Par Abdelhamid GMATI Une année s'est écoulée depuis que l'Assemblée nationale constituante a tenu sa première séance le 22 novembre 2011. Ce jour-là, M. Mustapha Ben Jaâfer, élu président, prêtait serment, soulignant l'objectif principal à savoir «édifier une deuxième République qui consacre la justice sociale et protège les libertés publiques et individuelles» et rappelant que «la durée du mandat de la Constituante ne doit pas dépasser une année». Au mois de février (le 16) 2012, M. Habib Khedher, rapporteur général de la commission chargée de la rédaction de la constitution déclarait : «La commission travaillera selon le calendrier suivant : les trois premiers jours de la semaine seront alloués au travail de la commission, deux jours au travail législatif et un jour au travail des commissions spéciales». Le 18 juin, M. Sahbi Attig, président de la commission du préambule et des principes fondamentaux de la Constitution, annonçait que la version définitive du préambule de la nouvelle Constitution sera prête à la fin du mois de juillet 2012. Un constitutionnaliste bien connu, M. Ghazi Ghraïri estimait, au mois d'août que «la Constitution peut être fin prête pour le 23 octobre 2012». Estimation confirmée le 4 septembre par la présidence de l'ANC, qui soulignait que le projet de la nouvelle Constitution serait soumis au vote dans un délai ne dépassant pas la fin octobre 2012, insistant sur la nécessité de respecter les délais. Une année plus tard, il y a deux jours, l'ANC fêtait son premier anniversaire. Son président a parlé d'«un bilan globalement positif». Pour expliquer l'absence de Constitution, il a évoqué «la complexité de la situation, le lourd legs de la dictature, les efforts consentis pour consacrer les traditions de consensus et de dialogue...». Et pour répondre aux critiques, comme celles du chef du gouvernement, relatives à la lenteur des travaux de l'Assemblée, M. Ben Jaâfer a affirmé que « seul le peuple est habilité à évaluer et à apprécier l'évolution des travaux de la Constituante laquelle a la charge d'évaluer et de contrôler le rendement du gouvernement». Justement, on constate que le peuple, ne voyant rien venir, se méfie des constituants et dénonce certains de leurs comportements, entre autres les absences répétées aussi bien aux séances plénières qu'aux réunions des commissions, les divers avantages matériels et financiers qu'ils se sont octroyés, l'absence d'information sur leurs travaux, le manque de transparence... Plusieurs constituants expliquent le retard de leurs travaux par la multiplicité des tâches qui leur incombent, entre autres les projets de lois (80) soumis par le gouvernement, en plus des sessions orales au gouvernement. Soit. Mais qui a investi cette Assemblée de toutes ces tâches ? Elle n'a été élue que pour élaborer une Constitution. Mais dans l'euphorie d'un poste fraîchement acquis, les élus se sont octroyés tous les pouvoirs, agissant comme dans un Parlement élu pour 5 ans. Le gouvernement, formé après des tractations partisanes, qui devaient seulement expédier les affaires courantes les plus urgentes touchant le quotidien des citoyens, s'est également trompé et s'est octroyé tous les pouvoirs de l'exécutif, confinant le président de le République, lui aussi désigné à partir de tractations, à un rôle de figurant. L'Assemblée, aussi bien que le gouvernement, tous provisoires, n'avaient pas à procéder à des réformes ni à changer la société tunisienne. Là réside la faute originelle qui explique tous ces retards et ces résultats désastreux, avec, entre autres, l'insécurité, la violence politique, l'économie en grandes difficultés, les divers déficits, le chômage en augmentation... On se demande même s'il y a encore un Etat tunisien. Entre-temps, le peuple s'inquiète. Faut-il désespérer de cette Constituante et de ce gouvernement? On ne peut s'offrir ce luxe. Même si Ennahdha continue à ignorer les intérêts du pays et poursuit ses desseins partisans : au lieu de fixer une feuille de route sérieuse, elle présente un projet de loi excluant les rcédistes de toute vie publique c'est-à-dire excluant une grande partie de la population tunisienne. N'est-ce pas le rôle de la justice de demander des comptes à ceux qui ont commis des crimes ? Heureusement, des initiatives sont prises, signes positifs qu'il y a des élus conscients de leurs responsabilités. Le bureau de l'ANC a arrêté une série de mesures pour combattre l'absentéisme et le manque de sérieux de certains élus. Et le député Nôomane Fehri a proposé un calendrier permettant à l'Assemblée de terminer sa mission au plus tard le 23 octobre 2013, en ayant adopté la nouvelle Constitution (avril 2013), les diverses lois relatives à l'Isie, Justice transitionnelle, Haute instance de la magistrature, finances 2013 et permis l'organisation des élections présidentielles et législatives (entre le 26 mai et le 13 octobre 2013). C'est là la seule proposition concrète de nature à instaurer la confiance et à assainir la situation générale du pays. Les constituants et le gouvernement ont la possibilité de corriger leur faute originelle : il leur suffit de revenir à leur véritable mission et à accomplir la seule tâche pour laquelle ils ont été élus et choisis.