Pour la première fois de son histoire, la Tunisie célèbre, aujourd'hui 24 mars, la journée internationale pour le droit à la vérité en ce qui concerne les graves atteintes aux droits de l'Homme et à la dignité des victimes. Hier, au boulevard 9 avril à Tunis, où des tentes ont été installées sur les vestiges de l'ancienne prison civile, nombre d'anciens détenus politiques du courant islamiste se sont rassemblés, depuis le matin, pour donner libre cours à leurs souvenirs si nostalgiques, mais douloureux. Comme si c'était hier, Hassen Taboubi a passé plus de 14 ans sous les verrous. Entouré de ses amis détenus, il se rappelle encore de l'intransigeance, de la monotonie carcérale et du sadisme de ses tortionnaires. Il n'a point hésité à montrer à une foule importante venue l'écouter certaines astuces utilisées très fréquemment. Un mode de vie pour se débrouiller et satisfaire des besoins vitaux. Mais, la parole était chargée d'émotion et de chagrin. Les yeux larmoyants, Mohamed Tahar Ayari, lui aussi était un détenu politique d'appartenance nahdhaouie. Sa longue détention épisodique depuis 1994 lui a révélé les secrets des coulisses pénitentiaires. Sur les lieux, l'homme nous a bel et bien décrit les méandres et les différents pavillons de la défunte prison du 9 avril, où il avait subi toutes les formes de violations corporelles et morales. Même les durs moments inhumains, il s'en souvient encore. Et des arbres séculaires, témoins éternels de l'infini choc carcéral dans ladite prison, il n'en reste aujourd'hui que le fameux «olivier des fourmis» sur lequel le détenu subissait l'extrême torture. M. Samir Dilou, aujourd'hui ministre des Droits de l'Homme et de la Jusice transitionnelle, était lui-même un prisonnier politique dans cet établissement. Hier, il était sur place, accompagné de son collègue M. Nadhir Ben Ammou, ministre de la Justice, nouvellement nommé dans le gouvernement de Ali Laârayadh. A l'occasion de la semaine de la vérité, ils ont rendu visite à la prison d'Ennadhour à Bizerte. Faisant le tour de tous les coins et pavillons de ce vieil établissement, ils ont constaté de visu les plus graves atteintes aux droits de l'Homme dont ont été victimes des milliers de détenus ayant passé par ce temple maudit de l'histoire d'incarcération en Tunisie. Les murs portent jusqu'à nos jours les traces indélébiles de la détresse et de l'oppression. L'autre pavillon appelé « Karraka » se dresse comme un espace qui n'abrite que les criminels purgeant de longues peines et des travaux forcés. Bien qu'elle ait reçu quelques retouches d'entretien, la prison garde visiblement les séquelles des atroces exactions des anciens régimes. Le sous-sol, l'illustre cave connue par tous les résidents de la prison, est maintenant fermé pour des raisons qui remontent au passé lointain. Ouvert pour l'occasion, les deux ministres, guidés par le directeur de l'établissement, y ont accédé quand même. Construit sous forme de labyrinthe inaccessible, il respire les odeurs écœurantes du passé et illustre l'extrême forme de répression. Et les témoignages de certains anciens détenus tels que Ali Ben Salem et Kaddour Ben Yochrat fusaient avec beaucoup de ressemblance. On y reviendra..