Par Zouheir EL KADHI(*) Il est communément admis que la compétitivité d'un pays ou d'une région dépend notamment de la qualité des infrastructures publiques. Depuis le soulèvement de 2011, de nombreuses régions tunisiennes réclament plus de développement qui sous-tend plus d'investissement public et plus de projets publics. Les économistes s'intéressent plutôt à la question du rôle que peut jouer l'investissement public dans la relance économique surtout face au ralentissement de l'investissement et de la consommation privée. A l'évidence, dès lors qu'on s'intéresse à l'investissement public, de nombreuses questions viennent à l'esprit. Comment les infrastructures publiques apportent-elles une contribution positive à la croissance économique ? L'investissement en infrastructures est-il suffisant dans notre pays ? Comment choisir le bon niveau d'investissement en travaux publics ? Comment financer les infrastructures publiques ? L'investissement public est un moyen essentiel par lequel une société construit son avenir. Une société qui n'investit pas avec suffisamment d'efficacité s'avère dans nombre de cas une société qui compromet son avenir, notamment dans notre univers globalisé. Rappelons au passage que l'investissement public est l'ensemble des dépenses engagées par l'Etat et les collectivités locales en équipement collectif, ce que l'on appelle aussi les infrastructures publiques. Les données statistiques montrent que l'investissement public représente en moyenne 2,5% du PIB et environ 12% de l'investissement total sur la période 1997-2010, des proportions très proches de celles des pays développés. S'agissant des effets économiques des dépenses d'infrastructure sur la croissance, les économistes s'accordent à dire que quand on réalise un investissement nouveau, il y a d'abord, pendant la phase de construction, un surcoût d'activité économique lié à la dépense de construction proprement dite: les entreprises de travaux publics voient leur chiffre d'affaires croître, embauchent des ouvriers, distribuent des salaires, passent des commandes à leurs fournisseurs. La perception de ces effets par l'opinion est directe et elle a longtemps trouvé un support théorique dans les analyses d'inspiration keynésienne. Les investissements publics sont perçus au travers de la politique contra-cyclique et de l'effet multiplicateur des investissements publics dans l'économie. Cependant, cet effet ne distingue pas vraiment les infrastructures de toute autre dépense publique et l'impact positif des dépenses publiques est aujourd'hui très largement relativisé. Il s'avère par nature temporaire et les budgets publics restent en Tunisie soumis à une forte contrainte financière. L'étude de l'impact économique des infrastructures s'attache donc à apprécier l'effet des infrastructures sur la formation de l'offre et la compétitivité d'une région ou d'un pays, et par conséquent sur la capacité de cette région ou de ce pays à augmenter son potentiel de croissance durable. L'étude d'impact d'un équipement particulier (la construction d'une nouvelle route par exemple) est conduite soit a priori en cherchant à identifier les changements de comportements et de prix qui peuvent en résulter pour les usagers de l'infrastructure soit a posteriori, par comparaison avec la situation antérieure ou avec la situation dans des régions comparables qui n'ont pas bénéficié d'une infrastructure similaire. Dans l'immense majorité des cas, les effets des infrastructures sont favorables. Cependant, deux problèmes de natures distinctes se posent, l'un de nature microéconomique et l'autre de nature macroéconomique. La question microéconomique est de savoir si les effets favorables sont suffisamment supérieurs au coût de l'infrastructure. C'est la question du rendement économique de l'investissement. Au niveau macroéconomique, il est en effet relativement naturel qu'une infrastructure nouvelle entraîne des conséquences favorables dans son voisinage. Mais cet effet est-il un simple déplacement de richesses, d'activité, d'emplois ou une création de richesses nouvelles à l'échelon national. La question est d'assurer qu'un accroissement de l'effort d'investissement public augmente la productivité et la croissance nationale. Cependant, les investissements publics sont coûteux, d'où la question du financement qui est très importante. En effet, si de nombreuses régions réclament plus d'investissements publics, on ignore souvent les capacités financières du pays. C'est l'une des grandes difficultés du politique car c'est aussi un choix de société. (Economiste)