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«Faute d'une reconversion politique profonde, sincère et mue par l'intérêt national, notre pays connaîtra des jours sombres»
Entretien avec : Pr Sadok Belaïd, constitutionnaliste, ex-doyen de la faculté de Droit de Tunis, à La Presse
Publié dans La Presse de Tunisie le 10 - 10 - 2012

«Sur l'échiquier politique actuel, l'Ugtt est la partie la plus apte à jouer le rôle du middle man... Elle serait maître du jeu dans une conférence nationale réunissant toute la classe politique autour de la finalisation de la Constitution et d'une forme différente de pouvoir...» Dans une interview accordée à notre journal, le 30 juillet dernier, Pr Sadok Belaïd anticipait sur « le rôle réunificateur » que peut jouer la centrale syndicale devant «l'épuisement de la coalition au pouvoir», pour éviter «une nouvelle vague de turbulences et relancer le processus démocratique...» A l'approche du 23 octobre, l'idée prend forme et prend date ; le 16 octobre, dans la perspective de recherche d'une légitimité consensuelle. Pourquoi un dialogue national était-il inévitable, à quelles conditions sera-t-il viable et quelle forme concrète prendra-t-il ?... La Presse rencontre à nouveau le Pr Belaïd.
La date du 16 octobre a été choisie de commun accord par le secrétaire général de l'Ugtt et le chef du parti Ennahdha pour inaugurer l'initiative de la centrale syndicale d'un dialogue national. Mais l'accord a été suivi par un communiqué commun de la coalition au pouvoir mettant en garde contre «une confiscation de la légitimité». Les partis au pouvoir sont-ils en train de poser des conditions préalables à l'ouverture du dialogue ?
Il faut rappeler qu'à l'époque de son lancement, l'initiative de l'Ugtt n'a reçu qu'un accueil très timoré de la part du parti Ennahdha et de la Troïka, qui ont tout fait pour qu'elle soit mise aux oubliettes. Lorsque l'Initiative a été relancée tout récemment, le contexte politique a grandement évolué au désavantage de la coalition au pouvoir. De ce fait, ces partis n'ont plus d'autre choix que de se rallier à ce projet tel qu'il est conçu par ses auteurs. Le communiqué de la Troïka, qui insiste sur la légitimité électorale, est davantage une supplique qu'une exigence, car la Troïka sait bien que l'Ugtt posera comme première condition à la relance de l'idée d'un forum de dialogue national le rejet de tous les préalables et de toutes les exclusions. De plus, l'initiative de l'Ugtt est implicitement basée sur la fin de cette légitimité électorale et sur l'ouverture du dialogue, en toute démocratie, à toutes les parties prenantes, sur un pied de stricte égalité entre elles. Sur ce deuxième point, la Troïka n'a pas non plus beaucoup de liberté de choix, étant donné la fermeté de la position de l'Ugtt à ce sujet.
Vous avez été le premier à croire en la capacité de l'Ugtt de réunir les acteurs politiques autour d'une table et d'orchestrer une conférence nationale. Pensez-vous que l'initiative actuelle de la centrale syndicale soit parfaitement étudiée dans ce sens et viable ?
L'Ugtt est une partie prenante incontournable dans les tractations politiques du moment, comme cela a été le cas dans bien d'autres occasions par le passé. Ce rôle sera d'autant plus apprécié aujourd'hui que l'on observe un trop long et grave blocage du processus de négociations entre les partis politiques les plus importants, dont les rapports sont malheureusement marqués par la méfiance mutuelle et par l'arrogance démesurée de la coalition au pouvoir. Le processus ne peut être débloqué que par l'intervention d'un acteur qui, sans être partie prenante au pouvoir ou à la course au pouvoir, possède un poids politique prépondérant et qui, de surcroît, peut être considéré comme étant à égale distance entre les deux principales forces politiques antagonistes actuelles. C'est pour ces raisons que nous avons appelé à la remobilisation par l'Ugtt de son initiative d'une conférence nationale de dialogue. Nous pensons que cette intervention est aujourd'hui aussi bénéfique qu'indispensable. Nous ajouterons même, sauf, scénario-catastrophe – ce qu'à Dieu ne plaise — qu'il n'y a pas d'alternative politiquement viable et crédible à cette intervention d'un «middle man» capable comme l'est l'Ugtt de peser de tout son poids dans le processus pour aboutir à des solutions équilibrées et acceptables pour toutes les parties.
