Par Soufiane BEN FARHAT Nous venons de passer une dizaine de jours épouvantables. Il faudrait en tirer les conclusions. Dans la vie des peuples, des nations, des Etats, certaines séquences deviennent cruciales. Les évolutions futures dépendent largement de la manière dont on assume le présent. Résumons. Deux Tunisie se sont manifestées à la faveur de l'attaque de l'ambassade américaine à Tunis ce fameux 14 septembre. D'un côté, la Tunisie de toujours. La Tunisie légendaire. Modérée, besogneuse, industrieuse, la Tunisie du citoyen lambda et du bon père de famille. D'un autre côté, une Tunisie violente, rageuse, haineuse, pétroleuse. Une Tunisie extravertie, habitée par les démons ravageurs du wahabisme et des mœurs politiques venues d'ailleurs. Disons-le sans détours, une Tunisie afghane. La première est attentiste. La seconde est agressive. Elle n'a de cesse de vouloir s'emparer de l'espace public et religieux. Elle veut régenter la cité, remodeler le pays à l'aune de ses dogmes. Les journalistes, les artistes, les femmes, les syndicalistes, les imams et prédicateurs et plusieurs autres catégories sociales en font les frais. Le prosélytisme belliqueux est à l'œuvre. Plusieurs actes violents ont été observés. Toujours dans l'impunité. Entre ces deux Tunisie, les autorités ont semblé jouer, dans un premier temps, le courtier sans état d'âme. Mais tout le monde sait que le mouvement Ennahdha qui chapeaute la Troïka gouvernementale, a des penchants avérés pour la Tunisie wahabite. Des Tunisiens sont attaqués par d'autres Tunisiens. Ceux-ci ont peur de ceux-là. N'empêche. Le laxisme gouvernemental laisse faire. Il y a de vieilles rancœurs, de vieux ressentiments, de vieilles revanches à prendre. Le mouvement islamiste s'est foncièrement formé contre l'Etat tunisien, ses lois, ses institutions. Il est habité par des croyances et des dogmes venus d'ailleurs. Soutenus par des réseaux scabreux aux finances occultes et douteuses. N'empêche, on fait le nivellement par le bas. On renvoie dos à dos l'authentique et le faux. Comme s'il y avait parité équitable entre la vérité et le mensonge. Aujourd'hui, l'attaque de l'ambassade US et ses conséquences ont mis en lumière l'étendue du péril en la demeure. Il y a eu mort d'hommes, des centaines de blessés. Nos relations diplomatiques et économiques sont chamboulées. Le monde cultive un nouveau regard à notre endroit. Après avoir salué notre glorieuse révolution, le monde nous regarde désormais avec une méfiance non déguisée. Tout un savoir-faire, toute une réputation patiemment tissés au fil des âges sont menacés. La maison-Tunisie donne l'impression de pouvoir être, à court terme, un bâtiment menaçant ruine. La donne changera-t-elle de sitôt? Ce n'est pas si évident. Il semble qu'il y ait un prix à payer. La semaine écoulée, les pouvoirs publics ont ostensiblement repris les choses en main. Même si les plus dangereux chefs des extrémistes courent toujours. Impunément. Est-ce circonstanciel ou serait-ce une nouvelle orientation ? Seul l'avenir nous le dira. Mais, dans tous les cas de figure, notre avenir immédiat et celui des générations futures dépendront de la manière dont nous saurons négocier la mauvaise passe qui est la nôtre. Autrement, le temps des regrets ne fera qu'égrener la suite des malheurs.