Hamdi Jebali chef du Gouvernement provisoire, s'est prêté à l'exercice des questions réponses samedi dernier à la télévision. Il s'est attelé à défendre son bilan laissant entrevoir une certaine autosuffisance. Sur plusieurs points, il s'est positionné sur les arguments de son ministre démissionnaire Houcine Dimassi. Il a répondu, durant plus d'une heure à plusieurs questions d'actualités. Il a bénéficié du prime-time et du passage sur trois chaînes de télévision Al Watanya, Hannibal et Nessma sans compter les radios. Un vrai tapage. Reste à savoir si l'horaire était bien choisi du moment que l'écrasante majorité des Tunisiens vaquaient à leurs occupations ramadanesques. Il a passé en revue les relations avec l'UGTT, la situation économique et financière, le rapport du FMI, des coupures d'eau et d'électricité, de la dégradation des services municipaux et l'entassement des ordures, de l'échéance électorale de Mars 2013, de l'ISIE, des hommes d'affaires interdits de voyage, du remaniement ministériel... Cette intervention télé coïncidait avec des rumeurs pressantes évoquant son éventuel départ et où Ali Lâarayedh le supplanterait. A-t-il répondu aux attentes de ses compatriotes avides et soucieux d'être réconfortés sur le plan économique, social et politique? Les réactions des différents membres du paysage politique sont diverses.
Le oui, mais...
Samir Taïeb : « Hamadi Jébali a parlé en tant que chef de parti plutôt qu'en chef de Gouvernement »
Porte- parole de la Voie Démocratique et Sociale (VDS) ou Al Massar, Samir Taïeb considère que « Hamadi Jebali, n'a pas répondu aux questions. Les Tunisiens ont soif et faim et il est là. Une augmentation de salaires de 500 milliards qui toucherait tous les fonctionnaires, lui pose problème, mais des réparations pour quelques milliers de Tunisiens qui s'élèveraient à plus de 1000 milliards ne le gêneraient pas. Hamadi Jébali n'a aucun sens de l'Etat. Il a parlé beaucoup plus en tant que chef de parti plutôt qu'en tant que chef de Gouvernement. Sur la prochaine instance des élections, il pense qu'au nom de sa majorité relative, il peut tout avoir. Il n'a aucune considération pour le travail de l'ISIE, ni pour son président. Il a attaqué de façon à peine déguisée l'UGTT. Il ose continuer dans une politique de répression contre les syndicalistes, chose que même Ben Ali n'a pas osé faire. Tout ceci présage de mois difficiles avec ce Gouvernement. Nous endurons toutes les calamités sous ce Gouvernement, le choléra, la soif, les coupures d'électricité, le chômage et surtout la mauvaise foi. Qui au fait gouverne la Tunisie ? Ce n'est ni le Gouvernement, ni l'Assemblée Nationale Constituante (ANC). C'est la personne de Rached Ghannouchi. C'est lui qui vient d'annoncer le changement du vice-Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie. C'est lui qui a annoncé un remaniement ministériel lors du congrès d'Ennahdha. La Tunisie est gouvernée par le Guide suprême Rached Ghannouchi. Lors de son intervention télé, Hamadi Jébali ménage Rached Ghannouchi pensant à son poste dans la lutte avec Ali Lâarayedh pour la succession de Rached Ghannouchi. Même le projet de 30 mille logements sociaux, ils veulent le confier à une entreprise étrangère de préfabriqué qui ramène des plaques toutes faites sans faire travailler les entreprises de bâtiment tunisiennes. La Troïka est politiquement finie. Elle connaît une mort clinique. C'est Rached Ghannouchi qui la tient en vie. Incompétence et mauvaise foi, on aura tout vu ».
Mohamed Abbou : « Bonne initiative »
Secrétaire Général du Congrès pour la République (CPR la branche restée fidèle à Moncef Marzouki), Mohamed Abbou s'interdit de commenter le fond de l'intervention de Hamadi Jébali. A peine s'il considère que « la communication est nécessaire. La clarification de ce qui s'est passé à Sfax est importante, quoique tardive. Il est nécessaire le sommet de la pyramide de l'Exécutif ait un contact permanent avec les médias. Il faudra qu'il élargisse ses interventions à d'autres canaux de télévision ».
