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Tunisie 2012-2013 : Un Etat propulseur des énergies, impulseur de la création et libérateur de l'économie
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 23 - 08 - 2012


Par Mourad GUELLATY*
«L'Etat peut être légal mais il n'est légitime que lorsque, à la tête de la nation, il reste l'arbitre qui garantit la justice et ajuste l'intérêt général aux libertés particulières» (Albert Camus)
Albert Camus disait vrai, l'Etat, quelle que soit sa légalité, qui est obtenue à un instant donné pour une durée déterminée, se doit de justifier sa légitimité tout au long de son mandat, sans quoi il perd tout ou partie de son autorité.
Cette légitimité lui reste accordée tacitement par le peuple souverain, dès lors qu'il ne la conteste pas.
Elle lui est retirée, toujours par le peuple souverain, souvent dans le bruit et la fureur de ses convulsions, qui peuvent conduire jusqu'au délitement et à son départ.
Le monarque absolu de «droit divin», qui réglemente tout, régit tout, se mêle de tout, n'a plus, depuis longtemps, sa place dans cet univers de sophistication politique et de complexité économique.
Les dictateurs du monde entier prennent conscience que les évolutions du monde dans ce début du XXIe siècle, celui de la globalisation triomphante et de la médiatisation pour tous, ont fait entrer des images et des comportements des sociétés de la modernité, dans les foyers les plus modestes et les régions les plus reculées.
Et que cet état de fait ne leur permettait plus de perdurer sur des trônes, désormais flageolants, à l'instar de leurs prédécesseurs, chassés sans ménagement, quand ils n'ont pas été tout simplement éliminés physiquement, s'ils ne se soumettaient pas à un «aggiornamento» radical de leur approche de la conduite des affaires de l'Etat.
Le monde de ce début du XXIe siècle
La globalisation, qu'on l'apprécie ou qu'on l'abhorre, est bien présente.
Nous y vivons, partout dans le monde, et ressentons ses effets de manière directe ou incidente.
Elle est sœur de la médiatisation, toutes deux filles des progrès technologiques du siècle dernier, et de l'échec des politiques de collectivisation et d'autarcie, expérimentées avec un total insuccès en Europe de l'Est, en Amérique latine et ailleurs.
Ses effets ne sont pas loués partout, et la «démondialisation», a fait l'objet de quelques ouvrages, colloques, et discours. Mais qui les a entendus, qui les a applaudis ?
Avec sa financiarisation dévastatrice, ses mouvements financiers qui se déploient dans des volumes dix fois supérieurs en mouvements, au PIB mondial (soit 800 trillions de US $), ses montagnes de déficits, ses inégalités sociales, sa concurrence impitoyable, elle reste sans alternative crédible dans le monde d'aujourd'hui et nul savant, sociologue, économiste, nulle école de pensée n'a trouvé pour notre monde un modèle de rechange.
Nous devons donc envisager notre propre avenir dans ce contexte : une économie globalisée, ouverte, concurrentielle, libérale à outrance, dans laquelle réussissent les pays forts de leur ingéniosité, créativité, compétitivité, alors que les autres, ceux qui ne prennent pas le bon wagon restent sur le bas-côté de la route, pauvres observateurs du peloton mondial.
Et c'est en tenant compte de cette situation, que nous nous devons, à la faveur des évènements que notre pays connaît, configurer les institutions de l'Etat tunisien.
L'Etat des lieux de la Tunisie post-14 janvier 2011
La Tunisie a vécu durant vingt trois ans sous un régime d'absence totale de la première des libertés : celle de l'expression.
L'absence de cette liberté, cent fois nécessaire à l'épanouissement intellectuel, à l'inventivité, au déploiement des énergies, n'a malgré tout pas totalement enterré les forces de création de notre pays, souvent distinguées par les organismes internationaux à l'instar de nos savantes, plusieurs fois récompensées au cours des quelque dix dernières années par les prix prestigieux l'Oréal –Unesco, et de nos jeunes collégiens mathématiciens toujours bien placés en tête des concours internationaux.
De plus, et en dépit de cela, notre pays a réalisé des performances économiques, loin d'être catastrophiques, que tout le monde connaît.
Mais le revers de la médaille est sans appel : un sous-emploi massif, majoritairement des jeunes et des diplômés, une inégalité sociale indécente, et une discrimination régionale indigne d'un Etat de droit, une agriculture quasiment délaissée, un secteur touristique, colosse aux pieds d'argile, avec des hôtels grandioses dont le mauvais goût le dispute au manque de profitabilité.