A cet égard, nous pensons que seule cette grande organisation syndicale est capable de convaincre toutes les parties concernées de renoncer aux prétendus préalables aux négociations et aux exigences injustifiées comme celle de l'exclusion de certains partis politiques de la conférence nationale de dialogue et de conciliation. Du reste, nous pensons que le rôle que l'Ugtt sera appelée à jouer, sera plus engagé et plus autoritaire que ce qu'elle imaginait au départ, en raison du fait qu'aujourd'hui, les relations entre les partis politiques en conflit sont plus envenimées qu'auparavant. Cette nouvelle situation doit conduire l'Ugtt à réactualiser ses propositions et à imaginer des étapes et arrangements politiques plus audacieux que ce qu'elle imaginait au départ, l'échéance du 23 octobre étant la plus importante des données nouvelles qui doivent présider à la conception du processus de négociations, de la feuille de route à fixer et du contenu même de l'initiative à mettre sur la table des négociations.
Comment imaginez-vous la concrétisation de ce dialogue? Dans quelle structure, avec quels partenaires et moyennant quelles relations avec l'ANC et le gouvernement ?
Pour la réussite de ce dialogue, il ne doit pas y avoir de préalables, ni d'exclusion : présenter des exigences sur le premier ou sur le second point, condamnerait par avance, à l'échec total l'initiative et contribuerait à exaspérer le «conciliateur», lui-même. Aucune des parties prenantes n'y a intérêt. Cela est vrai pour ceux des partenaires aux négociations qui n'ont aujourd'hui rien à perdre. Mais cela est particulièrement vrai pour l'autre partenaire, actuellement au pouvoir. Ce dernier risque gros aussi bien s'il adopte la tactique de la temporisation ou celle du pourrissement du processus de négociations. Mais il risque encore beaucoup plus, s'il adopte une attitude excessivement exigeante. C'est évident : c'est celui qui, actuellement, possède tout, et à qui il revient de céder quelque chose.
Quant au cadre dans lequel le processus doit être situé, il nous semble qu'aussi bien l'initiative de l'Ugtt que celles qui ont été présentées par divers représentants de la société civile, sont fondées sur des principes et sur une organisation des dialogues qui se ressemblent beaucoup.
Selon notre interprétation de ce processus, on peut présenter le schéma suivant : mettre en place une conférence nationale pour le salut public, ouverte, sur un pied d'égalité, à toutes les parties concernées. Etablir une feuille de route du processus de négociations donnant lieu à un calendrier précis, limité dans le temps et obligatoire pour toutes les parties qui seront invitées à le signer. Etablir une liste des questions qui feront l'objet des débats et négociations au sein de cette conférence, en les classant selon un ordre de priorité précis et en limitant cette liste aux seules questions urgentes, par référence à la terminaison de la période transitoire actuelle et aux élections législatives qui seront organisées sur la base de la nouvelle Constitution. Etablir un moratoire législatif impératif par lequel on conviendra de reporter à la première législature élue sur la base de la nouvelle Constitution, toutes les matières non mentionnées dans la liste des questions objet de débat et de négociations.
Quelles tâches précises aurait à accomplir la conférence nationale ?
La «conférence nationale pour le salut public» aura à assumer les tâches principales suivantes : désigner un gouvernement restreint de technocrates ; une dizaine de personnalités chargées d'expédier les affaires courantes et de faire face aux urgences et aux imprévus, le gouvernement actuel ayant échoué totalement dans sa mission. Elle devra définir les questions clés objet de désaccord entre les membres de l'ANC, déterminer par consensus les bases de solution pour chacune de ces questions et inviter l'ANC à en formaliser l'adoption, fixer la date butoir du mandat de l'ANC, en tant qu'institution chargée exclusivement de rédiger un projet de Constitution, adopter les principes d'un nouveau système électoral, déterminer la date des prochaines élections qui seront consécutives à la fin des travaux de l'Assemblée nationale constituante... Il appartiendra également à la conférence nationale d'adopter les lignes générales de la future loi relative à l'Institution indépendante des élections en vue de les finaliser par une loi conforme soumise au vote de l'ANC ainsi que de définir la méthodologie à suivre en matière de sélection de ses membres. La conférence nationale devra enfin déterminer sa propre durée qui ne doit pas dépasser quelques mois (peut-être, six mois), ce délai étant, par définition, obligatoire pour les organes institués par ladite conférence nationale et pour l'ANC, elle-même. Le but final et fondamental étant l'achèvement de l'actuelle période transitoire et le passage à la légitimité constitutionnelle tant attendue par la nation.
Pensez-vous qu'un consensus soit possible sur certaines dispositions de la Constitution comme celle relative à la nature du régime ?
