La petite ville de Redeyef, dont les régions avoisinantes avaient servi de plateau de tournage pour certaines scènes du film, a eu le privilège d'accueillir, mardi dernier, l'avant-première du film de Mahmoud Ben Mahmoud, Le professeur, à son public (très jeune), en présence du réalisateur et de quelques acteurs. Voici un film politique qui, s'adossant contre une petite histoire d'adultère mais bien ficelée, invite à prendre connaissance de l'étendue de la coercition au sein de tout parti unique obnubilé, et même fasciné, par sa propre force de répression rendue plus qu'indispensable pour la perpétuation de son règne. Et comme dans tout parti unique au pouvoir, ses «bras longs», pour maîtriser la situation générale à la perfection, fonctionnent exactement à l'image de la CIA aux Etats-Unis. C'est-à-dire que chaque citoyen, aussi insignifiant et innocent qu'il soit ou qu'il veuille le faire croire, a tout de même, dans les tiroirs de Lucifer, un «dossier à charge» contre lui (réel ou factice) et qu'on peut à tout moment, pour peu qu'il lève le moindre doigt réprobateur ou agitateur, l'amener à en payer les conséquences. Nous sommes au milieu des années 1970. La Ltdh vient de voir le jour. Et ses membres, malgré la présence au sein de leur Ligue de quelques représentants du parti... au pouvoir, semblent gonflés à bloc pour mettre coûte que coûte un terme à toutes sortes de dépassements et d'abus commis contre les droits de l'Homme. Parmi eux, un certain Khalil, père de deux enfants, professeur de droit à la faculté et qui entretient une relation amoureuse avec l'une de ses étudiantes, Houda. Tout le monde est au courant de cette idylle pas très correcte, même sa femme pour qui la vie conjugale est devenue un enfer. En 1977 très exactement, éclate un sit-in devant le gisement minier de Gafsa dont les ouvriers, à bout de patience et réduits à la misère noire, observent grève sur grève devant l'indifférence de l'Etat. Déjà que la Ltdh est saisie du dossier, va éclater un autre scandale, y afférant. Deux journalistes italiens tentent de mener leur enquête sur la question, et particulièrement auprès d'un certain Tlili, démis de ses fonctions au gisement et recherché car soupçonné d'être le principal agitateur. Ne sachant parler la langue du pays, les deux Italiens vont solliciter le concours de Houda qui, elle, maîtrise les deux langues. Elle est vite arrêtée et traduite en justice lors d'une parodie de procès qui va lui infliger quatre ans de prison ferme pour collaboration à des fins de flétrir l'image de l'Etat tunisien à l'étranger. Militant des droits de l'Homme et, de surcroît, petit ami de Houda, Khalil va remuer ciel et terre afin d'obtenir la libération de celle-ci. A la réunion de la Ligue, les destouriens présents tentent de faire prévaloir la carte maîtresse, à savoir que la raison d'Etat doit l'emporter sur toute autre considération. C'est tout juste si les deux camps n'en arrivent pas à en découdre en pleine réunion. Khalil passe outre. Il va voir le directeur du parti en personne. Lequel lui sort une carte de fin de partie : des photos (moins réelles que montées, apparemment) où on voit Houda en compagnie galante avec l'un des Italiens. Poignardé dans son amour propre, Khalil décide de lâcher sa petite amie à son sort et se range, de la sorte, du côté des destouriens. Oui, mais sa raison d'être, à lui, est de militer pour les droits de l'Homme. Que faire? Laquelle des raisons va prendre le dessus? Allez voir. C'est un très bon film. (*) Avec, aux premiers rôles, Ahmed Hafiène, Lobna Mlika, Sondoss Belhassen et Lotfi Dziri. Dans les salles depuis mercredi dernier.