Par Néjib OUERGHI Après plus d'une année de somnolence, l'Assemblée nationale constituante (ANC) semble se réveiller brusquement de sa torpeur. Elle est, aujourd'hui, obligée d'accomplir une véritable course d'obstacles pour rattraper le temps perdu. Dans la perspective d'organiser des élections en avril ou fin juin, le calendrier de l'ANC est surchargé, trop surchargé même. Il faut que les constituants soient armés d'un sacré souffle et de beaucoup de courage pour qu'ils arrivent à honorer leurs engagements dans les délais. L'achèvement de l'élaboration de la nouvelle Constitution, la mise en place de l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie), l'adoption du Code électoral, la mise en place de l'Instance provisoire indépendante de la justice, l'examen du budget général de l'Etat et de la loi de finances 2013... sont autant de dossiers difficiles et problématiques qui risquent de provoquer un long débat et des polémiques à n'en plus finir. Ils ne demandent pour leur solution que pragmatisme et l'option pour les choix du consensus et du compromis. Si la surenchère et la discorde continuent à dominer le débat, il est fort à croire que le pays connaîtra des blocages qui mettront en péril ses ambitions pour la liberté et la démocratie, son développement, sa stabilité et son unité. Les graves événements politiques, sociaux et sécuritaires qui ont secoué le pays tout au long de l'année en cours ont montré l'extrême urgence de trouver des convergences positives qui chasseraient définitivement le doute et la peur et offriraient des perspectives qui renforceraient la confiance. Atténuer les tensions et renforcer le semblant d'accalmie que connaît le pays actuellement sont d'une impérieuse urgence, pour établir un dialogue serein, favoriser une certaine reprise de l'activité économique en panne, et restaurer la confiance. Une lueur d'espoir est en train de voir le jour ces derniers temps à l'occasion de l'entame par l'ANC de la discussion du projet de la nouvelle Isie. Un nouvel état d'esprit, plus conciliant, est en train de se substituer aux querelles interminables qui ont jusqu'ici émaillé le débat au sein de cet hémicycle. Pour espérer achever l'élaboration de la nouvelle Constitution, choisir un régime politique et éviter les écueils de l'organisation d'un référendum, il sera indispensable de trouver des compromis et un consensus à propos de tous les dossiers qui divisent et fâchent. Ces indispensables convergences sont la seule voie pouvant favoriser la transition de la Tunisie vers la démocratie dans un esprit de concorde, non de violence et de discorde. Elles sont également le moyen le plus sûr pour construire une plus grande confiance entre les partis politiques et les représentants de la société civile, dont la mission essentielle consiste à parachever l'édifice amorcé le 14 janvier 2011. La confiance vient, justement, de faire défaut au regard de la gestion, quelque peu calamiteuse, du dossier de l'exploitation par l'anglo-néerlandais Shell, du gaz de schiste dans quatre régions du Centre du pays. Face à la peur que suscite la mise en œuvre de ce projet ,compte tenu notamment des risques potentiels qu'il présente sur l'écosystème fragile de cette partie de la Tunisie, le déficit de communication a ravivé les craintes. Résultat : experts et société civile montent au créneau et accentuent leur pression à l'effet de faire toute la lumière sur ce projet. A l'évidence, la polémique suscitée par les projets d'extraction du gaz de schiste s'explique par la propension du ministère de l'Industrie à faire prévaloir l'argument économique sur toute autre considération. L'annonce de la prochaine conclusion des négociations a poussé de nombreuses associations actives dans le domaine de la protection de l'environnement à demander des réponses convaincantes et rassurantes, non des assurances formulées à la va-vite. Pourtant, sur ce chapitre, le débat scientifique est loin d'être clos. Les études menées, un peu partout dans le monde par des chercheurs confirmés, ont montré que le gaz de schiste serait pire que le charbon pour le climat. La réalité de plusieurs contaminations d'eaux souterraines en Europe et aux Etats-Unis dues à l'exploitation du gaz de schiste ne fait pas de doute. Certes, la course au gaz de schiste pourrait améliorer l'indépendance énergétique du pays, mais peut lui coûter un désastre écologique. Dans le cas d'espèce, il importe de mieux communiquer à propos de ce dossier et prouver tout le contraire de ce qu'avancent les sceptiques. Enfin, avant de soumettre les projets du budget économique et de la loi de finances 2013 à la discussion, les deux documents, estiment de nombreux spécialistes, accusent des défaillances du point de vue de la cohérence et de la rigueur dans leur élaboration et dans les scénarios qu'ils contiennent. Que ce soit pour le premier projet que pour le second, l'improvisation et l'approximation, omniprésentes, ont ôté à ces deux documents toute pertinence et toute valeur de référence. Les prévisions établies dans le cadre du schéma de développement 2013 manquent de précision et la corrélation entre la croissance, les ressources et les réalisations est loin d'être parfaite. Il en est de même pour le projet de la loi de finances 2013 qui, dès que ses principales dispositions ont été rendues publiques, a soulevé appréhensions et critiques. Face à la rareté des ressources disponibles, la solution de l'imposition à outrance est-elle la bonne solution ? La volte-face du ministère des Finances au sujet de certaines dispositions annoncées, ardemment défendues puis abandonnées sans explication, en dit long sur l'atermoiement du ministère qui, face aux pressions exercées sur le budget et aux difficultés rencontrées pour lui conférer la cohérence souhaitée, n'a pas daigné trouver les bonnes réponses ou les choix susceptibles de favoriser une relance effective de la machine économique.