Avec les mutations profondes que connaît le pays depuis le 14 janvier 2011 dans tous les domaines politiques, économiques et sociaux, l'économie tunisienne vit une période de transition historique et décisive. Cette transition concerne tous les aspects de l'activité économique, dont notamment le code d'incitation aux investissements, les priorités sectorielles et régionales, les relations de travail et le climat social, le repositionnement des entreprises à l'échelle nationale et internationale et le financement. La transparence, la bonne gouvernance, l'autonomie de décision et l'application des lois et des règlements en vigueur constituent les lignes conductrices de ces mutations. De nouveaux rapports de partenariat gagnant-gagnant doivent être établis entre les organismes de financement et les entreprises en quête de fonds à des conditions comparables à celles de leurs concurrents sur le marché international aussi bien au niveau des coûts qu'à celui de la qualité des relations et du partage des gains et des risques, la viabilité de l'entreprise, sa réussite et sa pérennité devant constituer la pierre angulaire de ces rapports. La circulaire 2011-6 de la Banque centrale de Tunisie relative au renforcement des règles de bonne gouvernance dans les établissements de crédit et qui doit entrer en vigueur le 1er juillet prochain marque le début d'un changement radical dans ces rapports et constitue un défi de grande importance qui ne peut être relevé sans la sensibilisation, l'adhésion et la collaboration de toutes les parties prenantes. C'est dans ce cadre que la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect), et à la suite d'une large consultation avec des institutions de financement et des chefs d'entreprise, a pris l'initiative d'organiser récemment, avec la collaboration de la Bourse des valeurs mobilières de Tunis, une conférence sur « le financement de l'entreprise face aux exigences de bonne gouvernance », dans l'objectif de contribuer à la relance de l'économie, à la reprise du rythme normal des investissements et la restructuration et le développement des entreprises. L'objectif étant aussi de mettre en valeur les opportunités de financement ainsi que la complémentarité des mécanismes de financement disponibles tout en examinant les difficultés rencontrées par les chefs d'entreprise dans leurs démarches de recherche des fonds nécessaires afin d'y remédier. Les défis que l'entreprise devrait relever au moment où le climat des affaires s'améliore et les prémices de reprise se dévoilent dans la conjoncture du premier trimestre sont nombreux. En effet, face à un environnement international défavorable et des attentes sociales en augmentation, « l'entreprise tunisienne est appelée à assurer sa pérennité, composer avec les acteurs de l'environnement et jouer son rôle comme institution sociale responsable. Sa mission serait de contribuer à la création de la richesse, mais aussi à la stabilisation économique et sociale, puisqu'elle en tire profit et en est une principale représentativité », précise M.Ridha Saidi, ministre auprès du chef du gouvernement, chargé des affaires économiques et sociales. Par ailleurs, l'entreprise, comme institution sociale, ne devrait pas privilégier la plus-value de court terme au détriment de considérations stratégiques lui permettant de jouer un rôle fédérateur dans l'innovation technologique, dans le recrutement et la formation de l'emploi qualifié et adapté, et aussi dans les mécanismes redistributifs de la richesse nationale. Pour promouvoir davantage l'entreprise tunisienne, le gouvernement œuvre actuellement pour réformer l'administration, alléger des procédures et établir de nouvelles normes de gouvernance publique en vue d'améliorer le climat des affaires aux yeux des investisseurs nationaux et étrangers. Les réformes toucheront également le code d'investissement pour qu'il devienne moins complexe, un véritable levier institutionnel pour l'investisseur privé, local et étranger et aussi le système bancaire, principal mécanisme de financement des entreprises en Tunisie. « Ces décisions, si nécessaires soient-elles, seraient insuffisantes si elles n'étaient pas accompagnées de manœuvres volontaires prises par l'entreprise. En effet, parmi les conditions suffisantes, il faut signaler celles ayant trait au mode opérationnel de l'exercice du pouvoir au sein de l'entreprise. En ce sens, la gouvernance synthétiserait les mécanismes officiels, voire informels, assurant que le décideur, quel qu'en soit le positionnement organisationnel, ne prenne des décisions portant préjudice à la transparence et à l'intérêt collectif de l'établissement », souligne M.Saïdi. Il est à noter que la gouvernance fait office d'intérêt croissant en Tunisie. Elle permettrait de réduire les distorsions relationnelles et fonctionnelles au sein de l'entreprise et à travers les attributions de ses structures et dirigeants. Par ailleurs, l'observation montre que ces distorsions, pesant lourd sur la performance productive de l'entreprise, ne sont pas sans être influencées par le système de financement en vigueur. Outre l'appui financier public, en Tunisie, deux principales manières sont envisagées pour distinguer les systèmes de financement disponibles. Il s'agit du système de financement direct et celui imprégné par le recours à l'intermédiation bancaire. Chacun de ces systèmes agit directement ou indirectement sur le type de l'organisation de l'entreprise et donc sur la manière dont elle est gouvernée. Outre sa contribution à l'amélioration des performances productives de l'entreprise ainsi qu'à sa compétitivité, la bonne gouvernance permettrait à l'entreprise de répondre aux exigences de l'ouverture sur l'extérieur. La gouvernance d'entreprise et le schéma de son financement s'insèrent dans la logique de la nécessité de prendre en compte la pérennité de l'entreprise, la solidité du tissu industriel, la transparence, la redevabilité et la responsabilité sociétale. «Il ne s'agit pas en effet d'adopter ces aspects et conditions mais le problème est la manière avec laquelle il faudrait les appliquer», ajoute M.Saïdi. A ce tire, la gouvernance est un catalyseur de performance, favorisant une restructuration adéquate de l'entreprise, une disponibilité et une fluidité de l'information.