Autre conséquence, notre secteur financier est encore sous le régime d'un ratio Cook «rafistolé» pour tenir compte des besoins du moment, alors que les pays en sont à discuter de Bale 3, et notre industrie exportatrice qui continue de se contenter, dans une large part, de la sous-traitance, avec une très faible valeur ajoutée, et qui du fait, demeure non compétitive, et non attractive.
De plus, et surtout, un pays sans liberté, est exposé à tous les dépassements : le règne de la corruption généralisée, active et passive est passé par là : tentaculaire, protéiforme, destructeur.
Une corruption estimée annuellement et directement à 2% du PIB, sans compter ses effets indirects sur les investisseurs étrangers potentiels, et sur notre capacité à attirer les «locomotives» économiques dans notre pays.
Beaucoup de projets annoncés à grand fracas de propagande, ont du jour au lendemain disparu du paysage, pour des raisons qui nous paraissent aujourd'hui beaucoup moins obscures qu'elles ne l'étaient à l'époque.
La culture de la corruption s'est surpassée pour se substituer à la culture tout court, à l'instar d'une image de la Tunisie écornée, réduite à une carte postale à l'usage d'un tourisme de masse, qui même dans cette modeste catégorie ne tenait pas son rang.
Cette Tunisie des vingt-trois dernières années, n'a été «moderne» que dans le clinquant de l'outrance, du luxe et de la luxure, très bien reproduits dans les feuilletons télévisuels à succès, qui font le bonheur des bonnes âmes amputées de tout autre choix.
L'absence de la liberté d'expression n'est pas la cause centrale de la décrépitude de l'Etat de notre pays, aidée en cela par la non-ingérence surprenante de ceux «‘‘défenseurs des droits de l'Homme'' prêts à intervenir partout ailleurs, y compris militairement, pour mettre fin aux atteintes à ce droit ‘‘sacro saint''».
Où étaient-ils tous ces Etats, dans lesquels pourtant certaines voix courageuses se sont élevées pour attirer l'attention de leurs concitoyens et gouvernants sur la situation dans notre pays ? Gloire aux quelques rares protestataires de la première heure, principalement Reporters sans frontières, les députés européens Hélène Flautre, Daniel Cohn Bendit et Eva Joly, qui n'ont pas attendu le renversement du régime pour le dénoncer haut et fort.
L'Etat moderne : un Etat modeste avec une grande ambition
L'absence de liberté d'expression et son corollaire, la corruption généralisée, sont bien une des causes de l'affaiblissement de l'autorité de l'Etat, mais pas la cause centrale, qui est l'absence de modernisation de nos institutions et la captation de la totalité des pouvoirs par un groupe resserré de ministres et de conseillers.
La Tunisie, dont on disait, et écrivait, partout, qu'elle était un Etat moderne, fonctionnait sans aucun contre-pouvoir, avec un Parlement fantôme, vraie chambre d'enregistrement et d'applaudissements, une absence d'institutions de contre-poids, avec voix décisionnelles, librement élues, par leurs professions ou par des instances désignées à cet effet.
Le cercle restreint des ministres sous les baguettes des conseillers rapprochés et du Président, avaient-ils la force, l'énergie, l'information juste, autre que policière, pour décider vertueusement de tout ?
Savaient-ils que dans les Etats modernes, efficients, citons des Etats pas trop éloignés du nôtre par leurs populations: La Norvège, et le Danemark, par exemple, il existe des contre-pouvoirs, ceux qu'on appelle les «checks and balances», qui sont des instances indépendantes régulatrices du fonctionnement de tous les secteurs d'activité du pays et qui, de ce fait, allègent le fardeau de l'interventionnisme étatique.
Savaient-ils, mais le voulaient-ils ? qu'en délégant à ces organes régulateurs, cette grande partie de leur besogne et de celle de l'administration, ils s'offraient du temps précieux pour leur vraie mission, qu'ils assumaient maladroitement: La fixation des horizons politiques et économiques pour le pays, la détermination des plans de développement, le diagnostic de nos réalisations, l'étude de notre positionnement par rapport à notre concurrence internationale, la restructuration de nos secteurs défaillants, la conclusion d'alliances géostratégiques et économiques, etc.
L'Etat avait un devoir, non rempli, de préparer l'avenir des générations futures, de conclure des alliances avec nos voisins du Nord et du Sud, de résorber les inégalités sociales et régionales et de façonner les contours de la Tunisie de demain.
