• Mustapha Ben Jaâfar lance une tentative de réconciliation Marzouki-Jebali La crise qui a secoué, tout au long de la semaine écoulée, les rapports entre le président de la République et le chef du gouvernement, sur fond de désaccord à propos de l'extradition de l'ancien Premier ministre libyen Baghdadi Mahmoudi a-t-elle été dépassée ou menace-t-elle de perdurer? La question s'impose d'autant plus que la démission, samedi dernier, de Mohamed Abbou de son poste de ministre chargé de la Fonction publique est venue confirmer que les dissensions marquent toujours les rapports au sein de la Troïka, notamment au niveau des relations entre le chef du gouvernement et le Congrès pour la République, parti du président de la République, le Dr Moncef Marzouki, et dont le secrétaire général s'est retiré du gouvernement. D'autres questions restent sans réponse. Ainsi, la saisine par le Dr Marzouki de l'Assemblée nationale constituante l'appelant à arbitrer le conflit de compétences l'opposant à Hamadi Jebali, chef du gouvernement, a-t-elle été retirée effectivement comme l'a annoncé vendredi dernier le Premier ministre, du haut de la tribune de la Constituante, information aussitôt démentie par les constituants du CPR ? Deux autres questions méritent aussi des réponses aussi claires que transparentes : quelles conséquences aura la démission de Mohamed Abbou sur la Troïka, qui passe, le moins qu'on puisse dire, par des moments difficiles et que faudrait-il que les membres de cette même Troïka fassent afin de mettre un terme aux tiraillements qui la traversent, sur un rythme quasi hebdomadaire, et à ces erreurs de communication qu'elle est en train de commettre régulièrement. La saisine est toujours valable Samir Ben Amor, membre du bureau exécutif du Congrès pour la République et conseiller auprès du Dr Moncef Marzouki, est on ne peut plus catégorique et ferme : «La saisine déposée auprès du bureau de l'Assemblée nationale constituante n'a pas été retirée. Nous sommes attachés à ce que la Constituante fasse son travail et arbitre dans ce conflit de compétences opposant le président de la République et le chef du gouvernement conformément aux dispositions de l'article 20 de la petite Constitution». Le conseiller du Dr Marzouki précise encore : «La démission de Mohamed Abbou, secrétaire général du CPR de son poste de ministre de la Fonction publique, est une décision personnelle. Elle n'a pas été discutée au sein du bureau exécutif du parti et elle n'engage en rien le CPR. D'autre part, elle n'a aucun rapport avec la crise née de l'extradition de Baghdadi Mahmoudi. De plus, Abbou a déjà parlé, en mai dernier, de son intention de quitter le gouvernement». Quel impact cette décision aura-t-elle sur la Troïka ? «Aucune conséquence — estime Samir Ben Amor —. D'ailleurs, nous sommes déterminés à poursuivre notre contrat avec nos alliés afin de concrétiser les objectifs pour lesquels nous avons conclu notre alliance, à savoir la réussite de la seconde étape de la transition démocratique en Tunisie. «Quant aux tiraillements ou luttes internes au sein de la Troïka qui pourraient menacer son avenir, nous considérons qu'il n'y a point de tiraillements ou de conflits de leadership. Dans un régime d'Assemblée comme le nôtre où il y a deux présidents au niveau de l'exécutif, il est normal qu'il y ait des divergences sur certaines questions. On le savait déjà en examinant la loi provisoire organisant les pouvoirs publics. Et c'est bien pour résoudre de tels conflits que nous avons mis au point l'article 20 au sein de la petite Constitution. Aujourd'hui et à la faveur de l'affaire Mahmoudi, la Présidence de la République appelle à ce qu'il y ait recours à cet article et à ce que les membres de la Constituante se prononcent sur ce conflit de compétences. C'est une pratique courante dans les plus vieilles démocraties du monde. En Tunisie, c'est une nouvelle expérience et nous ne perdrons rien pour la vivre». Une initiative de réconciliation à l'horizon Qu'en est-il maintenant de la position de la présidence de l'ANC? Une source proche du Dr Mustapha Ben Jaâfar, président de la Constituante et président du parti Ettakatol, le troisième maillon de la Troïka, précise : «La démission de Mohamed Abbou n'aura pas de conséquences sur la Troïka qui poursuivra sa mission jusqu'aux prochaines élections qui marqueront le succès de la transition démocratique». La même source révèle que le Dr Ben Jaâfar, qui a toujours appelé «à parfaire la coordination entre les composantes de la Troïka, se prépare à lancer une initiative dans les jours à venir en vue de réconcilier le président de la République et le chef du gouvernement afin que la Troïka poursuive sa mission dans une ambiance de consensus, d'harmonie et de concertation permanente». Et afin que les dissensions actuelles ne perdurent pas, notre source appelle «à l'unification des discours adressés à l'opinion publique pour qu'il n'y ait pas de confusion ou de sous-entendus. Le discours de la Troïka doit traduire l'harmonie, l'entente et la coordination qui y règnent». «Le principe fondamental sur lequel repose l'action de la Troïka étant la consultation permanente, il est impératif, voire vital, que chacune des parties constituant cette même Troïka se limite aux attributions qui lui sont accordées par la petite Constitution et n'empiète pas sur les prérogatives des deux autres parties». «Les erreurs commises au cours de la semaine écoulée sont des erreurs formelles et non de fond et elles peuvent être dépassées, avec un minimum de coordination et de concertation, ce qui n'empêche pas de reconnaître que certains dérapages se sont produits et que notre ambition est qu'ils ne se reproduisent plus», tient à souligner notre source. Le portefeuille de la Fonction publique, toujours à la disposition du CPR Tout en considérant que la démission de Mohamed Abbou fera couler beaucoup d'encre, Walid Bennani, constituant et membre du bureau directeur d'Ennahdha, estime que «l'avenir de la Troïka n'en sera pas affecté. Actuellement, des concertations sont en cours entre les trois partis composant la Troïka dans l'objectif de rapprocher les points de vue, d'unifier le discours adressé à l'opinion publique et d'éviter les déclarations contradictoires semant le doute parmi la population. Le CPR, Ettakatol et Ennahdha tiennent toujours à l'alliance et notre objectif commun reste de réussir la 2e phase de la transition démocratique», précise-t-il encore. Le constituant et responsable nahdhaoui est convaincu que pour dépasser les dissensions, «la responsabilité au sein de la Troïka doit être partagée par tous les alliés appelés à respecter la petite Constitution et à évoluer, chacun, selon les prérogatives qui lui sont conférées. Le dialogue intra-Troïka est à renforcer et la coordination est désormais notre mot d'ordre. Quant au portefeuille de la Fonction publique, il demeure toujours à la disposition du CPR conformément à l'accord de répartition des ministères au sein de la Troïka».