Soulignant l'aggravation de la crise politique et économique du pays, les leaders des cinq partis formant la coalition «l'Union pour la Tunisie» ont dressé, hier, un tableau sombre de la situation, notamment politique, et ont estimé que le nouveau gouvernement en cours de formation sera un mort-né. Selon la coordination de cette coalition, l'unique issue pour sortir de cette crise est d'engager un débat national effectif loin des quotas partisans. «Le remaniement ministériel qui est devenu un feuilleton et une mascarade ne sera pas la solution adéquate à la profonde crise dans laquelle le pays se débat. Le fait de remplacer des noms par d'autres ne relève que du système des quotas partisans. Cela nous rappelle ce qui a été fait après les élections de l'Assemblée nationale constituante. Ce remaniement n'aura aucun effet sur la situation actuelle et tout remaniement fondé sur les quotas partisans ne peut faire sortir le pays de la crise». C'est en ces termes que le secrétaire général de Nida Tounès, Taïeb Baccouche, s'est prononcé, hier, sur la formation en cours du nouveau gouvernement. «On ne nous a pas consultés et nous ne les avons pas contactés de notre part», a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse tenue, hier, par la coordination de l'Union pour la Tunisie, alors qu'il évoquait le dialogue avec le gouvernement. «L'assassinat de Chokri Belaïd, leader du Front populaire, a été le début de la fin de la légitimité de l'actuel gouvernement. Depuis, aucune décision n'a été prise en faveur du peuple ou du processus démocratique. Nous ne sommes pas optimistes», a-t-il enchaîné. Pour sa part, le porte-parole d'Al Massar, Samir Bettaïeb, a indiqué que la coalition, dont sa formation fait partie, appelle à un débat national sans exclusion aucune. «Un débat qui englobe tout le monde dont ceux qui n'ont pas réussi à bien mener le pays. Je rappelle que ceux qui ont refusé l'initiative de Hamadi Jebali sont les mêmes qui ont refusé, auparavant, l'initiative de l'Ugtt pour un débat national. Pour ce qui est des dates essentielles, c'est une question qui doit être l'objet d'un consensus pour qu'on puisse réussir à les respecter», a-t-il ajouté. Rectifier le processus démocratique Selon Mohamed Kilani, leader du Parti socialiste, rien n'a plus de sens depuis le 6 février (date de l'assassinat de Chokri Belaïd). «La question qui se pose depuis est : allons-nous vers la formation d'un gouvernement dictatorial ou vers la rectification du processus de la justice transitionnelle? On n'a pas de points communs à discuter avec ceux qui gouvernent, d'où on ne peut être d'accord avec eux sur leur actuel programme. Aujourd'hui, Ennahdha, soit elle accepte de suivre les fondements de la transition démocratique, soit non. Et le fait qu'elle laisse agir les ligues de protection de la révolution, qui mettent de la pression sur les partis politiques et la société notamment par le biais de la violence, en dit long sur ses intentions», a estimé Kilani. D'après lui, la rectification du processus démocratique nécessite du temps. «Nous sommes en situation de mobilisation et seuls le peuple et les militants sont capables de remettre ce processus sur la bonne voie. Le gouvernement qui est en train de se former va nous mener à un autre blocage et une situation plus difficile», a-t-il ajouté. L'évaluation de la situation actuelle par l'Union pour la Tunisie a porté sur le remaniement ministériel, la question de la violence, le retard de l'élaboration de la Constitution, la crise économique et sociale, ainsi que la nécessité de lancer un débat national. Violence et augmentation des prix, le calvaire Pour ce qui est de la violence, Abderrazek Hammami, secrétaire général du Parti du travail, a affirmé que l'un des représentants de son parti à La Soukra vient d'être agressé. «Les agressions à l'encontre des partis politiques ne cessent pas. De même, le syndicat de l'enseignement secondaire a été agressé à travers des manifestes qui ont été collés aux murs de son local et qui portaient atteinte à son image», a-t-il expliqué. Maya Jeribi, secrétaire générale du Parti Al Joumhouri, a, quant à elle, appelé à la dissolution des ligues de protection de la révolution «qui violentent les citoyens et les hommes politiques». D'après Mme Jeribi, la réussite relative de toute nouvelle composition du prochain gouvernement passera par la dissolution desdites ligues qui menacent de commettre des délits et des agressions contre plusieurs personnes et partis politiques, alors que les ministères de l'Intérieur et de la Justice, au courant de cela, ne réagissent pas. Elle a, aussi, affirmé qu'avec le Front populaire, l'Union mettra en place un programme citoyen de lutte contre la violence. La question des augmentations des prix, notamment les carburants et les produits de consommation, a été évoquée par les représentants des cinq partis qui ont protesté contre cette pratique qui affecte le pouvoir d'achat du citoyen. «Nous nous étonnons de l'annonce des dernières augmentations par un gouvernement démissionnaire. Il fallait geler cette décision jusqu'à la formation du nouveau gouvernement d'autant plus que c'est une question vitale pour l'économie en ces temps de crise. D'une part, le citoyen est effrayé par la violence et ne peut ainsi vivre son quotidien à l'aise, et de l'autre, il souffre des augmentations successives des prix», a ajouté Maya Jeribi. Evoquant le retard dans l'élaboration de la Constitution, Samir Bettaïeb, porte-parole d'Al Massar, s'est attardé sur les dépassements commis par plusieurs constituants qui s'absentent régulièrement aux séances plénières et aux commissions de l'Assemblée nationale constituante (ANC). Il a cité, entre autres, le président de l'ANC dont la participation a été plus timide et limitée ces derniers temps en raison de ses déplacements à l'étranger. «Le retard enregistré dans la rédaction de la Constitution a pour principale cause le blocage imposé par la majorité, le groupe d'Ennahdha. Il y a un groupe qui est en train de se former au sein de l'ANC pour faire pression, pousser les choses dans le bon sens et faire accélérer le travail de l'Assemblée», a enchaîné Bettaïeb. Tout en relevant les défaillances de l'actuel gouvernement, «notamment les décisions aléatoires dont celle du prélèvement sur salaire», Taïeb Baccouche a réaffirmé le besoin d'engager un débat national sans exclusion aucune «pour sauver le pays de la crise qui le mène vers une destination inconnue». Les représentants des cinq partis constituants l'Union pour la Tunisie ont insisté sur la nécessité d'élaborer un programme de salut avec des objectifs et des dates précis afin de regagner la confiance du peuple tunisien qui, selon eux, vit une période très difficile sur tous les plans.