La création des garde-fous et le respect des principes de bonne gouvernance au sommet de l'Etat
Etaient-ils présents dans tous ces domaines de première importance, le gouvernement et son administration composée d'éléments de grande valeur, mais soumis aux exigences du politique, qui ont en fait une institution tatillonne qui inhibe l'énergie créatrice, fait fuir les investisseurs étrangers, par la multiplicité des autorisations, approbations, visas de toutes origines ( API, FIPA, Gouvernorat quand il s'agit d'un projet décentralisé etc.) ?
Non, bien sûr, car l'Etat, comme toutes les institutions modernes, aurait dû se mettre aux normes de la gouvernance, dont les principes sont la transparence (sic !), le fait de rendre compte de ce que l'on fait «l'accountability» ou en français le terme barbare de «redevabilité», et la responsabilité.
Ces principes recouvrent notamment la séparation des tâches entre le gouvernement, son administration et les institutions autonomes de contrepoids, les fameux «checks and balances».
A titre d'exemple, le Conseil du marché financier, l'autorité de contrôle de la presse et des médias en général, l'institution de contrôle des élections, la haute autorité de contrôle de la magistrature, et j'en oublie, sont ces garde-fous désignés par des institutions elles-mêmes identifiées à cet effet, généralement indépendantes totalement du pouvoir exécutif.
Ils veillent en toute autonomie à la bonne marche, des activités qui leur incombent.
Cette séparation des pouvoirs garantit l'indépendance de nombreux secteurs d'activité, de l'omnipotence du gouvernement et de l'administration, et permet à ces derniers de s'adonner totalement aux tâches de leur pleine responsabilité, dont nombreuses sont d'importance, et citées précédemment, ont fait les frais de l'appétit inconsidéré pour celles à fort rendement lucratif immédiat.
Elle donne plus de lisibilité, de visibilité et de confiance, aux décideurs professionnels, et une plus grande crédibilité aux discours et promesses étatiques.
Notre pays a besoin d'un Etat moderne, qui insuffle une vraie ambition aux citoyens, désabusés, par les discours lénifiants des hommes du pouvoir et même de l'opposition.
Beaucoup de nos compatriotes veulent une coupure avec le passé, qui remplace les «faiseurs de miracles» par un discours de vérité.
La vision de notre jeunesse : un bon indicateur des tendances de notre société
Beaucoup de jeunes veulent participer à la reconstruction du pays, défigurée physiquement et intellectuellement.
Ils reprochent à la classe politique, son clientélisme, qui les répugne, et leurs promesses non chiffrées, non documentées, qui les indignent.
Ils veulent un discours courageux, à la Mendes France, à la Churchill « je ne peux vous promettre que du sang, de la sueur et des larmes».
A la faible exception de quelques-uns parmi eux, qui vivent à la marge de la société, ils sont prêts à se sacrifier pour leur pays, à condition qu'on les associe à son destin, et qu'on les respecte pour ce qu'ils sont : des citoyens à part entière.
Leurs discours sont surprenants, dans les modestes bistrots où ils se réfugient pour retrouver de la chaleur humaine et «exploser» aux médailles de Oussama Mellouli et de Habiba Ghribi, ils vous parlent des succès des asiatiques, pas aux Jeux olympiques, mais dans la sphère de la concurrence économique.
Ils rêvent d'être des inventeurs, des créateurs, à la condition simple, qu'à côté de ses bistrots improbables, où ils trouvent de la solidarité et de l'échange, se multiplient en Tunisie les cybercafés, gratuits pour tous les jeunes sans ressources.
Ils proposent que ceux qui sont soumis à des bénéfices élevés, participent en numéraires ou, mieux encore, en nature, à la multiplication et à la gestion de ces cybercafés.
Ils savent que notre industrie est à faible valeur ajoutée faute de créativité, et que l'administration tunisienne et les sociétés nationales et privées n'encouragent pas le retour au pays de nos enfants qui réussissent si bien à l'étranger, faute non pas d'une forte rémunération, ils sont disposés à faire des sacrifices dans ce domaine, mais d'un environnement qui stimule les énergies, encourage la recherche, la création, et l'invention.
Ils comprennent, que l'étau de l'administration tunisienne, tatillonne à souhait, parce qu'elle était aux ordres, doit se desserrer pour créer ce climat de liberté des affaires, en l'absence des effets de captation de rente, au bénéfice de quelques-uns.
Ils sont les forces vives, d'aujourd'hui, et pourraient bien être les futurs responsables de demain.
Ecoutons-les !


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