Pour M. Jamel Ben Gamra, ministre du Tourisme, le sauvetage de la saison touristique est aujourd'hui la priorité des priorités. Les réformes structurelles c'est pour demain. Rencontré à l'occasion d'une conférence internationale récemment tenue, dans la banlieue nord de Tunis, sur les enjeux et les défis du tourisme africain, il s'est livré à La Presse. Entretien. Commençons par l'actualité et votre plan d'action pour sauver la saison 2013. Où en êtes-vous? L'objectif est de réussir la saison et l'arrière-saison. En effet, on a déjà fixé quatre axes sur lesquels on doit agir. Il s'agit notamment de promouvoir l'environnement au niveau de nos sites. Il faut retrouver la Tunisie propre là où l'on se déplace, dans les rues, les hôtels, les sites historiques, au niveau des frontières, etc. Le deuxième axe concerne le maintien de la sécurité. Il faut promouvoir l'image d'une Tunisie en sécurité. Ce, en agissant en synergie avec le ministère de l'Intérieur. Le troisième axe se rapporte à l'engagement des professionnels à améliorer leurs prestations en respectant les normes de qualité, afin de satisfaire les attentes de leur clientèle. Le quatrième axe consiste quant à lui à promouvoir la destination Tunisie, en mettant en relief l'hospitalité des Tunisiens, leur caractère paisible, leur authenticité et leur ouverture d'esprit. Le commencement s'avère de bon augure sur le double plan national et international et il nous reste encore beaucoup de travail à faire. Quelles seront vos premières cibles cette année? Nous allons appliquer la règle 80% / 20%. En d'autres termes, nous ciblerons en premier lieu notre clientèle de toujours, à savoir les marchés français, anglais, allemand, italien et espagnol avec bien sûr nos voisins algériens et libyens. Sans, pour autant négliger les nouveaux marchés prometteurs, notamment le marché russe, le marché turc et les autres marchés arabes et asiatiques entre autres. Le terme «marchés prometteurs» que vous venez d'évoquer fait penser aux vacanciers d'autres pays économiquement émergents, outre la Russie, tels que le Brésil, la Chine, l'Inde et l'Afrique du Sud. Comment peut-on susciter l'intérêt de ces touristes? Même si nous avons d'énormes potentialités susceptibles de les attirer, il me semble nécessaire de réaliser des études détaillées sur ces marchés. Lesquelles études nous permettront d'identifier les attentes de ces clients et de comprendre qu'est-ce qui les fait vibrer. Il faut également savoir les cibler en adoptant une bonne communication et en leur présentant les offres qui vont de pair avec leurs attentes et aspirations. Pour ceux qui viennent de régions lointaines, surtout de pays asiatiques, l'on sait leur exigence en matière de diversité de l'offre. D'où la nécessité de développer un tourisme triangulaire entre deux ou trois pays, tels que la Tunisie, l'Egypte et l'Italie. La conquête de nouveaux marchés suppose la mise en place de nouvelles offres. Avez-vous en perspective des idées pour relever le défi? Ce qui nous rassure aujourd'hui, c'est la détermination de plusieurs acteurs du secteur touristique à innover leurs offres, en diversifiant et en mettant à niveau leurs unités d'hébergement. Il faut également penser à la création de nouvelles activités touristiques dans les régions. Les hôtels de charme, les gîtes ruraux et les chambres d'hôtes sont à développer afin d'être à la hauteur des attentes de ces clients. Cela, en préservant le cachet culturel et civilisationnel de chaque région. Selon certains observateurs et experts, la promotion est le maillon faible de la chaîne. Avec quel budget et quel plan d'action allez-vous exercer cette année? J'ai trouvé un budget déjà établi pour l'année. Ce budget doit être optimisé et sciemment utilisé afin de mieux présenter la Tunisie auprès des clients cibles. Le budget prévu pour cette année est de l'ordre de 30 millions de dinars. Je pense toutefois qu'il faut l'augmenter, étant très modeste par rapport aux budgets de certains autres pays. Le tourisme alternatif, le tourisme saharien, le tourisme golfique, le tourisme de plaisance puisent encore dans l'amateurisme et l'improvisation. Avez-vous pensé aux réformes qu'il faut entreprendre afin de rompre avec les vieux réflexes