Ils étaient parmi nous, vendredi dernier au Théâtre antique de Carthage, avec la fraîcheur de leur âge et leur capacité à se mouvoir avec souplesse et élégance, à virevolter dans les airs, à faire tournoyer des objets — et avec eux nos esprits —, à titiller surtout notre amour pour la fantaisie et à réveiller nos âmes d'enfants. Ce sont les enfants acrobates chinois, dont l'âge contraste avec leur expérience et leurs exercices rigoureux du quotidien. Il y avait aussi le magicien aux multiples masques traditionnels tout droit sortis de l'imaginaire et des mythes chinois et qui, par un coup de tête, changeait de face. Un clown spécialiste des ballons qui donne vie aux formes les plus incroyables et les plus inattendues. On s'amuse à vouloir les deviner, mais en vain. Le bonhomme, au rigolo chapeau, réussit à chaque coup à nous surprendre. Face aux enfants, présents en grand nombre ce soir là, il fait apparaître un poulpe multicolore, un papillon ou un singe accroché à un palmier, rien qu'avec des ballons et l'habilité de ses mains. Ces objets étaient généreusement offerts à la jeune audience, ravie et émerveillée Mais ce sont les jeunes acrobates qui nous ont le plus impressionnés. Filles et garçons, le sourire éclatant venant appuyer l'élégance de leurs habits, exécutaient avec aisance les sauts les plus périlleux, les cabrioles et autres salto les plus étourdissants... Que dire aussi de ces enfants équilibristes soutenus par la force des bras de leurs aînés, dans un numéro, certes classique de cet art ancestral chinois, mais qui révèle beaucoup de technicité et de discipline. L'acrobatie en chine n'est pas uniquement une discipline mais tout un art à l'histoire millénaire. On lit qu'à l'époque des Printemps et des Automnes (XIe siècle av. J.-C. à 221 av. J.-C.), il existait déjà des représentations magnifiques faisant de l'acrobatie un art noble de la Cour. Ainsi, sous la dynastie des Han (221 av. J.-C. à 220), l'acrobatie chinoise qui s'appelait Cents Jeux, avait une forme assez définitive. Après la dynastie des Jin du nord et du sud (189-589), elle a pris le nom de Sanyue, avec des programmes de plus grande envergure et plus variés. Ce n'est que sous la dynastie des Song (960-1279) que l'acrobatie devient un divertissement populaire. Un art chaleureusement accueilli chez nous et même si les numéros sont demeurés plutôt classiques dans la forme, hormis celui des chefs cuistots jongleurs, nous avons été enchantés par la magie de cette présence colorée, par ces graines d'acrobates qui certes ont succombé à quelques maladresses ça et là mais qui nous ont bluffé par tant de rigueur, de précision, de grâce et d'élégance. Et quand le magicien masqué rend hommage à la Tunisie en brandissant avec vigueur le rouge de notre drapeau, l'on ne peut qu'apprécier cette attention. A la fin, quand les différents artistes se sont rassemblés pour saluer un public conquis, ce sont les deux drapeaux, chinois et tunisien qu'on brandissait façon d'appeler au dialogue des cultures. Le meilleur des dialogues, celui de l'art.