Les événements sanglants survenus récemment à Siliana et les dernières attaques barbares contre le siège de l'Ugtt ont défrayé la chronique, ouvrant la porte à une vague de protestation et de grèves régionales. Et les observateurs de la scène politique, toutes sensibilités confondues, semblent être unanimes sur la situation d'incertitude et d'effervescence qui plane sur le pays et ses institutions, laissant penser qu'une crise réellement ressentie se profile à l'horizon et qui pourrait conduire tout droit à la dérive. Partant de ses profondes convictions que tous les protagonistes influents, gouvernement, opposition et société civile, sont à bord de la même barque, le parti «Al Massar» (Voie démocratique et sociale) a recommandé de partager la responsabilité pour mener cette étape transitoire à bon port. C'est là le message clé qu'a voulu véhiculer le parti lors d'une conférence de presse tenue hier matin à son siège à Tunis, et dont l'objectif est de faire le point de la situation et réfléchir sur les mérites et les impératifs du processus démocratique en cours. D'emblée, son secrétaire général, Ahmed Brahim, accompagné des dirigeants du parti, a pointé du doigt les prétendus comités de protection de la révolution qui s'autoproclament défenseurs des intérêts du peuple, les accusant de s'en prendre au siège de la centrale syndicale, un des symboles du militantisme et de la lutte de la classe ouvrière, à travers l'histoire de la Tunisie moderne. Cette recrudescence de la violence partout dans le pays et cette escalade dangereuse contre l'Ugtt ne font qu'aggraver la situation et entraîner le pays dans le chaos. Et A. Brahim de prévenir qu'un dialogue de sourds persistes malgré les bons offices et les initiatives de concession. Et le conférencier de poursuivre, pour signaler que la réponse aux revendications légitimes de l'Ugtt visant la dissolution des comités dits de protection de la révolution relève, aujourd'hui, des exigences de l'étape. «Nous aussi, nous sommes solidaires de l'Ugtt et nous partageons l'idée de mettre fin à ces bandes criminelles déguisées en milices armées qui se réfugient dans le giron d'Ennahdha..», a-t-il déclaré, faisant part du soutien total d'Al Massar à la grève générale convoquée par l'organisation ouvrière pour jeudi prochain. Pour en finir avec cette crise politique et sortir le pays de l'impasse, le secrétaire général du parti a appelé les différents acteurs à la reprise du dialogue et à s'asseoir de nouveau autour de la table des négociations pour l'intérêt des Tunisiens et de la Tunisie. «Mais si le gouvernement continue à fermer les yeux face à tout dépassement et bloquer les canaux de dialogue, comme si de rien n'était, ce qui s'est produit à Siliana pourrait survenir dans d'autres régions...», a-t-il averti, s'adressant au gouvernement en place d'en tirer les leçons, afin de repartir de bon pied. Il a incité le mouvement d'Ennahdha à cesser le double langage et à rompre avec «la politique du complot et de la terre brûlée». Pour conclure, M. Brahim a insisté sur la nécessité, aujourd'hui, plus que jamais, de serrer les rangs pour dépasser la crise dans laquelle est plongé le pays. «Notre parti, Al Massar, est disposé à contribuer activement à tout effort d'apaisement et de rapprochement des points de vue», soutient-t-il. Pour sa part, le porte-parole d'Al Massar, M. Samir Taieb, a indiqué qu'il était en réunion à la constituante, où s'étaient déroulées les négociations sur l'article 6 du projet de loi portant la constitution de la commission parlementaire ayant en charge l'examen des candidatures à la prochaine Instance supérieure indépendante des élections (Isie). Lequel article qui ne cesse de créer des polémiques partisanes. « Ennahdha cherche à s'octroyer la part du lion au sein de cette commission, alors que les autres partis défendent le principe d'une composition égalitaire», a-t-il fait remarquer. Revenant sur la dissolution des comités de protection de la révolution, l'orateur a rappelé que le parti était initiateur dans ce sens. Il l'a déjà revendiquée depuis mars dernier. Son collègue, Jounaidi Abdeljaouad, membre du bureau exécutif du parti, a pris la parole pour attirer l'attention sur les dangereuses attaques dont l'Ugtt a été victime, déclarant que cette provocation est une ligne rouge à ne pas franchir. Et d'ajouter que ce climat de tension trouve son origine dans la politique d'exclusion adoptée par le gouvernement depuis son élection. Quant à Slim Ben Arfa, membre du bureau d'Al Massar, il a annoncé deux importantes nouvelles. La première concerne les blessés de la révolution de Gafsa qui viennent d'entrer en grève, après avoir patienté deux ans. Alors que la deuxième s'inscrit, à ses dires, dans les manœuvres idéologiques du mouvement Ennahdha et ses vaines tentatives de faire échouer la grève générale de l'Ugtt, prévue pour le 13 de ce mois. A l'en croire, le mouvement cherche à s'immiscer dans les affaires des agents de la Sonede sur lesquels il tente de faire pression pour les dissuader de participer à la grève de l'Ugtt. «Des anciennes pratiques ridicules que l'on croyait révolues», conclut-il. De son côté, Faouzi Charfi, également membre du bureau, a fait état de concertations en cours avec les partis d'opposition, à savoir Al Joumhouri et Nida Tounès, pour former des listes électorales communes en prévision des prochaines échéances. Selon lui, l'objectif primordial est de défendre un projet sociétal progressiste et moderniste, signalant que les efforts de coalition tendent vers la création d'un large front politique en mesure de polariser d'autres partis similaires en principes et orientations.