Y a-t-il de bons ou de mauvais présidents de clubs? Ou tout simplement de bons présidents au mauvais moment? Une chose est sûre: le football tunisien en a essayé tous les profils. Ou presque... Le football tel qu'il est conçu et vécu aujourd'hui a-t-il fait évoluer le rôle du président de club? Ce dernier doit-il être l'homme le plus important? S'en remettre au bon sens ou à la vision des dirigeants n'est pas un pari facile, tant le destin d'un club devrait être aussi dans les mains des techniciens. Au fait, tout dépend du contexte. On connaît les présidents des grands clubs, par exemple, mais on ne connaît pas suffisamment ceux qui militent dans des conditions difficiles. Il y en a qui sont omniprésents et interviennent souvent parce que le football exerce un charme et une force d'attraction extraordinaires. La majorité écrasante des présidents de club est aujourd'hui contestée. On ne voit pas, sinon très peu, ceux qui font vraiment l'unanimité au sein de leur entourage. Les campagnes de dénigrement ont pris ces derniers temps une nouvelle forme. Elles se sont transformées en des sit-in et des marches exigeant le départ de tel ou tel président. Même s'ils bénéficient de la légitimité des élections et s'ils ne sont plus choisis et nommés comme ça été le cas auparavant, la plupart d'entre eux sont la cible de critiques de plus en plus virulentes. Il faut dire qu'au-delà des contestations et de la légitimité des uns et des autres, c'est la vocation du président de club qui est ainsi mise en cause. Le rôle et les prérogatives de ce dernier auraient pu être évoqués et aussi débattus même avant la révolution. Les dérapages d'aujourd'hui sont ceux d'hier. Ils ne diffèrent pas de ce qui se faisait dans le passé. Mêmes causes, mêmes effets. Depuis qu'on avait commencé à servir «la soupe» au football le plus puissant, à transformer le sport en marchandise et à introduire l'idée que le rapport de force sportive dépendrait automatiquement du rapport de force économique, nous sommes passés du président, qui en était le premier supporter, à un responsable préoccupé par la seule réalité financière de son club et qui n'a plus nécessairement des liens de cœur avec lui. Y a-t-il aujourd'hui de bons présidents, ou de mauvais? Ou tout simplement de bons présidents au mauvais moment? Tout ce que l'on peut dire est que dans le football tunisien, il y a eu des présidents parachutés, des présidents historiques, des «fous furieux», des «sphinx». On en a essayé presque tous les profils. Cela ne nous empêchera pas de remarquer que la majorité des présidents se distingue par un trait distinctif : ils ne disent pas ce qu'ils font et ne font pas ce qu'ils disent. Il y a dans leur inconscient collectif comme la légitimité du cadre unique. La pluralité et les échanges ne sont pas rejetés, mais sans engendrer la diversité des idées qui est synonyme à leurs yeux de division, donc de complot. Certains veulent peser sur les choix stratégiques, d'autres sur les équilibres sportifs. Dans son immense majorité, la classe dirigeante n'a pas une grande idée de ce que doit représenter le football, ou le sport en général, et ne veut surtout pas qu'on empiète sur ses plates-bandes. Le football est entré dans un marché où il y a une concurrence qui tire toutes les contraintes budgétaires vers le haut. Certains clubs sont devenus économiquement dopés parce que leurs ressources sont artificielles, parce que leurs présidents n'ont pas ajusté leurs investissements en fonction des revenus. Le problème est que la situation financière dans laquelle évoluent les clubs n'est pas la conséquence des ressources naturelles, mais de la pression mise artificiellement. Au fait, il y a un turnover chez les nouveaux dirigeants, et beaucoup, dont la plupart appartiennent au business, découvrent le football en débarquant dans les clubs. Il y a beaucoup de raisons qui poussent des milliardaires à investir dans le football. On peut dire, certes, j'arrive, je mets mon argent, je mets mes hommes. Cela, on peut le comprendre et à la limite c'est un choix. Mais que fait-on pour les jeunes? Que fait-on pour le travail à long terme? Que fait-on aussi pour le public? On ne peut avoir le beurre et l'argent du beurre. Alors, chers présidents, pensez-y avant d'engager votre argent dans une quelconque action footballistique. Le foot n'est pas ce que vous croyez. Il restera toujours prêt à refuser toutes sortes de dividendes. Un président de club ne peut pas être un patron qui trône dans son bureau et qui fait de la représentation. Il a des rapports libres, durs, parfois passionnels dans un milieu conservateur à travers tous ses modes de fonctionnement. Les présidents de club seraient certainement bien inspirés d'élever les débats. Ils s'épargneraient ainsi des polémiques stériles, une dépense d'énergie superflue et de mettre de l'huile dans les rouages.