Romancière canadienne aux multiples publications, Nadine Grelet a été l'invitée de l'Union des écrivains tunisiens le 14 mai dernier. Une rencontre au siège de l'Union, animée par Othman Ben Taleb, professeur à l'université Tunis-El Manar, a été consacrée à la présentation de ses romans et de son itinéraire littéraire et intellectuel. La romancière a été également invitée à la libraire Art libris — qui distribue désormais ses productions littéraires — et la rencontre fut essentiellement dédiée à la présentation de son roman Les chuchotements de l'espoir. L'histoire d'une vie Ce titre, paru en 2004, est un roman autobiographique puisque l'auteure affirme dès le prologue qu'il s'agit de sa propre histoire. Un récit qu'elle dédie à toutes les femmes connues ou anonymes qui souffrent en silence. «Puisse-t-il être une raison pour quelques-unes de retrouver l'espoir et la dignité que des agressions de toutes sortes leur ont fait perdre», écrit-elle en guise de dédicace. Dans Les chuchotements de l'espoir, la romancière raconte sa vie qui est une véritable traversée. D'abord géographique, puisqu'elle traverse deux fois l'Atlantique pour rejoindre le Québec, ensuite existentielle, car Nadine Grelet, alias Delphine dans le roman, traversera toutes sortes d'épreuves, dont le divorce et la précarité, l'exil et la solitude. Ce récit, précis jusqu'au moindre détail dont les péripéties sont souvent relayées par une description tout aussi minutieuse des sentiments de l'héroïne, aurait pu être d'une douleur insurmontable et insoutenable pour le lecteur. Mais Les chuchotements de l'espoir, tel que le titre le postule, est également le récit d'un dépassement : d'abord de soi, de ses propres fragilités et défaillances, mais surtout des obstacles et des entraves qui peuvent jalonner une vie et la réduire à un sort affligeant. Cet espoir, entendons-nous bien, n'est pas un espoir béat, tributaire d'un miracle hypothétique qui ferait basculer difficultés et misères en aisance et joie. Il s'agit de cet espoir ordinaire, discret et en filigrane, que l'auteure énonce comme «une petite voix à peine perceptible» et qu'il faut savoir entendre et suivre. Cet espoir authentique, probablement nourri par un amour indéfectible de la vie, fait que Delphine (ou Nadine) surmonte les épreuves, invente des recommencements, saisit la moindre éclaircie pour renaître. On pourrait se demander à quoi tient l'espoir de l'héroïne-romancière ? D'abord à l'amour d'une mère pour ses deux enfants, dont la survie dépend entièrement d'elle. Ensuite à une conviction, qui frôle la foi, qu'elle-même vaut quelque chose et que sa vie non seulement mérite d'être vécue, mais que, en raison même de son caractère accidenté, elle doit être sublimée en un parcours de dépassements des limites, d'affranchissement et d'accomplissement. Le lecteur peut également s'interroger sur le choix de l'auteure d'écrire un récit qui se nourrit exclusivement de son expérience personnelle et des péripéties de sa propre vie. Serait-ce par manque d'imagination ? Force est de reconnaître que tel n'est pas le cas! L'imaginaire de l'auteure a déjà fait ses preuves dans ses romans précédents, à l'instar de sa trilogie La fille du cardinale : romans qui transcendent le temps et l'espace concret de son existence actuelle. Avançons alors l'hypothèse que c'est une nécessité intérieure très forte qui préside à une initiative aussi ardue. Nous dirions, pour notre part, que c'est une quête de vérité totale, une vérité que l'auteure a voulue débarrassée de tout artifice, de tout mensonge, ne serait-ce que poétique. Ce n'est pas que l'écriture fictive serait inapte à dire le vrai, mais nous pensons qu'il s'agit d'une expérience littéraire d'un autre type de vérité, de celle qu'on arrache au lieu de construire, de celle plus risquée où l'auteure s'expose, dépouillée de l'aura de la fiction, au scepticisme des uns, à la méfiance ou à la pudeur des autres... et où elle espère une réciprocité d'une honnêteté aussi entière que la sienne. En dépit de cette sincérité et de ce risque, Les chuchotements de l'espoir n'est pas à dire vrai un roman d'une grande facture littéraire, mais retenons le courage d'une écrivaine qui s'est mesurée à la douleur, en la négociant et en faisant de son souvenir un tremplin pour l'écriture et la création. Elle écrit : «Bien des années plus tard, les expériences douloureuses sont devenues des souvenirs. Résorbées, assimilées, elles ont enrichi mes connaissances et mon esprit. Ma vie est dominée par ce changement de continent qui m'a fait perdre mes points de repère et m'a obligée à avancer. J'ai été en mutation. J'ai fait corps avec la vie et composé avec ce qu'elle m'a apporté.». Ce qui peut engloutir, l'écrivaine en a fait donc une source de libération et de liberté. C'est vraiment louable en soi mais encore aurait-il fallu que l'écriture elle-même soit à la hauteur de l'audace et du courage dont elle fait preuve. D'autres romans à découvrir Auteure de plusieurs romans et d'un essai qui ont connu un succès considérable, et dont le dernier, le 6e, s'intitule Entre toutes les femmes, Nadine Grelet poursuit visiblement un parcours d'auteur appréciée par le large public d'abord au Canada, ensuite en France. Et, si Les chuchotements de l'espoir a laissé une impression mitigée, espérons que ses autres romans et plus particulièrement la trilogie La fille du cardinale, sagas mêlant passion et mystère sur fond historique et que l'auteure présente comme son œuvre maîtresse, réservera au lecteur la découverte heureuse des autres versants de la veine littéraire de l'écrivaine.