Discussion du projet d'amendement du règlement intérieur portant sur les commissions d'enquête La commission du règlement intérieur relevant de l'ANC a discuté hier un projet d'amendement portant sur les attributions des commissions d'enquête. Toute l'affaire est là. La commission dite 9-Avril n'avait pu avancer dans ses travaux, étant dépourvue du cadre législatif les réglementant. Résultat : malgré une vingtaine de réunions, celle-ci en est pratiquement à la case départ. Du coup, et avec l'annonce de la création d'une commission d'enquête sur les événements du 4 décembre, les esprits chagrins ou pragmatiques, c'est selon, ont fait le parallèle entre celle-ci et celle-là. Mettant en avant l'inefficacité de ce genre de structures. Dans un sens, ils n'ont pas tort. En témoigne ce flou artistique qui entoure les travaux, de la «9-Avril» depuis huit mois environ, ainsi que l'absence de publication du moindre rapport préliminaire. En témoigne également le manque de répondant du ministre de l'Intérieur, selon certains, qui a fait valoir au moment de son audition son devoir de réserve dû à sa fonction. Ces derniers jours, Néjib Hosni, un des 22 membres de ladite commission, a présenté sa démission. Il n'était pas très enthousiaste depuis le début, nous dit-on. Plus grave encore, le vice-président, Noomane El Fehri, a rendu publique son exaspération face «aux lenteurs et absence de résultats» en faisant miroiter, «si les choses n'avancent pas» une punitive démission. Première commission d'enquête de l'histoire de la Tunisie Or, fait valoir Zied Laadhari à La Presse, la lenteur et autres ajournements s'expliquent par le fait que les députés soient partagés entre les attributions législatives et constitutionnelles, sans compter leurs responsabilités régionales. L'actualité est de son côté très prenante, renchérit-il. «La commission du 4 décembre, elle, sera dégagée de toute autre responsabilité, elle avancera plus vite», compare-t-il, confiant. En ajoutant que «dans un parlement classique et une démocratie établie, une commission d'enquête dispose en moyenne d'une année pour rendre son rapport». Deuxième raison «objective», invoquée par le constituant Ennahdha, le vide juridique. «La 9-Avril étant la première commission d'enquête de l'histoire de la Tunisie, l'assise juridique n'étant pas établie, analyse-t-il. Rien n'oblige un témoin de se présenter, encore moins de prêter serment ou de divulguer des secrets professionnels. Mais, s'il le fait, il n'est pas protégé par la loi et risque de s'exposer aux sanctions disciplinaires de son administration. Les choses vont changer avec le projet d'amendement», espère-t-il. Sachons que ledit projet comprend 10 points. Le quatrième article stipule que tout témoin sous serment coupable de parjure s'expose aux peines prévues par le code pénal. L'article 5 édicte la possibilité juridique d'amener un témoin par la force publique. L'article 6 est autrement plus sévère: sera condamnée à un an de prison et une amende de cinq mille dinars, toute personne convoquée par la commission et refusant de se présenter. Ainsi, force est de constater que l'esprit de projet de texte attribue à la «9-Avril» et à ses consœurs de vraies compétences juridiques. Les discussions étant lancées depuis hier, une deuxième réunion est prévue au milieu de la semaine prochaine dans les salles du Bardo. Si le texte est voté, il aura force de loi. Une deuxième vie sera finalement injectée à la poussiéreuse commission «9-Avril», ose-t-on espérer. «Il ne faut pas juger l'honnêteté intellectuelle des gens à partir de leur appartenance politique» « Nous sommes une commission parlementaire dont chaque député a une affiliation politique. La neutralité s'apprécie dans les deux sens», objecte Zied Laadhari, en condamnant fermement cette défiance mettant en doute l'impartialité des membres de sa commission : «Si on considère qu'un député Ennahdha est favorable au gouvernement, on peut considérer aussi qu'un député de l'opposition sera défavorable, ou carrément opposé au gouvernement». «Toujours est-il qu'on vous a reproché votre intervention à l'ANC après les événements du 9 avril, rétorquons-nous, au cours de l'audition du ministre de l'Intérieur, et votre parti pris affiché. Certains observateurs sont allés jusqu'à douter de votre habilitation à présider cette commission». «J'ai dit et affirmé dans cette intervention à l'Assemblée, objecte le constituant, un brin agacé, que personne ne cautionne la violence, ni ne peut se positionner contre la vérité. Je n'ai innocenté ni condamné personne. Mais il ne faut pas se lancer dans la stigmatisation du ministre en question, dont on connaît le militantisme, le respect des valeurs démocratiques et des droits humains. Je pense aussi qu'il y a eu dérapage, mais un dérapage non méthodique, ni conçu et ordonné par le cerveau du ministère. Il faut faire la distinction entre critiquer l'approche et établir une condamnation du ministre lui-même. De plus, au moment où j'ai fait cette déclaration, je n'étais pas encore désigné président de la commission. Je peux vous dire que je n'ai pas cherché à l'être, mais voilà que mes collègues m'ont chargé de cette responsabilité. Il ne faut pas commencer par juger l'honnêteté intellectuelle des gens à partir de leur appartenance politique. C'est grave de faire ces raccourcis qui ne servent ni la démocratie ni le débat public», se crut obligé d'ajouter M.Laadhari. In fine, attendons donc de voir le rapport final pour juger de tout. Mais disons que cette commission, créée à la faveur d'une adhésion politique et populaire presque unanimes, dispose, tout de même, d'un mandat consensuel et de quelques prérogatives ; comme celle de publier un rapport introductif, rendant acte de la première série d'auditions. Cela aurait été une preuve de bonne foi, ayant pour effet de calmer les esprits et surtout d'amortir les critiques.