Malgré toutes les promesses et les bonnes intentions de résoudre le problème de la pénurie du lait, rien n'y fait. Les rayons des grandes surfaces réservés à ce produit alimentaire de première nécessité restent vides, les épiciers et petits commerçants, certains en tout cas, continuent de pratiquer la vente à petite dose (un paquet par personne) et/ou conditionnée et le consommateur, désabusé et désarçonné, subit et au mieux se plaint. Après les premiers justificatifs officiels qui ont attribué la pénurie du lait à la basse lactation des vaches entre septembre et janvier, à la boulimie laitière des consommateurs pris de panique, à l'existence d'un trafic contrebandier florissant, pour ne pas dire sauvage et incontrôlable, vers la Libye, la raison serait, cette fois, les festivités de fin d'année en Europe. Pour expliquer le manque actuel de lait dans le marché, en particulier l'importé de Slovénie, le ministère du Commerce précise, en effet, que l'importation hebdomadaire de lait de Slovénie (entre 250 et 300 mille litres) n'a pas eu lieu la dernière semaine de décembre en raison des festivités de fin d'année, en Europe. Ce qui laisse penser, et comme le promet le ministère, que «Berti» fera sa réapparition sur le marché dès «le début de la semaine prochaine». Le turc à la rescousse Mais le lait slovène, qui n'a pas fait l'unanimité autour de ses qualités gustatives et qui n'a pas échappé, lui aussi, aux rumeurs et autres attaques, ne sera plus seul sur les étalages. Un lait turc, cette fois, est attendu à partir du 10 janvier courant. Pas moins de quatre millions de litres de lait supplémentaires seront importés par des entreprises privées, annonce le ministère du Commerce. Ce dernier précise également que «ces entreprises bénéficieront de l'exonération des droits de douane et de la TVA, en vue d'aligner le prix du lait importé sur celui de la production locale». Cette mesure est importante et déterminante, car on se souvient encore du lait européen, italien notamment, de type bio, vendu l'an dernier à plus de 7 dinars le litre. Une aberration qui a choqué, voire offensé, plus d'un Tunisien dont le pouvoir d'achat est en chute libre. Considérant le développement remarquable de l'industrie turque, y compris agroalimentaire, et si, comme le promet le ministère du Commerce, le prix de vente à la consommation du litre de lait sera raisonnable, il y a de fortes chances que le lait turc aura du succès auprès des consommateurs tunisiens, exigeants au niveau du rapport qualité/prix. Ceci dit, le problème de l'approvisionnement du marché national en lait reste, tout de même, entier. C'est pour la deuxième année consécutive que l'on connaît en Tunisie une pénurie aussi grave de ce produit de première nécessité, alors que les périodes de basse lactation ont toujours existé et que la frénésie du Tunisien en période de pénurie n'est pas une nouveauté. Reste la contrebande. Qu'est-ce qui est nouveau dans cette affaire? L'ampleur du phénomène qui grandit un peu plus chaque jour. Contrebande : une poignée de fraudeurs en profite Personne n'ignore que la contrebande faisait vivre des milliers de Tunisiens avant la révolution ; ils sont des dizaines de milliers aujourd'hui. Un nombre considérable de chômeurs, mais pas tous, se sont rabattus sur cette activité illicite mais lucrative, au vu et au su de tout le monde, pour subvenir à leurs besoins vitaux et ceux de leurs familles. De jour comme de nuit, ils se relayent, dans une valse incessante, sur les routes nationales, entre les grandes villes tunisiennes et les zones frontalières de l'ouest et surtout du sud en direction de la Libye, pour acheminer et vendre toutes sortes de marchandises. Les forces de l'ordre postés sur les routes sont aux aguets, font de leur mieux mais le flux est trop important. Nul ne peut contester que l'approvisionnement du marché local et l'organisation des circuits nationaux de distribution sont sujets à un déséquilibre et à un dysfonctionnement. Seule une poignée de «commerçants» fraudeurs en profite, le reste des Tunisiens en pâtit. Cette situation dure dangereusement depuis de nombreux mois aux dépens de la sécurité alimentaire et économique de la Tunisie et aux dépens des droits les plus élémentaires des citoyens. Jusqu'à quand cela va-t-il durer? S'agissant du lait, pour ne citer que ce produit, il est impératif que le stock de réserve, équivalent à 37 millions de litres de lait, soit reconstitué au plus vite. C'est une question de survie en cas de crise nationale. La sécurité alimentaire est aussi une affaire de souveraineté nationale. Pour cela, les pouvoirs publics sont appelés à considérer le problème de la contrebande avec sérieux et à lui trouver les solutions qui s'imposent. Autrement dit, prendre le taureau par les cornes et laisser tomber la politique de l'autruche.