Le pouvoir d'achat des Tunisiens a connu au cours des dernières années une diminution importante, ce qui a eu un effet négatif sur leur train de vie quotidien. Les prix des différents produits alimentaires ont été, en effet, revus à la hausse, ne correspondant pas aux augmentations salariales. Les citoyens appartenant à la classe moyenne n'arrivent pas toujours à joindre les deux bouts — à moins de se priver de certains biens— et sont obligés de recourir de temps à autre aux crédits pour acheter ce dont ils ont besoin. La part réservée aux produits alimentaires est devenue, de ce fait, importante vu cette augmentation sensible des prix. Plusieurs facteurs conjoncturels et structurels sont à l'origine d'une telle flambée des prix, à commencer par la baisse de la production. Au marché central de Tunis, les étals sont certes bien garnis en fruits, légumes, viandes rouges et blanches et poissons. Le prix des pommes de terre, fixé à 750 millimes le kilogramme, n'est pas le même chez tous les marchands dans la mesure où ce prix peut atteindre les 850 millimes, voire plus. Les tomates sont éoulées à 1d,300 contre 2d,300 pour les piments doux, 1d,800 pour les piments forts, 2 d pour les petits pois... Un circuit de distribution flou Certains marchands imputent l'augmentation des prix, en partie, aux intermédiaires. «Les agriculteurs se plaignent des prix de vente réduits qui ne couvrent pas les frais de production, estime Mohamed, un commerçant. Quant aux marchands, ils ont une marge bénéficiaire connue et spécifiée dans le bon de livraison qui est présenté aux services de contrôle, on ne peut donc pas pratiquer des tarifs au hasard». Entre le producteur et le commerçant, les produits passent donc par les intermédiaires qui facturent aux dépens des consommateurs le coût du transport et la marge bénéficiaire fixée par leurs propres soins. On ne parle pas, évidemment, des mandataires des marchés de gros dont les activités ont été réglementées. Le flou des circuits de distribution qui s'étendent sur tout le territoire de la République semble contribuer à cet état de fait. C'est que certains produits vendus ne passent pas forcément par le marché de gros. Cela a amené certains agriculteurs à vendre sur les routes, se contentant ainsi de créer leur propre marché pour éviter les intermédiaires qui contribuent au gonflement des prix. Un autre élément important à prendre en considération — et reconnu même par les autorités compétentes — concerne les opérations de contrebande. Les gardes-frontières et la Garde nationale ont pris en flagrant délit plusieurs personnes qui tentaient d'entrer illégalement en Libye avec des camions transportant des quantités de produits alimentaires dont du lait, de l'eau, des viandes blanches voire du bétail. Cette exportation illégale a des répercussions négatives sur les prix de vente en Tunisie. Plus les quantités sont rares, plus les prix grimpent à vue d'œil. Cela a été vérifié au niveau de plusieurs produits. Si les services de contrôle ont pu arrêter des contrebandiers et restituer la marchandise au marché national, d'autres personnes ont réussi à s'introduire dans les marchés voisins au grand dam des consommateurs et des producteurs. Couvrir les frais de production En plus des problèmes conjoncturels — dus notamment aux évènements qui ont suivi les révolutions en Tunisie et en Libye — il y a aussi les difficultés d'ordre structurel qui touchent les secteur agricole et agroalimentaire depuis déjà des années. A titre d'exemple, les opérateurs dans le secteur du lait marchent sur une corde raide en essayant de tenir l'équilibre. A l'origine, l'augmentation du coût de production au niveau de l'élevage dû surtout à la flambée des prix des produits fourragers. Les transporteurs ont même demandé l'augmentation de leur marge bénéficiaire. Certains collecteurs ont été contraints de déverser les quantités dans les oueds pour manifester leur désarroi d'autant plus que les prix sont loin de couvrir les frais de production et certaines usines refusent d'accepter des quantités sous prétexte qu'elles sont suffisamment approvisionnées. Parfois, elles invoquent une question de qualité. Des problèmes similaires sont également cités par Faouzi, producteur dans le secteur des volailles, qui pointe du doigt la programmation de la production qui, selon lui, «doit être revue sur la base de données scientifiques et réelle». Certes, l'Etat procède régulièrement au stockage de quantités de viandes blanches — pour absorber le surplus de la production à écouler dans certaines périodes de grande consommation — mais cela ne semble plus suffisant. Le système de programmation n'est pas le seul mis en cause, mais on cite aussi les frais de production et le marché parallèle. Malgré la multiplication des sociétés dans le secteur des volailles, plusieurs individus font encore de l'élevage et vendent leurs produits sur le marché informel. La viande bovine commercialisé à 18 d et la viande ovine à 19 d passent, elles aussi, par une période défavorable suite à la diminution de la production et aux opérations de contrebande. Cela a amené les pouvoirs publics à importer des quantités pour renforcer l'offre dans un souci de réduire les prix. Mais certains bouchers n'ont pas respecté les prix recommandés. Ce secteur est touché également par la vente anarchique sur les routes. Certains éleveurs n'hésitent pas à abattre une partie de leur bétail pour l'écouler à prix réduit aux routiers. La campagne lancée par l'Organisation de défense du consommateur sur la nécessité de bouder les viandes pour inciter les bouchers à baisser les prix n'a pas été très suivie et les prix ont retrouvé leur niveau initial.