Hassine Abassi, secrétaire général de l'Ugtt, a justifié l'annulation de la grève générale prévue pour aujourd'hui par la préservation des intérêts supérieurs du pays. Une attitude louable au regard de nombreux observateurs. Et pour cause. Depuis quelques jours, les va-t-en guerre donnent de la voix. Et ils sont partout. Un climat délétère s'est installé depuis des mois. Il enchaîne avec un topo observé depuis quelque temps. Climat de violence sur le terrain et entre groupes à sensibilités politiques divergentes, de laxisme de l'administration et d'impunité des fauteurs de troubles. Cela a commencé avec les événements du 9 avril 2012. Les forces de l'ordre avaient alors réprimé les manifestants, avenue Habib-Bourguiba à Tunis. Des miliciens sont intervenus. Ils ont été à l'œuvre, à leur manière. Bien que démasqués publiquement et nommément identifiés, photos et reportages à l'appui, ils n'ont guère été interpellés. Ni inquiétés à quelque titre que ce soit. Cela s'est amplifié avec les événements de la Abdelliya, en juin. Morts, blessés et couvre-feu n'ont guère dérangé outre- mesure les instigateurs des violences et voies de fait. A la mi-septembre, on avait assisté à l'attaque de l'ambassade américaine à Tunis. Avec son cortège de morts et de blessés. Quelques semaines plus tard, intervenaient les événements tragiques de Tataouine. Ils s'étaient soldés par l'assassinat de Lotfi Naguedh et de nombreux blessés. Dans tous les cas de figure, la réaction officielle n'a guère été décisive. Par moments, la mollesse des autorités frisait la complicité en bonne et due forme. Entre-temps, le ressentiment, l'exaspération et la rancune se sont emparés de l'affect du commun des mortels. Avec ou sans motifs directs. Le virus de la discorde s'est installé. Des gens ont commencé à réagir mécaniquement, mus par les seuls partis pris particulièrement tranchés. Les douloureux événements du 4 décembre place Mohamed-Ali à Tunis, en bordure du siège central de l'Ugtt, étaient en quelque sorte «dans l'air du temps». A force de cultiver l'animosité non feinte, on finit par passer à l'acte, d'une manière ou d'une autre. Aujourd'hui, les protagonistes semblent avoir daigné considérer des motifs autres que ceux des intérêts étroits ou étriqués. Depuis la soirée du 4 décembre, les surenchères fusent. D'un côté, les partisans de la centrale syndicale. De l'autre, les séides du gouvernement et du parti Ennahdha. Et entre les deux, les masses mobilisées par des sectateurs habiles. Parfois comme autant de chair à canon. Pourtant, depuis deux jours, la situation sécuritaire dégénère. Des groupes armés disséminés dans quelque montagne du Nord-Ouest sont aux prises avec les forces de l'ordre. Des convois d'armes ont été par ailleurs interceptés. Des caches d'armes démasquées aussi. Une bombe artisanale a été même retrouvée dans une station de voyageurs à Kairouan. Un jeune homme de la Garde nationale a été tué par les terroristes. Selon des sources policières, il a été abattu par trois balles au flanc. Il ne portait pas de gilet pare-balles. Motif invoqué : manque de moyens mis à la disposition des agents de l'ordre. Annuler la grève générale pour motif d'union sacrée fait honneur à l'Ugtt. De tout temps, le compromis est plus difficile que le jusqu'auboutisme. L'intérêt supérieur du pays commande de passer outre l'esprit de chapelle. De pardonner les offenses aussi, quitte à ne pas les oublier. De se défaire du ressentiment et des rancœurs, si justifiés soient-ils. Bien évidemment, il ne viendra à l'esprit de personne de crier victoire. Hormis les esprits bornés. Le dialogue est la voie royale de la sérénité. Parce que les rancunes et les aversions aveuglent. Articles liés : - Une solution pour la Tunisie, sa stabilité et sa sécurité - Des négociations-marathons aboutissant in extremis - Consécration du dialogue - «S'ils reviennent, nous reviendrons!» - C'était un jeudi 13...