Par Jawhar CHATTY Les négociations sociales entre le gouvernement et l'Ugtt sont au point mort. Elles restent cependant encore ouvertes. Et ce n'est pas peu. Dans la mesure où de la suite qui sera donnée dans les prochains jours à ces négociations dépendra, n'ayons pas peur des mots, l'évolution de ce climat de sérénité précaire qui prévaut aujourd'hui dans le pays. De l'évolution de cet équilibre instable entre les besoins d'une société qui aspire légitimement à un mieux-être et l'exigence de relance d'une économie en récession, du moins en convalescence. Dans ces conditions, la question n'est pas de savoir si, en termes de valorisation des salaires, l'année «sociale» sera blanche ou noire ou même grise. Le gouvernement et les partenaires sociaux savent aujourd'hui, et peut-être mieux que quiconque, apprécier toute la gravité de la question. Trêve donc d'hypocrisie et de petits calculs. Quand, sous le couvert d'un engagement désintéressé, certaines voix s'élèvent pour en appeler au devoir et à la responsabilité et du gouvernement et de l'Ugtt, ces mêmes voix oublient que les périodes exceptionnelles se passent bien volontiers des discours à demi-teinte. On ne peut pas être à la fois pour quelque chose et pour son contraire ! Que ces voix avenantes à souhait daignent, pour une fois, se frotter à l'amère réalité. L'amère réalité, ce sont avant tout les sans-emploi et les familles qu'ils ont le plus souvent en charge. L'amère réalité, ce sont la dégradation du pouvoir d'achat pour tous ceux qui ont aujourd'hui le privilège d'avoir un emploi, même sous-payé. Comment aussi demander aux ressources humaines de donner plus pour leur pays et pour leurs entreprises tant qu'elles se sentiraient exclues des bénéfices réalisés par elles? Oui, replacer la culture du social au cœur de l'économie. Ce n'est pas une valeur facile à observer. C'est une éducation permanente, et c'est au contact des réalités concrètes que se forme la culture de la négociation. C'est cet esprit qui peut seul être fécond et se traduire par un consensus. Comment espérer attendre de la société tunisienne qu'elle fasse des sacrifices en cette année exceptionnelle ? Comment l'économie nationale peut-elle espérer relever le défi de la relance et de la compétitivité en l'absence d'une motivation sociale qui reste le moteur de la productivité ? Comment espérer une croissance juste et durable, en dehors d'un climat de confiance et de stabilité ? Ce sont là des questions de fond, tout le reste n'est que babil, hors sujet et sujet à récupération. Le pays attend la relance et d'être relancé. Le gouvernement croit tout faire pour cette double relance. Et il semble sérieusement s'atteler à la tâche. Les partenaires sociaux aussi... et jusqu'à une certaine «opposition» qui, sur le fond, n'existe pas. Reste ces interférences négatives, ces messages intéressés et à demi-teinte. La vie, la réalité est heureusement tout sauf des choix binaires. Les politiques et les syndicalistes le savent bien. Ils n'ont, à ce titre, nullement besoin d'être éclairés par cette nuée de nouveaux-anciens opportunistes. Ils savent, les uns comme les autres, que le salut passe aujourd'hui par le respect des fondamentaux : la stabilité du cadre macroéconomique et le souci d'un progrès social rationnel et raisonné...