Des experts tunisiens ont proposé mercredi une lecture critique du brouillon de la Constitution dans certains de ses aspects relatifs à l'organisation de la relation au sein du pouvoir exécutif et du pouvoir local. Les experts, qui intervenaient lors de la conférence organisée à Tunis par l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt), intitulée «Quelle Constitution nous voulons», ont notamment relevé des défaillances au niveau des mécanismes prévus dans le projet de la Constitution dans la relation entre la présidence de la République et la présidence du gouvernement ainsi que les différents aspects organisant le pouvoir local. Selon la juriste Iqbal Ben Moussa, la répartition des prérogatives du pouvoir exécutif entre le président de la République et le chef du gouvernement n'est pas claire dans le projet du brouillon de la Constitution. «Il est nécessaire de revoir le partage de l'exercice des pouvoirs entre les deux présidences», a-t-elle dit, appelant à mettre en place «un dispositif» organisant la relation entre les deux parties tout en veillant à ce que ce mécanisme «ne risque pas d'être bloqué en cas de crise politique», à l'instar des développements de l'affaire d'extradition de l'ancien Premier ministre libyen Baghdadi Mahmoudi. Mme Ben Moussa relève par ailleurs l'importance de la précision contenue dans le projet de Constitution concernant l'élection du président de la République qui doit être élu à la majorité absolue tout en précisant que si cette majorité n'est pas obtenue au premier tour du scrutin, «il est procédé à un second tour». Ces dispositions, a-t-elle dit, sont importantes dans la mesure où elles permettent de renforcer la légitimité populaire du président de la République. Elle a relevé toutefois un certain flou dans la formulation des conditions d'éligibilité à la présidence de la République dont notamment l'obligation d'être «exclusivement de nationalité tunisienne» et d'être âgés de 75 ans au plus le jour du dépôt de sa candidature. De son côté, le juriste Mustapha Ben Latif a analysé le chapitre relatif au pouvoir local dans le brouillon de la Constitution soulignant les aspects positifs qui confortent le principe d'une décentralisation territoriale effective fondée sur une cohérence entre la démocratie locale et la nécessité de préserver l'unité de l'Etat. Parmi les points positifs, dit-il, on note la consécration de la dimension régionale, l'affirmation claire de la légitimité démocratique des collectivités territoriales ainsi que des principes de démocratie participative et de développement juste et solidaire. Il a par ailleurs relevé certaines défaillances de forme et de fond dans la partie «pouvoir local» dont particulièrement l'adoption de concepts étrangers à la loi tunisienne. Au niveau du fond, l'expert a relevé que ce chapitre ne précise pas suffisamment la nature du modèle de décentralisation qui sera adopté et fait référence à trois formes de collectivités locales, à savoir les municipalités, les régions et les districts. L'expert relève que malgré la clarté du concept de municipalité, les autres références restent incompréhensibles puisque nous constatons, a-t-il dit, un mélange entre les concepts de région et celui du gouvernorat dans le découpage territorial. Le texte est resté assez limité et peu clair en ce qui concerne les aspects financiers et particulièrement au niveau de la question fiscale a indiqué l'expert, appelant à la suppression des notions de développement local et régional durables qui constituent une régression comparée au premier projet de brouillon de la Constitution, a-t-il estimé.