et financière de ses membres. Il s'agissait, bien sûr, de demander (et probablement d'obtenir) des augmentations de salaires et d'autres avantages, dont des emplois pour les élus chômeurs. D'ailleurs, l'un d'entre eux a demandé l'exonération douanière pour l'importation de voitures par les élus. On ne savait pas qu'ils vivaient une situation matérielle aussi déplorable, avec des émoluments de quelques milliers de dinars. Leurs revendications viennent à la suite d'une décision du président de l'Assemblée concernant les indemnités et autres avantages accordés à ses deux adjoints et qui atteignent la somme de 26 mille dinars (versés en euros) par mois. Il y a eu certes un démenti mais pas encore confirmé, malgré une promesse. Ailleurs, en France en l'occurrence, le nouveau président (élu) de la République a tenu sa promesse de réduire de 30% son salaire et celui des ministres. Et il a également été fidèle à une autre promesse : de réaliser la parité au sein du gouvernement ; chose faite : 17 hommes et 17 femmes pour un gouvernement de 34 membres. Ici, et selon un de ses conseillers, «le président Marzouki ne touche que le dixième de son salaire, soit l'équivalent de 3.000 dinars, et verse le reste à des caisses d'aide au profit des jeunes chômeurs». Soit et c'est tout en son honneur. Mais ce n'est pas le cas du reste du gouvernement dont les 81 membres (proportionnellement aux populations 15 fois plus qu'en France) n'ont pas tenu leur promesse de renoncer à une partie de leurs salaires. D'ailleurs une ministre a estimé qu'accepter les 4.600 dinars de salaire, deux voitures de fonction avec chauffeur, 500 litres de bons d'essence et deux aides-ménagères, représente un sacrifice de la part des ministres qui étaient à l'étranger et avaient une situation meilleure. En ce qui la concerne, ce qu'on lui offre ici ne représente que 20% de ce qu'elle gagnait ailleurs. Les chômeurs et ceux qui ont fait la Révolution sauront apprécier ce sacrifice. Le chômage, on le sait, est une vraie catastrophe et préoccupe tout le monde. D'ailleurs, M. Rached Ghannouchi, leader d'Ennahdha, s'en inquiète. A sa manière. Pour lui, la désaffection des jeunes pour le mariage vient du chômage. En conséquence, il faut leur procurer des emplois pour qu'ils puissent se marier. Les 709.700 chômeurs (derniers chiffres de l'INS) qui ne trouvent pas de quoi manger et vivre décemment apprécieront. Ailleurs, au Maroc, par exemple, on se préoccupe aussi du chômage, celui des jeunes et des diplômés. Le Premier ministre en a longuement parlé devant les députés: «Je suis de tout cœur avec eux, je les respecte et je souhaite que Dieu puisse les aider». Paroles qui ont été suivies de quelques rires et auxquelles il a répondu: «Quoi? Est-ce que vous n'avez pas foi en Dieu ? Qu'est-ce qui se passe? Chaque fois qu'on demande quelque chose à Dieu, il nous le donne ». Les chômeurs ont été tranquillisés. Comme, d'ailleurs, nos centaines de ressortissants tunisiens, inquiets de la rupture diplomatique avec la Syrie, mais apaisés puisque « Dieu est avec eux». Par ailleurs, les médias sont toujours objets de controverses. Ici, le pouvoir estime que les journalistes (particulièrement ceux de la Watania) manquent de «professionnalisme» et font preuve « d'hostilité envers le gouvernement ». Ailleurs, l'épouse de l'ex-président français ne porte pas non plus les journalistes dans son cœur. Selon elle, son mari (qui a perdu les récentes élections) a été victime de « l'acharnement » des journalistes (ceux de la chaîne publique). Ailleurs aussi, il y a un ministre, récemment nommé, qui est intervenu en direct en appelant une station radio pour corriger une information. Gentiment et sans menace. On le voit, il s'en passe des choses, ici et ailleurs. Et on pourrait continuer à les relever. On le fera d'ailleurs. Sans arrière-pensée. Tiens, en voici une dernière : il paraît que le nom du nouveau Premier ministre français fait «rougir» la presse arabe car (semble-t-il) Ayrault, prononcé «Aïro», voudrait dire «pénis» dans le langage familier de certains pays. Honni soit qui mal y pense. Le ministère français des Affaires étrangères a transmis à la presse une transcription officielle, retenant l'option de transcrire toutes les lettres de son nom comme si elles se prononçaient, y compris le L et le T. Comme quoi, on recherche les futilités, quand on n'a rien à faire. D'ailleurs, une ex-ministre française résume : «Ce qui fait le sel de la vie, c'est de savoir qu'on va mourir et ce qui fait le sel de la politique, c'est qu'on sait qu'on va partir».