L'association Joie de l'enfance a organisé un déjeuner avec les retraités de La Manouba, pour célébrer, le 27 octobre, la fête de l'Aïd. La journée a été l'occasion pour les bénévoles, venus en famille, de nouer des liens avec les résidents du centre et de mieux cerner leurs besoins, en vue de planifier d'autres actions en leur faveur. Temps doux, ambiance calme, pas de circulation, pour beaucoup de personnes, la journée du samedi a rimé avec tranquillité. Mais pour l'association Joie de l'enfance, elle n'aura pas été de tout repos. Ses membres ont décidé de fêter l'Aïd une seconde fois, avec les retraités du centre de protection des personnes âgées de La Manouba. En tout, ils étaient une quinzaine, des parents venus avec leurs enfants, et des adolescents avec leurs copains du lycée. Plusieurs jours de préparation ont été nécessaires pour la mise en place de l'action. «Collecte de dons, achat des provisions, planification des tâches, cuisine ... Mine de rien, tout cela représente beaucoup de travail», raconte Wided Ben Meriem, membre de l'association. Avant d'aller au centre, Wided est passée prendre en voiture une amie venue donner un coup de main, et a fait un détour par El Menzah pour récupérer des mets soigneusement préparés par des bénévoles. Un autre membre s'est occupé d'acheter un mouton, un autre encore s'est chargé du pain et des fruits. A La Manouba, un petit espace ombragé a été aménagé par le personnel de l'établissement pour accueillir l'évènement. L'espace en question se trouve juste à côté des maisons où habitent les convives, soit 36 hommes, souffrant d'un handicap moteur ou mental. Logés à deux ou à trois dans la même chambre, ces derniers se reposaient sur leur lit au moment de la venue des membres de l'association. «Am Amor, réveille-toi, on vient te rendre visite», a annoncé l'aide-soignante au vieil homme aveugle. Après avoir repris ses esprits, Amor avait l'air content d'être entouré de ses visiteurs. «Que Dieu vous bénisse, que Dieu vous bénisse», répétait-il. Trois hommes en fauteuil roulant, plus deux autres sont sortis de leur chambre pour déjeuner à l'extérieur avec le groupe. Dans le jardin, on dépeçait le mouton et on préparait le barbecue. Anas, 7 ans, les joues roses, marquées par de jolies fossettes, jouait avec un bâton trouvé par terre. Emna et sa petite sœur, couraient entre les palmiers et les lauriers roses, sous le regard amusé d'Othman, Habib et de leurs amis. «Cette journée avec les personnes âgées est une première pour notre association. L'objectif est de rapprocher les jeunes générations de leurs aînés, faire des échanges et d'établir des liens. Et franchement, l'espace de La Manouba que je trouve très beau, s'y prête à merveille», a expliqué Makrem Azizi, vice-président de l'association. Créée en mars 2012, Joie de l'enfance œuvre principalement pour le bien-être des enfants et de leur famille. Les membres fondateurs ont pour la plupart une grande expérience dans le milieu associatif, et/ ou sont cadres de l'enfance. Pour le président, Wahid Ben Ahmed, une des particularités de l'association est d'être dans une démarche qui prône le travail collaboratif entre bénévoles de tous bords. «Il y a tellement de choses à faire dans ce pays, que la seule manière de s'en sortir est de conjuguer les efforts entre les associations». Un centre en difficulté financière Alors que le pavillon des hommes handicapés était animé par l'association Joie de l'enfance, une autre association organisait au même moment une fête avec les femmes, dans un autre coin du centre. Dans la matinée, un troisième groupe de bienfaiteurs est venu rendre visite aux personnes âgées, livres de Coran et manuels de «bonnes pratiques » à la main. «Ce qui a changé depuis la révolution, c'est l'ouverture du centre aux associations. Du temps de Ben Ali, l'accès y était très difficile», révèle Mejdi Zarrouk, directeur du centre. Le jour de l'Aïd, une chaîne de télévision tunisienne est venue passer la journée avec les personnes âgées, et a amené avec elle trois moutons. Un club de foot tunisien en a amené deux. Le Qatar et les Emirats en ont offert 25 selon le directeur. «Avec tous ces moutons, on va s'inventer une vocation, et s'improviser bergers», ironise Hédi, résident à la maison de retraite. Une chose est sûre, les retraités n'auront pas manqué de viande grillée ces jours-ci. «Les fêtes de l'Aïd, la journée internationale des personnes âgées, sont autant d'évènements où les associations affluent par dizaines voire par vingtaines au centre. Les autres jours, plus personne ne vient», se désole le directeur. Le centre de protection des personnes âgées de La Manouba a été créé en 1993. D'une superficie de 2 hectares, il est constitué de dix unités de vie, accueillant 120 résidents, la plupart d'entre eux âgés de plus de 60 ans. 120 autres personnes non résidentes, mais néanmoins dans le besoin, sont aidées par le centre via le pôle SOS personnes âgées, sur le plan matériel, ou médical. Le centre est géré par l'Association de protection des personnes âgées de La Manouba, qui existe depuis 1976. Cette dernière fonctionne sous la tutelle de l'Union tunisienne de solidarité sociale (Utss), qui est là pour faciliter les procédures administratives et jouer le rôle d'intermédiaire avec le ministère de la Femme et de la famille. En 2011, le centre a perçu 320.000DT de l'Etat. D'après le directeur, cette somme n'a pas été suffisante pour couvrir toutes les dépenses, puisque celles-ci se sont élevées à 580.000DT. Cette année, le centre est encore parti pour être déficitaire. Malgré les dons en nature des entreprises, associations et autres bienfaiteurs, le centre se trouve parfois dans l'incapacité de régler ses fournisseurs. Les dépenses les plus importantes sont générées par la consommation en énergie (100.000 DT / an), les médicaments (80.000DT / an), et les couches. «A raison de trois couches par jour pour 40 personnes, on arrive à environ 43.800DT par an», a affirmé le directeur. Mis à part les difficultés financières que connaît le centre, le président de l'association de protection des personnes âgées de La Manouba, Nabil Yassine Saffène, a pointé du doigt un autre problème. «Il n'est pas toujours évident pour les employés du centre à établir un rapport amical avec les personnes âgées. Le plus important que puissent faire les jeunes aujourd'hui pour les résidents du centre, c'est de venir passer un peu de temps avec eux, afin de les sortir de leur isolement», a-t-il dit. La journée du samedi, à la maison de retraite de La Manouba s'est achevée dans une bonne ambiance. Un ami de l'association Joie de l'enfance a même ramené son luth et a chanté quelques chansons du patrimoine, chose que les résidents ont fort apprécié. Comme quoi, il suffit parfois de peu de choses, pas forcément coûteuses, pour propager la bonne humeur autour de soi.