Par Hédi SABARA * Il s'agit d'un événement jamais divulgué dont j'ai livré le contenu au président déchu depuis longtemps. J'ai reçu une réponse décevante du secrétariat du parti à Gafsa d'aller exposer cette histoire à Bizerte (c'est un ignare des événements). Etant à l'époque anesthésiste et surveillant général, ami de mon collègue Si Abdelaziz Bouraoui, secrétaire général du parti à Tunis, désigné avec Si Hassib Ben Ammar pour superviser le déroulement de la bataille et mes relations cordiales avec le gouverneur Si Bellamine me permettaient un contact direct avec toutes les forces combattantes et les camps de jeunesse. Quant au ministre de la Santé publique, M. Mondher Ben Ammar, il était à pied d'œuvre de bon matin assisté par le Dr El Bahri et le directeur de l'hôpital pour l'organisation du travail, la création de postes de secours dans différents secteurs à Bizerte et Menzel Bourguiba et la réception des antennes chirurgicales venues de Tunis (les professeurs Mestiri et Safi) qui ont travaillé 48 heures sans arrêt. Le Dr Bahri assurait le triage des blessés et gardait la porte du bloc opératoire pour interdire toute sortie au personnel soignant qui travaillait sans arrêt malgré la fatigue. Si Ali Mrad, responsable du bloc opératoire, assurait toutes les prestations, à savoir anesthésie, aide opératoire, équipement des salles). Un permis de visite et de circulation me fut délivré par le comité sus-indiqué pour la réception des volontaires et des jeunes de la région Gafsa-Sidi Bouzid convoyés par autocar par Tahar Gar Ouch. MM. Mohamed Khémira et Hassan Abid, commissaires généraux de police à Tunis, avec l'aide des officiers résistants (Boujellabia et Ferchichi) ont réussi à capturer un traître citoyen collaborateur notoire de l'armée française (indicateur de l'amiral Amen). L'officier supérieur Mohamed Bejaoui est mort en héros en combattant dans les rues à la mitraillette devant le bureau du médecin Ben Chadly entre les mains de mon collègue Mohamed El Abssi. Le ministre de l'Intérieur, Taïeb Mhiri, informé de cette capture, demandait le transfert immédiat de ce traître à Tunis. Aucun moyen légal n'était possible à l'époque pour le faire passer à travers les barrages. Je fus invité par Si Taïeb Tekaya, secrétaire général du parti à Bizerte, pour m'occuper personnellement de cette affaire et de me rendre immédiatement dans la ville arabe (prison provisoire). J'ai prié Si Khémira d'amener en prison également un fou errant en ville pour servir ma stratégie. Sous anesthésie générale, j'ai pratiqué une incision frontale suivie de suture et d'un grand pansement sur le traître à qui la police a établi une fausse carte d'identité sous le nom de Jendoubi (voir les archives de l'Intérieur). L'ambulancier Amor fut fait prisonnier plutôt à deux reprises avec son ambulance pleine de blessés. Il était d'un courage exceptionnel à tout instant. Du côté tunisien, sous la responsabilité des officiers de la Garde nationale Lakhdher Fattah et Youssef Belahouel, vétérans de la guerre de Palestine, aucun problème ne fut soulevé. Par ailleurs, j'ai écrit au responsable du parti à Gafsa pour savoir s'il compte organiser une réunion rappelant la victoire du 15/10/1961. Je souhaitais prendre la parole pour rappeler que la première victime de la bataille, le jeune garde national Ahmed Titai, est originaire de Gafsa: sans réponse. J'ai reçu la médaille de la bataille comme pas mal de gens et j'ai souhaité recevoir une déclaration conséquente au fait sus-indiqué. Malgré les demandes déposées à la direction générale avec récépissés : silence absolu car je ne suis pas des leurs. Du côté de l'armée, les officiers résistants (Boujellabia et Mohamed Ferchichi) ont été gratifiés d'un grade supérieur pour continuer la lutte. Au cours de combats de rue dans la nuit du 21 juillet, un jeune Français civil de 17 ans a été ramené dans notre secteur encore libre avec une fracture ouverte de la jambe, un des secouristes m'a informé qu'à partir de son balcon, il a abattu 3 civils tunisiens. Sa mère accompagnante a refusé les soins des chirugiens tunisiens (professeurs Mestiri et Sefi). Le chirurgien Chassagniette, chef de service à l'hôpital, ne pouvait se déplacer la nuit en raison des combats de rue; j'ai requis un des ambulanciers pour aller le chercher ensemble. Sur intervention de Si Hassib Ben Ammar et Abdelaziz Bouraoui après le cessez-le-feu, je fus pressenti pour le poste d'adjoint du secrétaire général du parti au Kef (avec Si Moussa Rouissi) que j'ai décliné pour deux raisons : la première, feu Habib Hanini était constamment sur la sellette entre Menzel Bourguiba, Mateur, Sejnen, Menzel Jemil, Menzel Abderrahman, Ras Djebal, Rafraf et Ousja pour organiser des réunions et discourir, alors que le secrétaire général était toujours assis au bureau. La deuxième, je gagnais honnêtement mon salaire de l'hôpital et des prestations comme anesthésiste à la clinique du docteur Chassagniette. Je n'oublierai jamais la force de volonté du gouverneur Si Bellamine, cet ancien résistant de l'époque coloniale qui a tenu tête à l'amiral Amen tout-puissant et dont la femme conduisait une ambulance au profit des blessés. Il faut citer aussi Mustapha Smida, responsable des jeunes, qui fut renvoyé par le secrétaire général de Bizerte (Taïba Tkaya) avec mission de se rendre à Gafsa pour le recrutement de davantage de volontaires. Quant à Si Ali Meddeb qui comptait à l'époque au Rimel de Bizerte avec ses scouts, il a participé avec ses jeunes activement aux soins et au ramassage des blessés. Dag Hammarskjoeld, secrétaire général de l'ONU, autorisé par l'ambassade de France pour la visite de la ville, n'a pu traverser le pont de la ville qu'après sa fouille personnelle et de sa voiture malgré son fanion de l'ONU. En dépit de l'inégalité des forces dans le combat, des hommes valeureux ont résisté jusqu'au cessez-le-feu (tels que Mohamed Khemira, Hassan Abid, Youssef Belahoual, Taher Bellil, Ghlala : Garde nationale, Ferchichi et Boujalabia : Armée) Sitôt le cessez-le-feu décrété, le Dr Terres Rachid conduisait tout de suite une manifestation monstre demandant le départ de l'occupant. (Anesthésiste et surveillant général)