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Au seuil de l'extrême pauvreté
Reportage : Cité Ezzouhour, Kasserine
Publié dans La Presse de Tunisie le 14 - 01 - 2013

Cité Ezzouhour. Là est tombée la plus jeune martyre de la révolution du 14 janvier 2011. Elle s'appelait Yakine, elle n'avait que neuf mois. Une bombe de gaz lacrymogène, lancée par un agent de l'ordre dans le bain maure où elle se trouvait avec sa mère, l'avait tuée par asphyxie. C'est là, aussi, qu'est tombé le plus grand nombre de martyrs sous les balles des snipers et où a été baptisée la place des martyrs portant désormais un monument à leur mémoire. Ici, les vestiges de la révolution sont encore vivants, loquaces, ils racontent l'exaspération de la population qui s'est révoltée parce qu'elle ne supporte plus d'être oubliée, laissée-pour-compte, sous-estimée. Le poste de police, symbole de l'oppression, qui a été, à l'époque des soulèvements, incendié, n'a pas été retapé ; en état de délabrement, sans vitres, ni porte, les murs portent encore les traces noires des flammes et des violences. Reportage.
Cité Ezzouhour, un quartier pauvre comme il en existe beaucoup dans la ville de Kasserine, chef-lieu du gouvernorat le plus pauvre et le plus marginalisé de Tunisie, classé 24e en termes d'indice de développement; autrement dit, au dernier rang. Les Kasserinois ressentent de la colère, de la douleur, de la rancœur et ils l'écrivent sur les murs et à l'entrée de leur ville: «L'emploi ou la révolution », «Kasserine est au-dessus des partis politiques», «la révolution est la nôtre». Après deux ans des évènements du 17 décembre 2010-14 janvier 201,1es graffitis et les tags sont encore là, fraichement ravivés, ils portent leurs voix et parlent de leurs problèmes, de leurs attentes et de leur déception. «Nous n'avons rien vu venir de notre révolution, ceux qui sont au pouvoir nous ont oubliés, nous sommes toujours pauvres et marginalisés, mais nous n'avons plus l'intention de nous taire», confie Bilel Retibi, 23 ans, arrêté le 9 janvier 2011 au moment où il tentait de récupérer le corps de son cousin abattu par balles dans la rue devant ses yeux. Atteint par une balle en caoutchouc, il sera arrêté et torturé pendant deux jours dans le poste de police avant d'être relâché. La révolution lui apportera un petit boulot dans la maison des jeunes de Kasserine pour le modique salaire de cent dinars par mois et une carte de gratuité dans le transport public. «Les jeunes qui ont exposé leurs torses aux balles n'ont rien gagné de la révolution, ils sont toujours marginalisés, certains blessés de la révolution vivent dans des conditions dramatiques; croyant tout gagner en nous révoltant, nous avons tout perdu», confie gravement Bilel.
Fouineurs de décharges, mendiants et petits trafiquants
A Cité Ezzouhour, Aïn El Khadhra, cité El Karma, Eddachra ou encore Bou Laaba, la pauvreté a atteint un niveau extrême. Bâti rudimentaire anarchique, taudis couverts de plastique ou de tôle en aluminium, ni voirie, ni réseau d'assainissement, ni eau potable. Tout au long des étroits sentiers poussiéreux et jonchés d'ordures dégoulinent les eaux usées de jour comme de nuit. Les enfants jouent avec les poules et les canards dans les décharges sauvages aux côtés des chiens errants. Une seule école existe à Aïn El Khadhra abritant trois salles de classe pour les six niveaux. Ici, l'abandon scolaire et le chômage n'épargnent aucune famille. «Ils passent tout leur temps au café», répond Halima en parlant de l'inactivité et de l'oisiveté des hommes du quartier, jeunes et adultes. Les jeunes hommes, les plus téméraires, s'essayent à la contrebande ou au trafic de drogue et d'alcool. «Ces activités sont devenues fréquentes à Kasserine après la révolution», affirme un groupe d'adolescents de 15 et 16 ans en rupture scolaire depuis quelques années déjà. Certains ados se font un peu d'argent de poche en vendant le carburant venant de la contrebande au bord de la seule route principale de la ville. Ce sont les femmes et les enfants qui travaillent le plus, au noir bien sûr, et qui se contentent des basses besognes : fouineurs de poubelles et de décharges, à la recherche de métaux et de déchets recyclables ; sinon, tout simplement, mendiants. Des familles entières avec femmes et enfants font la manche pour survivre. D'autres vivent très modestement de leur savoir-faire traditionnel. Ribeh, par exemple, fabrique des fours en terre pour la cuisson du pain, Hnia, confectionne des ruches d'abeille en plâtre. Aziza, la plus jeune, préfère le commerce, elle est fripière. Le rêve de toutes ces familles se résume à un logement décent et un travail pour vivre avec dignité. Un rêve inaccessible pour ces pauvres. Ici, on est à des années lumières du niveau de vie, de développement et de modernité de la capitale et des quartiers chics des grandes agglomérations tunisiennes.
«La révolution n'est pas achevée»
Un fort sentiment d'amertume habite les Kasserinois qui se disent victimes d'injustice, depuis l'époque de l'indépendance, et contraints de subir les effets de graves disparités régionales en termes de développement. Car, paradoxalement, le gouvernorat de Kasserine est riche en matières premières, possède une importante nappe alfatière et des gisements de pierre marbrière. L'arboriculture et les cultures maraîchères occupent d'importantes superficies. Pourtant, le chômage sévit et les investissements se font rares. «Les richesses de la région ne profitent pas aux Kasserinois», affirme Bilel convaincu que le clientélisme n'a pas disparu après la révolution. «Les jeunes ont besoin d'être encouragés et soutenus par l'Etat pour monter des petits projets», témoigne un hôtelier de Sbeïtla. «L'usine de cellulose ne peut pas embaucher tout le monde», indique, à son tour, un jeune employé de l'hôtel. A Kasserine, comme dans d'autres régions défavorisées de l'ouest du pays particulièrement, l'opinion, presque, générale est que la révolution n'est pas achevée. Et pour cause : les promesses n'ont pas été tenues. Conséquence : la tension est encore forte et elle se fait sentir notamment dans la méfiance des autochtones vis-vis des visiteurs nationaux y compris les officiels. «Nous avons assez des discours, nous voulons des faits», déclare Hania Rabhi, fonctionnaire. Les Kasserinois, comme tous les autres Tunisiens, attendent avec impatience de voir les projets de développement se réaliser dans leur région et les promesses d'emplois se concrétiser. «C'est à ce seul prix que la confiance pourra être rétablie entre les citoyens et les institutions», affirme Hnia.


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