Pour ce nouveau numéro de Siècle 21, deux grands événements se rencontrent. C'est à la fois le numéro où la revue littéraire française qui paraît une fois par semestre, boucle ses dix années d'existence, et c'est l'année où les soulèvements dans le monde arabe commencent à mûrir et à offrir un recul nécessaire à l'analyse. Siècle 21 ne manque pas l'occasion et consacre la moitié de ses 223 pages à un dossier sur la littérature tunisienne contemporaine. Dans le sommaire également, une rubrique «Hors cadre» dédiée à l'écrivain français Gil Jounard et préparée par Jean Guiloineau, une série de «Chroniques» présentées comme des «Regards sur le siècle» et portant les signatures de Jean-Marie Chevrier, Leïla Sebbar, Jérôme Vérain et Christiane Baroche et, enfin, une réflexion sur le thème de «La haine», dont les textes et les poèmes s'inscrivent sous le slogan «Le temps des haches». Sur la couverture, comme à l'intérieur du numéro 21 de Siècle 21, les illustrations sont celles du peintre tunisien Ahmed Ben Dhiab. Leur synthèse donne «L'Atlantide revisitée», un texte de Jean-Marie Chevrier dédié à ces œuvres que le lecteur croise en traversant les pages. Pour trouver ce texte, il faut chercher dans les chroniques, sur les pages libellées «En revenant de l'expo» (119-120). Les visages et les courbes imaginées par Ben Dhiab illustrent principalement «Ecriture de l'urgence», le dossier inaugurateur et principal de ce Siècle 21, dédié — comme déjà expliqué — à la littérature tunisienne contemporaine, «Ecriture de l'urgence et urgence littéraire». C'est la partie la plus garnie et la plus consistante de cette gourmandise littéraire qu'est la revue, avec la participation d'une vingtaine d'écrivains tunisiens. Tahar Bekri signe une préface à la littérature de Tunisie, en faisant un tour historique exhaustif, depuis le Kairouan médiéval à l'époque beylicale en arrivant aux débuts du siècle dernier. Des années qui ont connu la jeunesse de Tahar Haddad et d'Aboul Kacem Chebbi, mais aussi les premières œuvres cinématographiques tunisiennes que Tahar Bekri rappelle au passage. Quant à la deuxième moitié du siècle dernier, la réalité de la création littéraire tunisienne a été forcément régie par le contexte politique de l'époque, du règne de Bourguiba à celui de Ben Ali, et portée par des maisons d'édition qui se sont accrochées, malgré tous les aléas. Après le 14 janvier 2011, un nouveau souffle est né. Tahar Bekri s'adresse aux écrits des femmes tunisiennes et à la diversité des thèmes abordés, marqués par l'ouverture sur l'autre. Le dossier offre ensuite au lecteur une traduction réalisée par Bekri de l'un des poèmes phares d'Aboul Kacem Chebbi : « Cesse mon cœur ». Les textes qui suivent sont des extraits d'œuvres littéraires ou poétiques de nos plumes contemporaines masculines et féminines : Moncef Ouhaibi, Azza Filali, Emna Belhaj Yahia, Slaheddine Haddad, Adam Fethi, Cécile Oumhani, Ali Toumi Abassi, Mokhtar Amraoui, Noura Bensaad, Ines Abassi, Lemia Mekaddem, Ridha Boukhris, Abdelwahab Moulawah, Hubert Haddad, Habib Selmi, Rachida Cherni, Amina Said, Hassouna Mosbahi et un entretien avec l'éditrice Elizabeth Daldoul. Ces écrivains, les écrivains, « sont les témoins privilégiés du monde dans ses transformations et ses avatars », comme le stipule l'édito de Siècle 21 qui, à l'horizon d'une nouvelle décennie de son existence, appelle ses lecteurs à poursuivre le voyage vers d'autres littératures de par le monde.