En ce tournant de 2012-2013, l'économie nationale offre une image encore bien confuse. Dans l'ensemble, et en dépit des couacs politiques et sociaux, l'année qui s'achève marque certes le retour à une croissance positive et l'amorce d'une certaine normalisation de l'activité. Plus en détail et loin d'une lecture sommaire des indicateurs disponibles, la trajectoire économique au cours de 2012 présente un profil globalement heurté avec une fin d'année particulièrement difficile, des évolutions sectorielles divergentes et un bilan macroéconomique fragilisé. En effet, l'essentiel de la croissance en 2012, qui devrait avoisiner selon la BCT les 3% l'an, repose sur un processus de «rattrapage» dans des secteurs d'activité qui ont pâti d'une chute brutale une année auparavant (mines, transports, tourisme) et bénéficie, en outre, d'une forte progression de la valeur ajoutée de l'administration publique, qu'on peut qualifier de «comptable ou mécanique» puisqu'elle reflète surtout une rallonge des dépenses publiques et sociales. Les secousses de la conjoncture politique ont mis à mal les activités liées au tourisme, dont le cheminement infra-annuel s'inscrit sur une tendance plate tout au long de 2012 et marque une chute en fin d'année. Composant avec un environnement extérieur moins porteur, les principaux secteurs des industries manufacturières sont à la croisée des chemins, toujours en quête d'un nouvel élan. Les enquêtes de conjoncture montrent que le niveau d'utilisation des capacités de production s'améliore mais reste encore en deçà de son niveau de long terme. Par ailleurs, le sentiment économique progresse également au second semestre de l'année 2012 tout en demeurant plombé par un climat général pesant et la persistance des difficultés rencontrées par les opérateurs industriels. Les limites de la politique monétaire Sournoise, l'inflation n'est plus ce qu'elle était ! Désormais, elle ne se cache plus et pose du coup des interrogations sur l'efficacité de la politique monétaire. Les prix dérivent actuellement au rythme de 6% l'an environ à fin 2012. Cette accélération, entregistrée dès 2011, s'est maintenue durant 2012, catalysée par une hausse sous-jacente des prix hors produits alimentaires et encadrés, eux-mêmes sensibles à l'évolution des prix à l'importation qui sont restés sous tension. Sur l'ensemble de l'année 2012, l'inflation s'est ainsi inscrite à 5.6%, taux le plus élevé depuis 1995 et largement au-dessus de sa moyenne à 3.3% l'an lors des quinze dernières années. Le report d'inflation pour 2013 s'établit ainsi à 3 points, laissant augurer d'un maintien des tensions actuelles jusqu'à la mi-2013 avant d'espérer une probable détente dans la seconde moitié de l'année. Une situation de risques accrus Concernant la trajectoire économique en 2013, le schéma du budget économique pourrait être qualifié dans son ensemble de « volontariste ». Toutefois, d'importants aléas pèsent sur ce scénario en particulier à travers l'impact des développements conjoncturels au niveau international sur l'économie nationale, mais également du cheminement de l'environnement politique et social au niveau domestique. Au fond, le schéma pour 2013 présente de grandes similitudes avec celui supposé acquis pour 2012. Au-delà de l'aggravation des deux déficits auxquels la politique économique doit apporter rapidement les remèdes appropriés, la croissance en 2013 repose encore sur une pseudo-vigueur de la demande extérieure adressée à la Tunisie, en dépit des perspectives économiques mondiales peu amènes. Parallèlement, les prévisions relatives à l'année 2013 parient sur une dynamique soutenue au niveau de l'investissement, mais dont l'évolution est fortement tributaire de la stabilisation de la situation politique, le rétablissement de la confiance et l'appui à apporter aux opérateurs économiques en difficulté. Au total, face à un faisceau d'évolutions favorables, l'économie nationale aborde néanmoins 2013 dans une situation de risques accrus. L'inquiétant est qu'au miroir des défis qui se dressent, la Tunisie donne l'impression de prendre son temps. Or, l'histoire nous enseigne que quelques mois d'hésitations et de divisions peuvent coûter aux Etats la perte pour un bon moment d'une partie de leur indépendance et de leur souveraineté. Dans la perspective d'une croissance tout juste modérée en 2013, ceci renvoie aux risques relatifs à une détérioration accentuée des équilibres macroéconomiques, déjà sous fortes pressions au regard des soldes actuels des finances publiques et des comptes extérieurs. La seconde catégorie de risques tient au fait qu'un prolongement de la situation actuelle en 2013 pourrait affecter davantage le corps social et nul ne peut en mesurer alors les conséquences. Car, notre système de « Welfare State » a permis jusque-là d'épargner relativement le cœur du salariat stable, puisque le poids de la crise a été supporté entièrement par une frange de la population en situation d'emploi précaire et les jeunes en chômage. Enfin, il y a urgence de se pencher sur notre appareil productif, en particulier industriel, qui menace de craquer et dont les difficultés compromettent l'existence même de certaines branches industrielles. Il s'agit, en effet, d'agir afin de limiter les pertes en termes de parts de marché et surtout de compétitivité. L'amélioration récente et relative de la conjoncture internationale nous offre cette opportunité de prendre notre destin en main avant qu'il ne nous échappe. (Source : Observatoire de la conjoncture économique)