C'est hier matin, à la salle de conférences de la Cité des Sciences à Tunis, que le Syndicat des magistrats tunisiens (SMT) a tenu son assemblée générale ordinaire, avec pour ordre du jour des questions majeures dont la résolution traîne en longueur. A l'ouverture des travaux, Mme Raoudha Laâbidi, présidente du SMT, a attiré l'attention sur la situation d'instabilité dont souffre, aujourd'hui, le secteur de la magistrature. Une conjoncture professionnelle assez délicate, où l'absence d'assises juridiques réglementaires et de garanties constitutionnelles n'a fait que bouleverser les cartes de la réforme judiciaire et affaiblir le corps de métier. Ainsi, les lenteurs procédurales en matière d'adoption du projet portant création de l'instance provisoire indépendante de la magistrature et les décisions affligeantes à l'encontre des 82 juges déjà révoqués sans recours à la justice sont autant d'alibis pour faire mainmise sur le secteur. Ce qui a ouvert la porte, a-t-elle ajouté, à des tiraillements d'intérêts politiques et des tentatives d'ingérence dans les affaires judiciaires. Face à cette déstabilisation, le SMT a pointé du doigt l'Assemblée constituante, lui faisant assumer l'entière responsabilité. Car, explique-t-elle, c'est elle qui aurait dû approuver la création de l'instance provisoire indépendante de l'ordre judiciaire, un mécanisme censé réguler le métier jusqu'à la mise en place de ses statuts et l'institution du Conseil supérieur de la magistrature. «Alors que nous lui avons envoyé plusieurs projets en la matière pour lui faciliter la tâche, mais sans aucune réponse...», a-t-elle fait savoir, soulignant que le syndicat est disposé à accepter n'importe quel projet dans ce sens, à condition qu'il soit à la hauteur des attentes. Les préalables de la réforme D'autres points en suspens ont été considérés comme préalables à la réforme judiciaire dont le traitement relève des attributions de la Constituante, à savoir les nominations et le mouvement des magistrats avant les vacances judiciaires prévues à partir de juillet. Dans ce contexte, Mme Laâbidi a relevé qu'en vertu des longues et pénibles négociations avec le ministère de tutelle, il a été parvenu à une solution consensuelle défendant la création d'une instance provisoire indépendante purement judiciaire sans aucune tutelle. «En dehors de l'instance, nul n'aura à interférer dans les affaires internes des magistrats, que ce soit au niveau des carrières professionnelles ou sur le plan disciplinaire», s'engage-t-elle, rejetant toute tentative de domination du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire. Par ailleurs, comme l'a indiqué Mme Laâbidi, un accord a été déjà signé entre le ministère et le syndicat portant sur les critères à adopter en matière de mouvement du corps. Devoir de rendre des comptes A propos de la révocation des 82 juges, le SMT a dénoncé catégoriquement cette politique d'intimidation et le recours à de tels mécanismes indignes qui consacrent l'hégémonie du ministère de tutelle, sans garantie aucune. Des pratiques qui ne correspondent pas aux exigences de la démocratie et du droit à la défense. Et de rappeler que la liste de révocation a fait, également, l'objet de négociations avec le ministère au cours desquelles il a été évoqué le droit à des recours judiciaires et l'audience impérative des juges en question. Cependant, il est tout à fait paradoxal, commente-t-elle, de voir le ministère décider et revenir sur ces décisions pour auditionner les révoqués. Aussi, est-il dérisoire de relever seulement 24 juges qui ont été jusqu'à maintenant auditionnés ? Et le reste ! Selon la présidente du SMT, le ministère est appelé à faire bénéficier d'audiences tous les juges concernés. Mme Laâbidi a aussi indiqué que le ministère s'est engagé à élargir la concertation lors de l'examen des recours présentés par les magistrats révoqués dans le but de préserver la dignité de la magistrature et de garantir leur droit à la défense. Car personne n'est au-dessus de la loi, insistant sur le fait que le syndicat est attaché à ce que les magistrats fautifs rendent des comptes. Prenant la parole, M. Issam Lahmar, secrétaire général du SMT, a donné d'amples détails sur ladite instance provisoire indépendante de la magistrature, laquelle devrait être élue par les professionnels. Mais, ce qui pose problème, selon lui, c'est la constitution de cette instance qui doit représenter le corps de métier, sans aucune autre partie étrangère. Le SMT est arrivé, enfin, à un consensus, stipulant que l'instance doit comprendre en son sein cinq juges désignés et six autres élus, de façon que les élus demeurent toujours majoritaires. Selon lui, il s'agit, à vrai dire, d'un choix incontournable qui a exclu la possibilité de la présence d'autres personnalités en dehors du métier. Il a été également convenu de la mise en place d'une commission à vocation consultative qui s'intéresse au sujet des disciplines et du mouvement des magistrats. Par ailleurs, M. Lahmar a passé en revue les propositions avancées en matière de promotion professionnelle et de passage de grade pour les juges de différents degrés, tout en tenant compte de l'ancienneté et des compétences requises. Sans pour autant oublier d'aborder les avantages sociaux et les indemnités auxquels les juges ont droit au cours de l'exercice de leur métier, conformément à des critères de base préétablis.