Par Foued ALLANI Main dans la main, pour éviter un bras de fer. Les négociations salariales dans le secteur privé, qui semblent s'acheminer vers l'impasse, doivent être sauvées. Car leur échec ne sert aucun des deux partenaires, patrons-salariés, ni le pays, son économie en premier. Malgré une conjoncture difficile pour ne pas dire catastrophique surtout pour certains secteurs, des augmentations salariales ont été décidées. Le problème réside dans le pourcentage à accorder aux salariés. Si les représentants des patrons ont consenti dernièrement un maximum de 5,5% de plus sur les salaires comme seuil au-delà duquel l'opération peut devenir néfaste pour l'entreprise, donc pour les salariés eux-mêmes, les représentants de ces derniers s'accrochent, eux, aux 10% exprimés lors d'un accord préliminaire. Pour les premiers, il ne s'agit pas d'une volte-face, mais de plusieurs contraintes imprévues, telles que l'augmentation en cours de route de plusieurs facteurs de production, comme le prix des carburants, celui de l'électricité (+8%), celui des matières premières, ainsi que le taux d'intérêt. Cela, à côté de la baisse de la demande au niveau des marchés extérieurs due en grande partie à la crise que connaît l'Europe, notre premier et plus grand client, ainsi qu'une certaine dépréciation de notre monnaie nationale par rapport à l'euro. Pour le syndicat des travailleurs, il s'agit de limiter un tant soit peu l'érosion du pouvoir d'achat du citoyen, surtout celui appartenant aux catégories socio-professionnelles à revenu moyen ou modeste, d'autant que l'Etat a consenti à ses employés une augmentation jugée acceptable. Il existe donc un risque réel que ces négociations échouent ou soient suspendues. Car chacune des deux parties procède d'une logique différente, alors que le problème est un, et nécessite une solution rationnelle du type gagnant-gagnant. Cela veut dire que chacune des deux parties doit effectuer des concessions avec pour objectif l'intérêt de l'entreprise en tant qu'organisation sociale productrice des richesses, donc faisant partie du patrimoine économique national et non la propriété privée d'une personne ou d'un groupe d'associés. Pour «sauver la baraque» On a vu sous d'autres cieux les deux partenaires (le capital et le travail) consentir l'un et l'autre des sacrifices pour, comme on le dit, «sauver la baraque». Ou encore des salariés accepter des tailles dans leur salaire afin de préserver celui d'autres collègues. Nous n'en sommes heureusement pas arrivés là. Mais le risque guette et une entreprise alourdie par les charges peut couler à tout moment. Une entreprise qui s'essouffle à cause des frais fixes avec un coût de travail élevé par rapport à sa productivité directe sera obligée d'arrêter de recruter, donc de ne plus participer à l'effort national de lutte contre le chômage surtout des diplômés du supérieur. Les salariés peuvent donc se contenter du pourcentage proposé par les patrons tout en exigeant que ces derniers s'acquittent d'abord de leur devoir fiscal, de leur responsabilité sociale (cotisation à l'assurance sociale) de leurs obligations relatives à l'amélioration des conditions de travail, c'est-à-dire d'être en règle vis-à-vis de la législation de travail. Œuvrer ensuite à régulariser toutes les situations prolongeant la précarité de certains de leurs salariés. S'impliquer davantage dans le social et enfin n'épargner aucun effort pour augmenter le taux d'encadrement et d'investir dans la formation de qualité à tous les niveaux. Les salariés seront tenus d'un autre côté de mieux s'engager envers leur entreprise (leur et non l'entreprise) de fournir plus d'efforts en termes d'assiduité, de productivité, de préservation des ressources (contre le gaspillage), d'innovation... de façon à ce que l'engagement soit mutuel. Il s'agit de mieux être conscient pour les uns comme pour les autres que le monde du travail tout autant que la citoyenneté s'expriment en termes de droits et de devoirs et non des premiers aux dépens des seconds. Sur un autre plan, tous les Tunisiens sont, aujourd'hui, appelés à réorganiser leur consommation afin de la rendre moins gourmande en devises et moins gourmande en produits superflus. L'Etat doit de son côté améliorer la qualité des services publics de base (santé, transport, éducation...) car leur état actuel pousse nos concitoyens à des dépenses supplémentaires énormes afin de compenser ce déficit.