Comment les acteurs du paysage politique national ont-ils réagi à l'interview télévisée de Hamadi Jebali, chef du gouvernement? Considèrent-ils qu'elle a répondu aux attentes de la classe politique au niveau de la mise au point d'une feuille de route en prévision de l'après 23 octobre prochain ? Le chef du gouvernement provisoire a-t-il apporté des réponses claires aux problèmes économiques et sociaux dans lesquels se débattent les Tunisiens ? La Presse a posé ces trois questions à nombre de responsables politiques. Réactions. Ridha Belhaj, porte-parole de Nida Tounès : Notre parti, un acteur incontournable du dialogue national L'intervention radiotélévisée du chef du gouvernement provisoire n'a pas répondu aux attentes de la classe politique ni à celles de l'ensemble des Tunisiens. Ainsi a-t-il éludé les problèmes relatifs à l'augmentation des prix, au chômage, à la régression continue de nos avoirs en devise, à la crise que vivent plusieurs entreprises etc. Sur le plan politique, il n'a produit aucune réponse aux multiples initiatives proposées en vue d'imaginer une solution pour l'après 23 octobre prochain. Quant à l'initiative de l'Ugtt, il a annoncé que le gouvernement l'adoptait. Seulement, cette adoption est purement formelle, puisqu'au plan du contenu, il a précisé qu'il n'y aura pas de remaniement ou de recomposition du gouvernement en place. Pour ce qui est de l'exclusion de certaines parties qu'il estime ne pas avoir le droit de participer au dialogue national et c'est bien Nida Tounès qu'il vise, nous lui disons que mettre à l'écart notre parti ne peut, en aucune manière, résoudre les problèmes en suspens. Nida Tounès qui représente aujourd'hui une force politique de premier ordre est un partenaire incontournable du paysage politique national puisque nous disposons de six membres de la Constituante au sein de notre bureau exécutif. Nous demeurons optimistes quant au dialogue national et confiants en l'Ugtt qui réussira à prendre en considération les différentes initiatives et à faire participer tous les acteurs du paysage politique national. Issam Chebbi, (porte-parole du Parti Al Joumhouri) : Nous attendions des solutions pratiques Hamadi Jebali est intervenu trop tard, ses propos nous ont déçus et, réellement, il n'a rien apporté de nouveau. Les Tunisiens attendaient des propositions pratiques, dans un sens positif, parce qu'ils sont inquiets quant à la situation économique, sécuritaire et politique. Nous avons retenu qu'il a reconnu les difficultés, même avec du retard, et qu'il a relevé qu'il faut être franc avec le peuple et souligné clairement que la Troïka a fait des promesses trop exagérées. Il reste qu'il est important qu'il a reconnu la nécessité impérieuse du dialogue national en prévision de l'après-23 octobre. Toutefois, il a insinué qu'il n'accepte pas la participation de certaines parties à ce même dialogue. Au parti Al Joumhouri, nous considérons que le dialogue national tant attendu perdrait tout son sens au cas où il serait fondé sur l'exclusion d'une partie quelconque. Quant à son appel à ce que l'Ugtt gère ce dialogue, loin de toute instrumentalisation à caractère partisan, nous n'y voyons aucun inconvénient. Surtout que nous considérons que la centrale syndicale ouvrière constitue un partenaire incontournable dans l'édification démocratique et qu'elle est en mesure de réussir dans la gestion de ce grand rendez-vous. Pour ce qui est de la date du 10 octobre 2012 en tant que rendez-vous pour le démarrage du dialogue national, nous pensons qu'elle est un peu tardive puisque ce dialogue doit s'achever par un consensus avant le 23 octobre, dans l'objectif d'éviter à la Tunisie une crise politique dont elle n'a nullement besoin. Chokri Belaid, secrétaire général du parti unifié des Patriotes démocrates : Aucune décision concrète Les propos radiotélévisés de H. Jebali comportent plusieurs messages dont le plus important est relatif à ce qui se passe à l'intérieur du mouvement Ennahdha. En défendant avec vigueur Ali Laârayedh, il nous a donné l'impression que son alliance avec le ministre de l'Intérieur est de retour et que leurs relations sont aujourd'hui au beau fixe, après leur détérioration à la suite des élections du 23 octobre 2011. Un deuxième message à retenir : Jebali a fait part de positions en contradiction avec celles de Rached Ghannouchi, notamment pour ce qui est du traitement du dossier des salafistes. Un troisième message : Il a essayé de sortir de l'isolement dans le quel se trouve le gouvernement, et ce, en adoptant l'initiative de l'Ugtt relative au dialogue national. A part ces trois messages, l'intervention n'a rien apporté de concret et n'a pas donné un engagement clair quant à la définition d'une feuille de route en prévision de l'achèvement de la rédaction de la Constitution, de la promulgation d'une loi électorale démocratique et de la création des trois instances des élections, des médias et de la magistrature. Au plan de la crise sociale et économique dans laquelle se débattent plusieurs régions du pays, son allocution n'avance aucune mesure pratique. Au contraire, il a réaffirmé son attachement aux anciens choix économiques contre lesquels le peuple a déclenché la révolution de la dignité et de la liberté. Pire encore, il a fait l'apologie d'une politique économique qui a lamentablement échoué. Pour ce qui est des médias, il a reconnu l'échec de la démarche de confrontation avec les journalistes. Mais, malheureusement, il n'a pas eu le courage de s'engager à respecter la liberté de la presse et à assurer la protection des gens et de la profession, et ce, en annonçant la mise en application des décrets 115 et 116. Idem pour les hommes d'affaires : il continue à user d'un langage double. En somme, il n'a annoncé aucune décision et a reproduit les propos qu'il a déjà tenus à plusieurs reprises, ce qui fait que son intervention n'a aucune crédibilité.