Le président de la République, M. Moncef Marzouki, rehaussera de sa présence cette réunion de gala, renouant avec une tradition établie et maintenue durant de longues années par le président Habib Bourguiba qui prenait plaisir à venir à l'hippodrome de Kassar-Said et à se mêler à la foule. En effet, le « Zaiem » accordait un intérêt particulier à cette manifestation, à titre symbolique d'abord parce que la Société des Courses de Tunis était durant la période coloniale un bastion des colons, mais également pour encourager les propriétaires, les éleveurs de chevaux et les professionnels de ce secteur traditionnel de notre agriculture. Durant son règne de 23 ans, Ben Ali ne s'était déplacé qu'à trois reprises, la dernière fois en 2010 où on gardera de sa visite le souvenir de sa phobie sécuritaire et le déploiement massif des forces de l'ordre, pour un passage furtif d'une demi-heure !... L'année dernière, on avait espérer jusqu'à la dernière minute la venue de M. Fouad Mbazaa ou tout au moins celle du Premier ministre, mais la manifestation s'est déroulée dans une grande discrétion et sans couverture médiatique...Les courses ne sont pas un simple spectacle pour gens nantis ou un support de jeu pour des parieurs invétérés (hélas, c'est l'image que traîne l'hippisme en Tunisie). C'est en premier lieu un débouché nécessaire pour l'élevage des chevaux de pur-sang. En effet, les courses permettent la mise en valeur des sujets les plus performants et assurent une sélection génétique basée sur les performances sportives des chevaux. Assimilés au départ à une activité agricole, les courses et l'élevage sont devenus une véritable industrie avec une concurrence internationale de plus en plus vive et qui emploie une main-d'œuvre spécialisée à divers niveaux ( palefreniers, lads, maréchaux-ferrants jockeys, entraîneurs, vétérinaires, zootechniciens, ingénieurs-agronomes, artisans, selliers, bottiers, marchands de fourrage et d'aliments....) . Une main-d'œuvre très prisée même à l'étranger. De nombreux Tunisiens travaillent dans ce secteur en Europe et au Moyen-Orient. Malgré l'absence totale d'actions de promotion, nos chevaux (arabes, barbes et même anglais) sont appréciés à l'étranger et s'exportent à des sommes atteignant des centaines de milliers de dinars ! On vit encore sur l'élan donné au secteur dans les années soixante...mais attention, l'allure se réduit au fil des années. La Tunisie était à l'époque nettement en avance sur les pays voisins et l'hippodrome de Kassar-Said rivalisait largement avec plusieurs champs de courses de la province française. Les plus fines cravaches parisiennes séjournaient plusieurs semaines chez nous. Des chevaux gagnants ou placés de groupe étaient régulièrement importés. Mais « dormir sur ses lauriers » conduit toujours à de mauvais résultats. En cette période de crise économique et de recherche souvent désespérée d'emplois, l'élevage et les courses pourraient assurer l'embauche de centaines de jeunes chômeurs diplômés ou non. A cet effet, il faudrait que le gouvernement prenne conscience de l'importance de ce secteur et lui accorde l'intérêt qu'il mérite. Une politique à moyen et long terme d'encouragement du secteur doit être établie pour que les propriétaires puissent investir en confiance, avec en parallèle la formation de professionnels à tous les niveaux. Un effort de décentralisation doit être aussi mené, avec la création de haras, de centres d'entraînement et d'hippodromes régionaux à Meknassy (berceau du pur-sang arabe), Kairouan, Béja, Ben Guerdane (les propriétaires libyens passionnés à l'extrême de chevaux participeraient massivement à des courses organisées dans cette région frontalière), dans les régions sinistrées de Sidi Bouzid, Regueb, Gafsa.......dans des zones touristiques comme Hammamet, Tabarka ou Tozeur où les promoteurs sont à la recherche d'animation pour divertir les touristes. Cette stratégie globale de développement des activités liées au cheval, génératrices d'emplois et de richesses au profit du monde rural, nécessite évidemment des moyens. Or ces moyens sont disponibles à travers les prélèvements du P.M.U. , mais ils sont détournés de leur vocation pour des supposées aides caritatives (solidarité nationale). Ben Ali en aurait même largement profité....Comme dit le proverbe : «charité bien ordonnée commence par soi même» l'argent du Cheval devrait revenir au cheval ! C'est le principe de base du Pari Mutuel Urbain remarquable système de gestion que l'on a hérité de la France. Au lieu d'actions caritatives, il serait plus opportun d'investir dans la création de nouvelles richesses et de milliers d'emplois à travers la République. A titre indicatif, la filière équine en France génère plus de 130.000 emplois. En Turquie elle participe à hauteur de 1,2% au PIB national, au Maroc elle représente 0,5% et est pourvoyeuse de milliers d'emplois (3.000 directs et 5.000 indirects) et malgré l'absence de statistiques officielles, on ne doit pas être en Tunisie loin des chiffres marocains. Il y a beaucoup à faire donc. Nous avons les compétences et un capital génétique appréciable pour progresser dans la bonne direction, mais il nous manque l'esprit d'initiative (les propriétaires et les éleveurs en sont responsables) et surtout le levier de commande (l'appui politique indispensable) pour avancer. La glorieuse Révolution du 14 janvier a suscité de grands espoirs....Tous nos vœux qu'ils se réalisent même en partie !