L'élimination physique en bonne et due forme d'un leader de parti ne fait pas partie de nos coutumes politiques et exige, aujourd'hui, une levée de boucliers unanime de la part de toutes les forces politiques, sociales et associatives de la Tunisie. Elle marque incontestablement un inacceptable tournant dans les mœurs et les pratiques de ce pays pacifique et convivial qui ambitionnait de conduire à son terme sa Révolution démocratique. Cet assassinat politique intervient au terme d'une recrudescence des violences qui n'a épargné aucune catégorie : politiques, journalistes, universitaires, magistrats, avocats, syndicalistes, agents de sécurité, citoyens. Et qui plus est, dans une lourde ambiance de suspicion, de menaces de meurtre répétées, d'insécurité, de crise politique généralisée et d'instabilité. C'est à ce climat général qu'il faut maintenant tourner promptement le dos en rétablissant le consensus qui prévalait le 14 janvier 2011 et en agissant de toute urgence afin de reconstruire une unité nationale apte à conduire la transition démocratique à bon port. Et, en premier lieu, s'impose, sans aucun doute, l'instauration d'une sécurité et d'une justice dignes de la République démocratique pluraliste que la Révolution nous a promise. Car les échecs témoignés, de manière répétée, dans la conduite des enquêtes engagées en vue de démasquer les auteurs des violences que connaît le pays dans toutes les régions, ne manquent pas d'inquiéter les citoyens et de les conduire à se poser plus d'une question. Ces citoyens attendent, aujourd'hui, des pouvoirs publics qu'ils conduisent rapidement et efficacement leurs recherches en vue de retrouver les coupables de cet acte terroriste, d'en démasquer les instigateurs et de donner libre cours à la justice pour qu'elle détermine librement l'adéquate peine que les criminels méritent. C'est aussi le temps d'un dialogue opérationnel efficace entre les différents groupes parlementaires de l'Assemblée constituante pour mener à bien le dépassement de la crise politique qui affecte aussi bien le gouvernement que l'ensemble du pays. Une crise que l'assassinat de Chokri Belaïd démultiplie tragiquement, appelant une prise en charge qualitativement nouvelle, à la hauteur des risques majeurs qu'encourt désormais le pays, suite à ce tournant majeur.