Par Zoubeir CHAOUCH Charlie Hebdo, canard charognard, en a rajouté une couche. Que faire, quand on manque d'inspiration et qu'on veut vendre sa feuille de chou ? Exploiter un évènement : toute cette vague de mécontentements à travers le monde musulman, suite au passage sur le Net de ce navet vidéo, pur produit d'une imagination infantile, salissant le Prophète. Charlie Hebdo n'en est pas à son premier coup, il a déjà servi sa sous-littérature et ça lui a valu le saccage de ses locaux. Il sait à quoi s'en tenir, mais le jeu en vaut-il la chandelle ? Jusqu'à quel niveau de bassesse faut-il dégringoler pour intéresser des lecteurs en mal de sensations ? Invoquer la liberté d'expression ne trompe personne, pas plus que le droit de tout lecteur à une information « objective ». Imaginons un instant : si la caricature de la première page du canard avait représenté le juif orthodoxe sur la chaise roulante, ça aurait déchaîné la colère de toutes les têtes bien-pensantes et mobilisé la Licra. Le canard charognard sait se fixer des limites, quand il veut, et ça s'appelle la déontologie qui l'emporte sur la liberté d'expression. Imaginons que de notre côté, à nous autres musulmans, on se mette à salir ce que les chrétiens ont de sacré : publier des caricatures de Jésus en simple appareil, ou de sa sainte Vierge de maman en monokini, je ne crois pas que les lecteurs chrétiens auraient digéré le coup de la liberté d'expression invoqué de notre côté. Mais aucun caricaturiste musulman n'aurait eu l'idée saugrenue de le faire, pour la simple raison que Dieu loue la mère et son enfant dans le Saint Coran. Donc, intouchables. Nous savons nous fixer des limites, on préfère laisser le monopole du mauvais goût à des feuilles de chou du genre Charlie Hebdo. En fait, la sous-littérature servie par Charlie Hebdo s'inscrit dans toute une campagne de dénigrement et de salissure de l'Islam ; ça a commencé avec ce brûlot, Les Versets sataniques de Salman Roshdi, un écrivaillon obscur, sorti de l'anonymat, grâce à ce torchon. Les Iraniens l'ont mis sous le coup d'une fatwa, le rendant du coup célèbre et apitoyant sur son sort une grande partie de l'intelligentsia qui invoqua le droit à la création et surtout à la liberté d'expression. Mais, comme je le disais plus haut, c'est deux poids deux mesures, essayez un instant de toucher à des sacrés occidentaux et là je t'interdis ce que je me permets de faire. Puis, il y eut cet obscur Danois qui griffonna des caricatures, annonçant un «genre» (on n'a plus entendu parler de lui, l'inspiration s'est tarie, probablement). Plus près de nous, il y eut ce collage-montage, on ne peut même pas appeler cette médiocrité un film, dû à un copte égyptien qui aura droit aux remerciements de la communauté copte d'Egypte pour les ennuis qu'il va lui attirer avec les fondamentalistes musulmans. A tous les coups, la démarche est la même et ça sert les besoins d'une stratégie : provoquer pour déclencher une réaction violente de la tranche dure des musulmans et ainsi discréditer une religion et toute une communauté. Quand on salit, on ne fait pas dans le détail, on fout tous les braves musulmans dans le même sac. Les réactions à toutes ces salissures ont été violentes et sont tout aussi condamnables que ce qui les a provoquées. Réagir à ce qui vous salit est légitime, mais sans recours à la violence. Pacifiquement, dans la dignité. Défiler dans les rues, crier son mécontentement pour apprendre la tolérance, le respect de l'autre à cette civilisation chrétienne qui veut uniformiser le monde à son image. L'ère de l'évangélisation à outrance est révolue : lékom dinoukom wa lia dini. Gardez vos convictions et on garde les nôtres, et apprenons à vivre ensemble avec nos différences. Quand, de notre côté, nous réagissons violemment aux salissures, nous ajoutons de l'eau au moulin des intolérants et nous faisons un coup de pub à la médiocrité. Que vont faire nos braves salafistes qui ont le monopole de la foi et par voie de conséquence celui de la défense de l'Islam, à présent, après avoir saccagé l'ambassade des USA à Tunis ? Rééditer l'exploit ? Prendre d'assaut l'ambassade de France et lui faire payer l'idiocratie d'un Charlie Hebdo ? Compromettre des relations privilégiées avec un partenaire culturel et économique ? Le jeu n'en vaut pas la chandelle. Il faut garder la tête froide: la sous-littérature ne peut pas ébranler la foi du «commun» des croyants tunisiens, du croyant «normal» (cette description n'inclut pas les exhibitionnistes à barbe nid-à poux ou à niqab cache-misère). Et puis, comme le dit le canard charognard : le Prophète est «intouchable», il est bien haut placé dans le cœur des Tunes pour qu'un gribouillage l'atteigne. Charlie Hebdo a juste droit à notre mépris.