Par les temps qui courent, le Tunisien, et je globalise à dessein, se trouve devant une grande incertitude. Il a peur. De son devenir. De ce qui adviendra. Devant tout ce beau monde où il n'y a ni tolérance ni pénombre, pas de juste milieu, rien que de la passion qui conduit aux pires extrémités. Et cet autre qui a la parole facile, qui fut d'abord de la rive gauche, ensuite de la rive droite, ou l'inverse, pour devenir suspect pour chacun. Et cet autre encore qui a le verbe facile, qui balise bien son territoire, où l'art de peindre n'a pour lui aucun secret. Et j'en passe... parce que les partis se comptent par dizaines aujourd'hui. Qui croire? Devant l'inconnu, ce grand vide qu'il urge de meubler. Ce n'est pas un sujet facile à aborder. Nous sommes dans un équilibre très incertain. Nous sommes tous des victimes en puissance. Dans une époque étrange qui se veut consciente d'elle-même, il nous est malaisé de déchiffrer notre devenir que nous connaissons mal, que le reste du monde voit peut-être mieux. Moi, je ne crois pas que l'ennemi soit seulement extérieur. Aujourd'hui, l'ennemi nous ronge aussi de l'intérieur : j'ai nommé notre invraisemblable cause à l'armement verbal et politique, notre grand égocentrisme par personnes interposées, notre incommensurable désir de briller, notre soif de vedettariat, dans un multipartisme effréné où chacun veut s'approprier le beau rôle, dans un grand manque ou refus de compréhension de l'autre... En tout cas, d'un côté ou de l'autre, il y a de considérables pertes de temps, une formidable déperdition d'énergie sociale. A travers un vécu quotidien où l'on pourrait tuer le groupe de mots «Joie de vivre» et l'enterrer dans un terrain vague. A une période où l'on naufrage la jeunesse qui cherche à initier l'inimitable, qui voit essentiellement la moitié vide du verre, à qui l'existence se découvre dans sa laide médiocrité, l'avenir, dans son incertitude, le présent dans son refus d'accueil, le milieu social dans sa particulière inhospitalité... et qui parle avec un frisson dans la langue.