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Tunisie 2012 : Générations
Publié dans Leaders le 29 - 07 - 2012

"Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse” . (Albert Camus)

La politique a depuis toujours été dévalorisée, par les hommes de la connaissance en particulier et les citoyens en général, qui l'affublent de tous les péchés, les plus excessifs, justifiés parfois, injustes souvent.

L'homme politique, lui, est un être particulier qui se lance dans une aventure, dont il sait comment elle commence et jamais de quelle manière elle se termine.

Sa responsabilité est de l'ordre du rationnel, confronté à l'irrationnel des jugements, évaluations appréciations, de ses contemporains, rarement désintéressés, qu'ils soient eux-mêmes acteurs dans le même champ d'action, commentateurs, analystes, spécialistes reconnus et auto proclamés, et tutti quanti.

Il a une responsabilité immense, qui se résume à un double impératif : améliorer le sort de ses concitoyens, et préparer l'avenir des générations futures, de tous ces enfants qui naissent pendant que lui est au pouvoir, et qui porteront sur son action le jugement le plus décisif, par sa cruauté, ou par son indulgence, quand ils feront partie de tous ces arrivants aux portes du marché de l'emploi.

La responsabilité de l'homme politique est un arbitrage permanent entre le souhaitable et le possible, le choix le plus dramatiquement exigeant étant, celui de regarder avec acuité et implication l'horizon futur des générations nouvelles, ce qui n'est pas tellement évident quand on se trouve confronté aux besoins du présent, qui n'attendent pas.

C'est pourquoi, prendre le risque de se faire un jour juger, peut être quand on ne sera plus de ce monde, par le tribunal de l'histoire, est un acte qui peut s'apparenter à de l'inconscience ou à de la grandeur ("Presque toujours, la responsabilité confère à l'homme de la grandeur." Stefan Zweig).

GENERATION 2010

Elle est celle des années euphoriques avec un taux de croissance moyen de l'économie de plus de 5%, sur les dix dernières années, une dette maitrisée à moins de 40% du PIB (celle de la France a atteint 80%, en 2011, celle de l'Italie plus, alors que le Japon, oui le Japon, culminait à 200% de dettes publiques).

Notre déficit budgétaire, était contenu dans une limite de 3%, les touristes affluaient, tout comme les investissements directs étrangers les fameux IDE, et notre note souveraine à son Zénith, était loin d'être un sujet d'inquiétudes.

Pourtant, déjà au cours des deux dernières années, des signes avant coureurs ont ou auraient pu alerter les gouvernants, quant au tassement de la croissance, phénomène considéré à l'époque comme un trou d'air conjoncturel.

Elle venait s'ajouter à tout ce que notre économie connaissait comme grandes difficultés structurelles de ses secteurs stratégiques restées ignorés : une agriculture en souffrance, endettée, et négligée pour un pays connu pour avoir été "le grenier de Rome et son panier à pains", un tourisme non configuré aux besoins de sa clientèle, et ceci étant la conséquence de cela, un secteur financier qui a trainé pendant des années les créances douteuses qui ont culminé à certains moments à plus de 30%, dans l'ancienne banque BNDT, pour revenir aujourd'hui dans la douleur à 13- 15%.

Mais surtout, un taux de chômage atteignant 15% de la population active avec dans certaines régions, des pointes à 30-40% et "last but not least" le chômage des diplômés, cette plaie sociale et humaine béante de plus de 20%.

C'est cet aspect générationnel qui a été le déclencheur, de la montée en puissance d'une contestation, solidaire, des défenseurs des libertés et de ceux parmi les sans emplois, sans ressources, et sans perspectives, sinon celle de forcer les frontières cadenassées de l'Europe, elle-même malade de ses multiples crises.

UN MODELE ECONOMIQUE STATIQUE, UNE JUSTICE SOCIALE ABSENTE ET LE REGNE DU MAUVAIS GOUT ET DE L'INCULTURE

Comment se fait –il qu'un gouvernement dont le pays était 40ème au classement mondial de la productivité, selon le World Economic Forum de Davos, en 2011, loin devant le Maroc, 73ème, la Jordanie 71ème et plus surprenant encore la Turquie 59ème, ait pu connaître, de sa propre population, un rejet aussi massif et catégorique.

L'explication est simple, un pays ce sont des individus, liés par un destin et un horizon communs, une conscience sociale de leur solidarité, intergénérationnelle, et un objectif du vivre ensemble, dans leur diversité et leur dignité. Si un tel liant n'existe plus, le pacte social est entravé.

Il le fut sous le régime précédent, par l'existence d'inégalités sociales et régionales trop criantes, aggravées par un népotisme et une corruption qui ont atteint des sommets en fin de parcours.

