Quelles réformes faut-il apporter aux méthodes de travail de l'armée tunisienne, compte tenu des mutations géostratégiques secouant le monde d'aujourd'hui ? Devrait-on toujours dépendre de certains pays occidentaux pour ce qui est de la garantie de notre sécurité nationale ? A ces questions qui reviennent sans cesse dans un monde en pleine ébullition, répondra un ancien haut officier qui porte le nombre de ses années passées au service de l'armée nationale comme un médaillon honorifique sur la poitrine. Colonel Kilani Ben Nasr pense qu'il n'est pas encore temps de penser à la constitution d'une armée de métier, vu la situation fragile dans laquelle se trouve le pays. «On n'a pas encore atteint le niveau des armées occidentales pour penser à la professionnalisation de la nôtre. Ajoutons que cela suscite des conditions spéciales et de gros moyens dont on ne dispose pas aujourd'hui. Puis, pour nous, l'armée est avant tout un garant de souveraineté et d'indépendance. Et c'est grâce aux grandes écoles occidentales et aux partenariats que nous avons conclus avec certains pays avancés en la matière que notre armée ne s'est point départie, depuis sa création, de sa mission principale qu'est la préservation des options de principe de la République. En d'autres termes, le fait d'avoir côtoyé les armées occidentales nous a permis de savoir gérer les moments de crises politiques. Si l'armée nationale a réussi à préserver l'ordre républicain en exerçant dans la neutralité totale durant et après la révolution du 14 janvier, c'est grâce à l'enseignement de qualité qu'ont eu nos hauts officiers dans les grandes écoles occidentales. Un enseignement qu'ils ont transmis par la suite aux générations suivantes. Dans la même perspective et afin de préserver nos acquis culturels et moraux, je pense que l'armée turque est un modèle à suivre aussi. Etant donné qu'elle ne s'est jamais mêlée de questions religieuses ou politiques, cette armée demeure parfaitement à l'occidentale. Il va sans dire que notre armée devra garder sa neutralité en évitant d'afficher une tendance politique ou une autre». La question qui se pose sur un autre plan porterait sur la capacité de notre armée à s'affirmer dans une région maghrébine connaissant de profonds bouleversements politiques, sociaux et économiques. A ce propos, M. Ben Nasr affirme que «les menaces sont là. Toutefois, l'armée nationale, bien que son effectif et ses équipements soient limités, est en mesure de contrôler toutes les situations grâce à la vigilance et à l'intelligence de ses dirigeants ainsi qu'à l'audace et à l'abnégation de ses enfants. L'armée nationale est donc en très bonne santé et il ne faut rien craindre pour elle. Il convient de dire cependant qu'elle est de plus en plus confrontée à des difficultés causées par une politique peu perspicace et loin d'être prospective. Sinon, comment explique-t-on le fait de sympathiser avec un gouvernement voisin qui ne maîtrise rien jusqu'à ce moment ? Cela a donné lieu à un grand trafic d'armes sur les frontières. Aujourd'hui, il incombe à l'armée de rattraper ces sottises politiques». Par ailleurs, notre interlocuteur insiste sur la nécessité d'augmenter l'effectif de la police militaire à 5.000 personnes afin de soutenir les forces armées en cas de calamités naturelles ou en cas de débordements menaçant la sécurité du territoire. Il pense, du reste, que l'armée doit éviter de trop rentrer dans des débats stériles pour se contenter d'observer et d'intervenir en temps opportun.