Par Hmida BEN ROMDHANE La récente visite de Barack Obama au Moyen-Orient a eu pour unique résultat concret le réchauffement des relations entre Israël et la Turquie, gelées depuis près de trois ans. Rappelons que les relations entre les deux pays se sont brutalement dégradées à la suite de l'attaque en mai 2010 par l'armée israélienne du Mavi Marmara, le bateau turc chargé d'aides humanitaires pour les habitants de Gaza, victimes d'un blocus impitoyable. L'attaque a fait 9 morts. Israël a refusé pendant trois ans de présenter des excuses et de compenser les familles des victimes, comme l'exigeait Ankara. Il est utile de rappeler ici que le gel des relations des deux ex-alliés n'a concerné que la coopération militaire et l'échange de renseignements. Les échanges économiques, eux, ont poursuivi leur rythme normal puisque, pendant les trois années en question, ils se chiffrent en milliards de dollars. Il semble que deux semaines avant sa visite en Israël, le président américain a mobilisé tout ce qu'il a comme ressources politiques et diplomatiques pour convaincre le récalcitrant Netanyahu de la nécessité de réchauffer les relations israélo-turques qui, aux yeux de Washington, n'ont que trop gelé. Les pressions américaines ont marché puisque le Premier ministre israélien a mis de l'eau dans son vin en s'excusant au téléphone auprès d'Erdogan et en lui promettant de compenser les familles des victimes. En contrepartie, le Premier ministre turc laisse tomber les plaintes pour crimes contre des officiers israéliens, responsables de la mort de neuf personnes sur le Mavi Marmara. Pourquoi Obama a-t-il réussi seulement maintenant à convaincre les Israéliens de répondre positivement aux exigences turques ? Il semble que la crise syrienne a facilité la mission réconciliatrice du président américain et elle a joué un rôle déterminant dans le rapprochement des deux ex-alliés devenus ennemis avant de redevenir amis le 21 mars dernier. La crise syrienne est devenue plus inquiétante encore à la fois pour les Turcs et les Israéliens depuis que des informations ont circulé la semaine dernière sur l'utilisation d'armes chimiques dans la guerre qui déchire la Syrie. D'après le journal israélien «Haaretz» dans son édition électronique du 25 mars, il est établi maintenant que «ce sont les jihadistes, et non Assad, qui sont derrière l'attaque à l'arme chimique.» Cette attaque à l'arme chimique a eu lieu à Alep, à moins de cent kilomètres de la frontière turque. La plupart des victimes semblent être des soldats de l'armée syrienne, morts par suffocation, à cause de la chlorine, gaz utilisé dans l'arme en question. A la lumière de ces graves développements dans la guerre syro-syrienne, on peut dire que Turcs et Israéliens ont désormais en commun une grande inquiétude et un intérêt vital. La grande inquiétude est relative au risque de voir l'arsenal d'armes chimiques de l'armée syrienne tomber dans les mains d'extrémistes et de fanatiques. L'intérêt vital que partagent la Turquie et Israël consiste à reprendre la coopération militaire et les échanges de renseignements dans l'espoir d'empêcher la concrétisation de ce scénario cauchemardesque. La question du nucléaire iranien, dont les Israéliens n'arrêtent pas depuis 2006 d'en faire un cheval de bataille, a dû contribuer au dégel israélo-turc. En mobilisant ses ressources pour faire pression sur Israël, la nécessité d'isoler l'Iran est sans doute très présente dans la tête d'Obama dont la stratégie consiste à accroître dans la région le soutien pour Israël et à le réduire pour l'Iran. Côté conflit israélo-arabe, la visite d'Obama en Israël et en Cisjordanie n'a eu et n'aura très certainement aucun résultat concret. Il a fait de beaux discours, il a affiché avec quelque suffisance ses dons d'orateur, il a su dire aux Israéliens et aux Palestiniens ce qu'ils aiment entendre avant de partir en Jordanie s'émerveiller devant la beauté saisissante des sites archéologiques de Pétra. En Israël, il s'égosillait pour prouver son amour et sa profonde affection pour les Israéliens et pour les rassurer sur l'état «éternel» des relations israélo-américaines. Il n'a pas oublié non plus de rappeler ce que le monde entier a déjà depuis longtemps appris par cœur, c'est-à-dire le devoir des Américains de soutenir Israël et d'assurer sa sécurité. En Cisjordanie, il a répété ce que tous ses prédécesseurs ont dit : le droit des Palestiniens à un Etat et à une vie digne, la nécessité de mettre un terme à la construction des colonies, l'urgence de se mettre autour d'une table pour discuter de la paix, etc. Et comme tous ses prédécesseurs, il fera en sorte que tout ce qui est promis à Israël soit concrétisé et tout ce qu'il dit aux Palestiniens soit oublié dès la fin du discours. Et Obama, plus encore que se prédécesseurs, s'est révélé le roi des discours creux. Rappelez-vous son discours du Caire de juin 2009. En l'écoutant, des millions d'Arabes, et pas seulement les naïfs, ont commencé à se frotter les mains et à rêver de paix et de prospérité dans un Moyen-Orient que Barack Hussein Obama allait transformer en un havre de paix. Peut-être riait-il sous cape en voyant les immenses espoirs que son discours du Caire a soulevé parmi les Arabes. Peut-être répétait-il en son for intérieur que ses promesses, comme celles de tout politicien qui se respecte, n'engagent que ceux qui y croient. Ses autres discours à Istanbul, à Prague, et même celui d'Oslo sont de la même nature, c'est-à-dire des discours creux, faits avec beaucoup de loquacité, mais avec très peu d'effet sur la réalité. Obama n'a passé que quelques heures en Cisjordanie. Son discours de Ramallah a rejoint déjà celui du Caire et d'Istanbul dans la rubrique bavardages, puisqu'Israël continuera son entreprise colonisatrice entamée il y a plus de 40 ans, comme si de rien n'était, et les Palestiniens attendront le prochain discours creux du prochain président américain.