Par Khaled TEBOURBI Que penser d'autre de la prestation de nos trois confrères de «Nessma», «Hannibal» et «La Nationale» lors de leur récent entretien avec M. Hamadi Jebali, sinon ce qu'en a pensé tout le monde : timorée, effacée, «dans ses petits souliers». Tellement «dans ses petits souliers» que l'on se demande encore, et on n'est pas les seuls, si tout cela n'a pas été convenu d'avance. Juste «le ton» et «la marge» concédés à de «simples journalistes» auxquels on aurait accordé «l'insigne honneur» de rencontrer une personnalité d'une «toute autre stature». Il n'y avait pas photo vraiment ! Les uns étaient comme pétrifiés par «l'auguste présence». L'autre pérorait à l'envi. «Doctoral», magistral», ayant réponse à tout, jamais relancé, jamais interrompu. Jamais contredit, se permettant même quelque ironie à l'adresse de «ceux qui lisent les chiffres à l'envers» et «qui cherchent à induire en erreur l'opinion». Triste spectacle, pauvre débat. On avait déjà le moral en berne avec tout ce qui ce passe à l'Assemblée constituante. Voilà, qu'en sus, on en vient à douter de nous-mêmes. De notre indépendance et de notre intégrité. Tout «un tralala» Pourquoi revenir sur l'entretien ? Il suffit de relever ce qui y a manqué. Un gouffre de râtages, d'esquives, d'omissions. L'entretien, d'abord, était le second concocté en moins de trois mois. En différé, avec les trois mêmes chaînes et, encore une fois, sous la forme d'un «message à la nation». Tout «un tralala». Toute une pub en somme. Nos trois confrères y ont-ils songé? On est dans une phase de transition politique, démocratique. De vraies élections sont en vue. Est-ce dans notre éthique de gratifier d'une campagne avant coup de futurs candidats ? Et puis, à tout bien peser, qu'est-ce qui importe le plus, aujourd'hui, pour le pays ? Sont-ce les questions «d'ordures», d'eau et d'électricité ? Sont-ce les démissions de ministres et les prévisions de croissance ? Ou bien les problèmes qui surgissent et grossissent, au fil des jours, à distance du gouvernement, dans le giron «large» du pouvoir, à la Constituante en particulier ? C'est là que se joue réellement l'avenir politique de la Tunisie. C'est là où se déposent des projets de loi menaçant les libertés. C'est là que des élues (femmes!) montrent dents et griffes pour faire disparaître les acquis de La Femme. C'est là que s'échafaudent d'obscures alliances pour frayer la voie au totalitarisme religieux. C'est là, «à l'ombre de la légitimité électorale», que s'autorisent toutes les violations, tous les abus, toutes les cupidités et toutes les convoitises. Nul ne nous y force ! De tous ces problèmes qui risquent de faire basculer notre destin, pas un mot de la bouche de nos trois confrères, pas une esquisse d'interrogation. On eut dit que seuls comptaient, à leurs yeux, le monde et la vision du monde de M. Hamadi Jebali. Et nenni pour tout ce que nous vivons, pour ce que nous endurons, pour ce que nous redoutons. Oh oui, il y avait des contraintes, il y avait le contexte et le statut de l'interlocuteur, il y avait le différé. Mais qui ou quoi les y forçait vraiment ? Dans ce métier, quelles que soient les contraintes, quel que soit le contexte, quels que soient les risques, on a toujours la possibilité d'un choix : c'est ou la conscience ou le compromis. Aucun mélange, aucune excuse. Il nous pèsera longtemps sur le cœur cet entretien!