Ce qui a manqué aussi à notre pays, c'est le manque de retenue des plus favorisés, et l'étalage vulgaire et irréfléchi des signes ostentatoires de richesse, alors que dans les cités limitrophes régnaient misère et soumission.

La période a été marquée par l'absence totale de liberté d'expression, sous toutes ses formes, médiatique, culturelle et artistique, au bénéfice du discours unique, de la langue de bois.

A tout cela s'ajoute l'absence d'une vie associative, considérée par le régime comme attentatoire au discours dominant.

Il en est résulté une absence totale d'éducation, dans beaucoup de couches sociales, y compris et surtout les plus favorisées ("huppées"), dont nous mesurons aujourd'hui les conséquences, des lors que la parole a été libérée.

Ce déversement d'injures, de calomnies, de dénonciations infondées, que nous retrouvons dans les médias et réseaux sociaux, c'est bien le résultat d'une génération entière maintenue si longtemps dans l'inculture et un système éducatif qui a délibérément tourné le dos à la qualité.

Cette situation, de l'incivilité est généralisée, parce qu'elle résulte, d'une approche quantitative des données sous toutes leurs formes.

Le discours dominant et complaisant, faisait la part belle aux réalisations quantifiées, alors que leurs aspects qualitatifs n'ont à aucun moment été soumis à des appréciations, révisions et analyses sérieuses.

Toute la société tunisienne était gangrenée par une un manque de dialogue, une imagination inhibée, le tragique de la soumission, toutes situations de souffrances et de frustrations qui se sont transformées après les sublimes journées de janvier 2011, en autant d'excès dans toutes les couches de la population sans exceptions.

Nous nous devons beaucoup de respect à nos représentants au sein de l'ANC, mais notre contribution citoyenne est de leur rappeler qu'ils se doivent d'être, en toutes circonstances, un exemple pour la Tunisie, que nous voulons construire multiple, avec ses divergences et ses différences, qui l'enrichissent et en feront un modèle de tolérance, de compréhension et de respect mutuels.

L'EDUCATION "L'ARME FATALE" DU REDRESSEMENT

Dans l'ensemble, notre pays jouit d'un fort pourcentage de citoyens scolarisés, même si les élections d'octobre 2011, ont révélé aux tunisiens, le nombre ahurissant d'analphabètes, de l'ordre de 10% de la population.

L'absence de visions, de plans éducatifs performants, basés sur des paramètres évolutifs, et le manque de valorisation des filières courtes ont conduit à l'obtention de taux de scolarisation élevés mais totalement déconnectés des besoins économiques.

Durant toute cette période, aucune pédagogie du développement économique, n'a été rattachée à la conception d'une éducation au service de l'homme et du pays, et aucun discours n'est venu rappeler aux citoyens, l'apport d'une éducation maitrisée, en symbiose avec nos objectifs de développement.

Le système d'orientation n'a créé que des frustrations, faute de sa compréhension par des générations d'étudiants, de leurs parents et de la communauté nationale.

Le plan de développement économique du pays, n'a jamais été expliqué, en dehors des débats convenus au Parlement, aux nombreux intéressés : étudiants, parents, universitaires et hommes d'affaires, futurs employeurs en puissance.

L'EDUCATION EST LE PREMIER MAILLON DE LA CHAINE INTERRACTIVE QUI PERMET A UNE ECONOMIE DE SE CONSTRUIRE, S'ELEVER, S'ADAPTER


Il n'y a pas eu d'interactivité entre nos ambitions économiques et l'éducation dispensée, tant sur le plan quantitatif que qualitatif.

Toutes ces erreurs ne doivent pas être recommencées, elles qui ont conduit à l'existence d'une main d'œuvre de faible qualification et d'une contribution à faible valeur ajoutée.

Tout le monde connaissait cette situation de sous- traitance, que la Tunisie a vécue et continue à vivre faute de mieux. Mais cette réalité nous maintient, dans une dépendance vis-à-vis des donneurs d'ordre étrangers et pas du tout à l'abri des convulsions du monde et de l'émergence de nouveaux acteurs plus performants.

Les décideurs de notre pays, n'étaient pas très en phase avec les évolutions du monde, trop contents des résultats annoncés, dont il faut le reconnaître, certains ne sont pas à gommer d'un trait de plume.

Mais à trop se complaire dans la satisfaction et l'auto satisfaction, on s'enferme dans ce que l'on pense être un "cocon" et qui n'est qu'une prison qui empêche de voir les évolutions du monde. Selon John Ruskin “plaider l'ignorance n'enlèvera jamais notre responsabilité".

Il y a lieu, d'ores et déjà, de définir une politique de l'éducation, qui tienne compte d'une ambition économique, sociale et sociétale, pour le pays à une échéance raisonnable de vingt ans, soit pour les élèves qui entrent aujourd'hui à l'école.

