A 80 km du port de La Goulette, au grand large des côtes tunisiennes, une bouée, unique en son genre, de 1,6 tonne, a été installée, jeudi dernier, sous l'œil vigilant de la marine tunisienne, et en présence de la ministre de l'Environnement. C'est à bord d'un bateau de la marine, un balyseur précisément, que Mme Mamya El Banna s'est rendue sur le site d'installation de la bouée, accompagnée de représentants des institutions concernées par l'environnement marin (APAL, INSTM, CITET, ANGED, ANPE...), la météorologie, la cartographie et la télédétection, l'équipement ainsi qu'un représentant du Programme Energie-Environnement de l'Union européenne, des services hydrauliques et océanographiques du ministère de la Défense et des représentants des médias. La bouée en question, un véritable laboratoire doté de capteurs solaires, fait partie d'un réseau de surveillance du milieu marin tunisien, nouvellement acquis par l'Observatoire du Littoral, sous tutelle de l'Apal, servant à mesurer des données physico-chimiques, hydrodynamiques et météorologiques, 80 indicateurs en tout. Faire face aux dangers marins avec plus de précision et d'efficacité Les prélèvements en mer, qui seront transmis instantanément à l'Observatoire du Littoral, où ils seront traités, comparés, analysés, serviront à améliorer les capacités de l'Observatoire dans la surveillance du littoral, le suivi de l'état de la mer et l'alerte précoce face aux dangers marins qu'ils soient climatologiques (avancée de la houle), environnementaux (pollutions) ou agricoles (ressources halieutiques). «Nous allons enfin pouvoir constituer une base de données importantes, la première en Tunisie, pour mieux comprendre un certain nombre de phénomènes marins et leur impact sur le dimensionnement des ouvrages côtiers (ports, marinas, digues), sur la gestion des produits de la pêche et la préservation de la qualité du milieu marin en général», explique la ministre. Certains indicateurs pourront être exploités à court terme pour améliorer par exemple les prévisions météorologiques, mais la base de données ne sera totalement exploitée que dans quatre à cinq ans. «Diverses institutions relevant notamment des ministères de l'Equipement et de l'Agriculture pourront profiter de cette base de données qui confèrera plus de précision et d'efficacité aux études et projets et représentera des éléments concrets d'aide à la décision», indique M. Habib Ben Moussa, directeur général de l'environnement. Points de collecte des données : golfes de Tunis, Hammamet et Gabès Le réseau de surveillance, relié à l'Observatoire du Littoral par GPRS, est composé dans sa totalité de trois bouées laboratoires fixes, qui seront placées respectivement aux golfes de Tunis (déjà fait), de Hammamet et de Gabès, et de quatre bouées légères mobiles transférables d'un site à un autre. Les trois bouées fixes reposent sur trois corps morts (piliers) de 20 mètres de profondeur, une sorte de sondes pesant chacune 4 tonnes, plongées dans les eaux marines pour collecter des données à différents niveaux de profondeur. Ce qui laisse imaginer la difficulté du travail d'installation des équipements (3 jours pour chaque bouée) et, plus tard, de leur maintenance. Une équipe de cinq ingénieurs et techniciens de l'Observatoire est à juste titre chargée de cette opération précise. Selon M. Adel Abdouli, directeur de l'Observatoire du Littoral, ce réseau de surveillance, de suivi et d'alerte est un projet conjointement financé par l'Union européenne (Programme Energie-Environnement) à hauteur de 33 millions d'euros (66 MD) et par un don japonais géré par le Programme des Nations unies pour le développement, équivalent à 3 millions de dollars (environ 3MD). Les pêcheurs récalcitrants La pose de la première bouée, jeudi dernier, ne s'est pas passée dans les temps prévus et la journée, en pleine mer, a été plus longue que prévue à cause d'un mouvement de contestation du côté du port de Ghar El Melh d'où devait être embarquée la bouée vers son site définitif. Les pêcheurs ont accusé les autorités de vouloir placer des équipements de contrôle de leurs activités de pêche et ont critiqué l'immersion des sondes expliquant que celles-ci feront obstacle à leurs filets et provoqueront leur détérioration. La bouée a été libérée, sans ses corps morts, au terme d'une longue réunion avec les autorités régionales, les pêcheurs et les représentants de la société italienne fournisseur de la bouée. Il reste donc à l'Apal et au ministère de tutelle de convaincre les pêcheurs de l'impact positif de ce réseau de détection sur les ressources halieutiques et donc sur l'activité de pêche en général, leur gagne-pain. L'adhésion des pêcheurs à ce projet semble désormais incontournable pour que ses objectifs soient atteints.