Membre du bureau politique du Parti Républicain (PR), Iyad Dahmani déplore que « Hamadi Jebali, chaque fois où on lui adresse une critique, rappelle que le Gouvernement dispose d'une légitimité électorale. Personne ne remet en cause cette légitimité. Il est inacceptable de se référer à tout bout de champ à cette légitimité, surtout dans des questions touchant à celle de l'ISIE. Hitler en son temps se prévalait de cette légitimité démocratique. Etre élu démocratiquement n'a jamais été un gage pour une bonne tenue des prochaines élections. Il a fait des confusions sur les chiffres. Sur la question de l'eau sa réponse a été contestée par beaucoup d'experts. Ses réponses sont à l'image de la prestation de la Troïka, non convaincantes ».
Chokri Belaïd : « Un discours manœuvrier »
Secrétaire général du Mouvement des Patriotes Démocrates (MPD), Chokri Belaïd, pense que le discours de Hamadi Jébali, prenant la forme d'un entretien télévisuel, visait « à donner une nouvelle image du Chef du Gouvernement, après la parution de signes de dislocation de son gouvernement incompétent, malmené et mis à mal par des crises politiques, sociales, économiques...Ce gouvernement divisé a réussit à fabriquer les ennemis. Il a des problèmes avec l'UGTT, les médias, la justice, l'ensemble des citoyens avec les coupures d'eau et d'électricité, les jeunes dont le chômage ne fait que perdurer, les fonctionnaires dont le pouvoir d'achat a baissé, la société civile et les forces politiques, les familles des martyrs et des blessés de la Révolution...Les choses se sont aggravées avec les révélations du ministre des Finances démissionnaire concernant les réparations aux anciens prisonniers politiques. Il a été devancé par le ministre de la Réforme administrative qui a été empêché de traiter les dossiers de malversations. Ce discours-entretien fait suite aux rumeurs incessantes selon lesquelles une majorité au sein d'Ennahdha, veut remplacer Hamadi Jebali par Ali Lâarayedh. Au lieu de faire un discours apaisant, tranquillisant, conforté de franchise, d'honnêteté et de clarté, Hamadi Jebali a tenu un discours généraliste où il n'a fait que répéter ce dont il nous a habitués lui et Ennahdha, comme paroles contredits par les faits. Il parle de dialogue, alors qu'il n'y en a aucun avec les partis politiques. Il parle de consensus alors qu'il est très rigide au sein de l'ANC pour imposer une vision unique. Il parle du respect des prochaines échéances électorales et dans la pratique il freine la composition de l'Instance Supérieure des Elections. Il parle de Démocratie, et dans la pratique, il ouvre les portes aux procès de syndicalistes et de jeunes de Sidi Bouzid et interdit une manifestation à l'avenue Habib Bourguiba. C'est un discours de manœuvre et de gain de temps auquel personne ne croît plus et ne suscite que l'intérêt des politiciens ».
Mohamed Bennour : « Un ton précis, clair et tranquillisant»
Porte-parole d'Ettakatol, Mohamed Bennour, considère que « Hamadi Jébali a répondu à l'essentiel des questions. Aujourd'hui, l'important est de passer à l'acte et de répondre d'une façon claire à l'attente du citoyen à savoir un peu plus d'efforts dans les tâches gouvernementales. Il faut que le Gouvernement pousse les municipalités à rétablir la propreté et l'application de la loi en arrêtant les constructions anarchiques et faire sentir aux citoyens que la vie reprend son court normal la veille de l'aïd. Au niveau de la gestion de l'Etat et des dépenses publiques il faut prendre les mesures attendues par le citoyen pour le tranquilliser. Il faut des mesures concrètes en matière d'emploi et d'équilibre régional. Au niveau de la sécurité le citoyen demande plus de vigilance et l'application de la loi contre tous ceux qui l'enfreignent. Le climat social a urgemment besoin aujourd'hui, d'un dialogue franc et clair avec tous les partenaires sociaux. Dans l'ensemble nous avons apprécié l'intervention télévisée du chef du Gouvernement. Le ton était précis, clair et tranquillisant.