et les remettre à l'heure des changements? En débarquant au ministère, j'ai trouvé une excellente étude faite par un bureau d'études français capitalisant toutes les études stratégiques faites au préalable. Les axes stratégiques évoqués dans cette étude sont accompagnés de plusieurs plans d'action qui pourront servir à opérer les réformes nécessaires. Nous allons l'adopter comme feuille de route pour résoudre tous les problèmes posés. Certains ports de plaisance, tel celui de Ghdhabna au gouvernorat de Mahdia, sont toujours abandonnés. A quand la reprise des travaux et y a-t-il des investisseurs tunisiens ou étrangers qui ont manifesté de l'intérêt quant à ces ports? Je sais que nous avons beaucoup de chantiers en cours ainsi que de réelles intentions d'investissement. Ce faisant, je pense que l'impératif aujourd'hui est de se pencher sur tous les dossiers et les détails techniques au cas par cas. En effet, qui dit plaisance dit clients touchant le haut de gamme. Nous aurons donc besoin de ces structures pour doper les recettes de l'économie nationale. Elles figurent parmi nos préoccupations majeures dans le cadre de la stratégie globale du développement. Selon certains experts, les commissariats régionaux souffrent de léthargie et ne contribuent pas à la promotion du tourisme dans les régions. Comment concevez-vous leur mission? Nous disposons de plusieurs compétences dans ce domaine. Toutefois, la coordination avec les professionnels du secteur a toujours fait et fait encore défaut. L'action de manière synergique s'impose de nos jours plus que tout autre temps. Le tourisme interne peut-il ne pas être la cinquième roue du carrosse? Les Tunisiens moyens se permettent aujourd'hui de faire du tourisme interne. D'autant plus que le Tunisien est connu pour son caractère jovial et son amour de la vie. Sauf qu'il faut savoir les approcher en leur fournissant des services de qualité avec des prix bien étudiés. De ce fait, les professionnels du secteur sont appelés à ne pas perdre de vue que le tourisme interne peut les secourir en temps de crise. Nous sommes conscients de tous les enjeux et sommes déterminés à placer notre tourisme interne à un plus haut rang permettant aux Tunisiens de mieux s'épanouir et à l'industrie touristique un meilleur développement. Vous allez prendre part tout à l'heure à la conférence internationale sur les enjeux et défis du tourisme africain. Ce dernier peut-il servir significativement le tourisme tunisien? Absolument. Ce, en réalisant que l'Afrique dispose aujourd'hui d'un grand potentiel en matière de tourisme. Ajoutons que le siècle à venir sera le siècle de l'Afrique. Aujourd'hui, il y a une catégorie importante d'Africains qui se permet d'avoir des vacances avec des dépenses très importantes. Il faut savoir les attirer. Le Maroc, un de nos concurrents directs, s'est orienté ces derniers temps vers les marchés scandinaves et latino-américains. Avez-vous pensé à l'élaboration d'une feuille de route pour avoir une part de ces marchés? Actuellement, nous agissons sur le court terme. Pour ce qui est du long terme, il en faut encore du temps afin de développer un plan d'action qui tienne compte de tous les détails et d'engager des démarches prospectives servant le futur du tourisme tunisien. Le même concurrent ne cesse d'apporter des améliorations à ses stratégies d'action. En étudiant les besoins de ses clients cibles, il parvient à identifier les offres qu'il faut. Notamment en recourant à des combinaisons entre le balnéaire et le culturel (Agadir et Marrakech) pour répondre aux attentes des Russes et des Polonais, entre le balnéaire et le désert (Agadir et Ouarzazate) pour satisfaire les attentes d'autres clients. Pourquoi pas des combinaisons tunisiennes? Là, il s'agit d'une approche comme d'autres. J'admets qu'il faut diversifier les offres, sans forcément choisir la même démarche que celle de nos amis marocains. Notre orientation aujourd'hui est de développer le tourisme dans les régions et non pas des formes complémentaires du tourisme balnéaire. Il faut dire, du reste, que seuls le travail et la persévérance permettent d'avancer. De l'espoir uniquement, cela ne suffit pas pour réaliser les objectifs de développement et de progrès.