Car à regarder dans le passé, nous pourrions avoir la confirmation de la prophétie d'Albert Enstein " Tout ce dont l'esprit des hommes nous a gratifiés dans les derniers cent ans, aurait pu assurer une existence heureuse et sans souci, si les progrès dans l'organisation avaient marché de pair avec le progrès dans la technique. Mais les résultats péniblement conquis, font entre les mains de notre génération, l'effet d'un rasoir entre les mains d'un enfant de trois ans. La possession de moyens de production admirables, au lieu de donner la liberté a apporté les soucis et la faim".

Comment ne pas être encore plus admiratifs, devant cette froide observation, surtout en ce début du XXI siècle, qui succède à celui de la mondialisation, de la révolution médiatique, et d'Internet, avec en contrepoids les crises financières, immobilières, la misère et la faim dans certaines contrées, les guerres immuablement présentes, et les graves dangers écologiques encourues par la planète.

Pour Enstein les découvertes scientifiques, doivent être au service du progrès de l'humanité, et l'inverse selon lui devrait être vrai.

Ce que nous avons vu en ce début de millénaire, c'est selon Joseph Stieglitz "le triomphe de la cupidité", qui a entrainé le monde dans des crises financières d'une durée et d'une ampleur comparables à celles de 1929.

Et cette longue descente aux enfers que nous vivrons encore pendant quelques années, en espérant qu'elle ne nous conduira pas aux abimes, est due au fait que l'organisation des pouvoirs et des contrepouvoirs, les fameux "checks and balances", ne suivent pas avec la même rapidité les progrès de la technique.

En effet, ces progrès, de quelle que nature qu'ils soient, interviennent de façon parfois imprévisible, jaillissante, voire inattendue, alors que l'adaptation des garde fous nécessitent une grande machinerie administrative à mettre en œuvre, du point de vue du droit, des instruments de contrepoids, de la régulation, de la coordination internationale, ce qui est loin d'être une sinécure.

TOUT NOUS EST ENCORE PERMIS

Mais en Tunisie, nous n'en sommes pas encore à ce stade, quoique si nous prenons la force en nous mêmes de nous transcender en un pays du savoir, de l'inventivité et de la créativité, nous pourrions rejoindre le wagon des pays qui produisent leurs efforts dans la haute technologie, comme la Suisse classée première mondiale en termes de productivité, par le World Economic Forum , et pourtant, petit territoire, à faible nombre d'habitants, mais béni des "dieux" par sa capacité à innover, à maintenir une discipline de fer, un esprit citoyen, qualités dont nous ne sommes pas encore les dépositaires.

Mais qui sait ? L'histoire des peuples, de toutes les régions du monde, montre l'extrême volatilité et retournements de leurs situations.

Qui aurait imaginé les différents déclins de l'empire chinois à travers l'histoire ? Idem pour la Grande Bretagne maitresse du monde au XIXe siècle et les USA au top au XXe siècle , aujourd'hui contestés, par les chinois et autres pays émergents du cartel des BRIC ?

Qui aurait anticipé, il y a quelques décennies, les retournements de situations en Asie, avec des petits pays quasiment à l'abandon, devenus "dragons", comme Singapour, la Corée du Sud, Hong Kong, en Amérique du Sud, avec la montée en puissance du Brésil, le redressement de l'Argentine au bord de la faillite il y a peu de temps, en Afrique du Sud, où la situation économique est plus que satisfaisante.

Pourquoi la Tunisie, ne serait elle pas dans ce peloton des pays performants ? Elle le pourrait par l'effort consenti, la conscience de son passé si riche, l'énergie de sa population dont les racines plongent dans les profondeurs de trois mille ans d'histoires, marqués par la présence de nos ancêtres nomades, berbères phéniciens, vandales, ottomans, de religions diverses, chrétienne, judaïque, musulmane et sunnite.

L'écrire, n'est pas se renier, ou introduire des éléments de questionnement sur notre identité. C'est bien au contraire s'armer de cet héritage si divers et si riche, et essayer de s'élever à sa hauteur, pour mieux écrire les pages nouvelles de l'histoire, pour les générations futures, en premier lieu celle de la Tunisie de 2030, que le monde identifiera aux enfants de la "Jasmine Revolution".

Un nombre important de nos concitoyens, éprouvent frustrations et découragements, devant le spectacle de situations malheureuses, de cette période dans laquelle, ils estiment, qu'il flotte un parfum de confusion et de déraison.

Il faudrait qu'ils se ressaisissent, les générations à venir, la Tunisie de demain, leur Tunisie, ont besoin de leur énergie, de leur force d'âme, et surtout de leur passion, car " celui qui se perd dans sa passion est moins perdu que celui qui perd sa passion" (Saint Augustin).


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