Du strict point de vue de la recherche d'un régime constitutionnel répondant aux objectifs de la Révolution du 14 janvier et aux attentes de la société civile tunisienne, il n'y a aucune difficulté sérieuse à élaborer un texte répondant à ces exigences et à trouver solution à toutes les questions actuellement en discussion au sein de l'ANC. Le consensus inévitable étant la mise en place d'un système politique garantissant l'élimination de la dictature et de la corruption, et fondé sur les principes démocratiques, l'Etat de droit, la transparence, l'égalité, la justice et la solidarité nationale. Dans une conférence nationale conçue pour être à l'abri des surenchères politiciennes et pour veiller à l'accomplissement des objectifs de la Révolution et de l'intérêt supérieur de la nation, un tel consensus est non seulement possible mais surtout incontournable.
Comment définissez-vous constitutionnellement l'après-23 octobre ou 25 novembre (fin de la légitimité électorale) sachant que même la prolongation d'un mois ne suffira pas à boucler la Constitution ?
Le délai du 25 novembre que nous avons proposé pour faciliter la tâche de l'ANC peut effectivement se révéler trop court, mais cela n'est pas dû à des obstacles techniques mais bien plutôt à des raisons purement politiciennes très regrettables, et restées exactement les mêmes du fait des calculs d'intérêts des partis au pouvoir. N'ayant rien compris au sens de l'évolution de l'Histoire, ces partis sont en train de s'enfoncer dans la joie collective, dans une crise politique plus profonde que celle qu'ils ont provoquée en novembre dernier. – Pour ce qui est de la date du 23 octobre (ou, 25 novembre, selon notre proposition), que le Premier ministre veut saluer comme un attendrissant anniversaire..., une première chose est certaine : cette date est, d'un point de vue constitutionnel, une date butoir ; elle marque la fin de la légitimité électorale de l'ANC, dans sa composition actuelle : quelque chose s'est terminé, sans gloire. Il faut maintenant trouver la solution pour aider le pays à sortir de cette mauvaise passe. Pour cela, les choses sont très simples : une légitimité s'est terminée ; il faut qu'une autre légitimité la remplace. Pour trouver cette solution, il faut se rappeler deux données très importantes : la première, c'est qu'aujourd'hui, nous sommes encore dans une période transitoire et que de ce fait, des arrangements doivent être faits avec l'orthodoxie juridique et constitutionnelle classique. La deuxième chose, c'est que la Tunisie a connu, depuis la Révolution, deux autres périodes transitoires; «période M. Ghannouchi» et «période B. Caïd-Essebsi» et elle a bien été obligée de trouver des moyens de s'en sortir. Nous sommes actuellement dans une troisième période transitoire; appelons-la «période Ennahdha» qui se termine le 23 octobre/25 novembre et pour laquelle il faut trouver la solution dans le cadre d'une quatrième période de transition.
Constitutionnellement, quelle peut être cette solution ? Pensez-vous que la conférence nationale puisse gagner de la légitimité consensuelle et comment ?
La solution serait exactement celle qui a été appliquée au cours des deux périodes transitoires précédentes; la période du gouvernement consensuel, le décret du 23 mars 2011 étant le texte juridique qui a exprimé ce consensus. La solution que nous avons proposée, consistera en la formation d'un gouvernement consensuel transitoire qui, par la consultation et la conciliation, doit nous permettre d'arriver à la mise en place d'un nouveau système constitutionnel démocratique et participationniste, fondé sur une légitimité populaire solide et durable. Les modalités peuvent changer d'une proposition à une autre ; mais, nous semble-t-il, tout le monde peut se mettre d'accord sur l'institution de cette conférence nationale, d'un gouvernement de technocrates chargé de gérer les affaires courantes et urgentes et d'un conseil des sages, qui aura la charge de gérer, par ses délibérations, les affaires du pays, selon une feuille de route agréée et limitée dans le temps.
Peut-on aujourd'hui prévoir l'évolution des choses sur le terrain social et régional ?
Nous espérons que ces propositions pourront contribuer à dénouer la crise et à éviter au pays les difficultés d'une crise nationale. Le panorama politique actuel n'est plus celui de la période du 23 octobre 2011.Tout le monde doit en prendre conscience et agir en fonction de cette évolution, en donnant à l'intérêt national la priorité absolue. Faute d'une telle reconversion politique, profonde et sincère et mue par l'intérêt national, notre pays connaîtra des jours sombres, par le fait de ses seuls propres enfants, comme l'a très bien dit le fondateur de cette Nation...


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