Par Néjib OUERGHI Deux ans après la révolution de 2011, la menace terroriste s'invite en Tunisie. Les événements tragiques survenus en début de semaine à Kasserine l'ont amplement confirmé. Les mines posées par des djihadistes sur une partie du Mont Chaâmbi, occasionnant de graves blessures à une dizaine de gardes nationaux et de militaires, ont suscité surprise, stupeur et interrogations au sein de l'opinion publique. La résurgence du risque terroriste et la réapparition de groupes armés sur le flanc ouest de nos frontières posent, de nouveau, de nombreuses questions lancinantes. Elles se réfèrent à la prolifération de la circulation des armes dans le pays, à la multiplication des groupes terroristes, à leur mobilité dans le territoire et au renforcement de leur capacité de nuisance. Face à cette nouvelle donne, faut-il paniquer ou considérer ces faits comme des incidents isolés? Même s'il faut savoir gré à nos forces armées et de sécurité pour leur capacité à faire face à ces groupes et à gérer ce genre de situations difficiles, une nouvelle donne a fait son intrusion dans notre quotidien: la menace terroriste fait désormais partie de la nouvelle réalité du Tunisien. A l'évidence, ce qui est en train de se passer au Mont Chaâmbi est loin d'être un acte isolé. Tout au long de l'année 2012, le pays a été secoué par plusieurs alertes terroristes respectivement à Rouhia, Bir Ali Ben Khlifa et ailleurs, œuvres de groupes armés bien entraînés au maniement des armes et aux attaques terroristes, ayant fait démonstration de leur force et n'hésitent pas à tuer des militaires en service. A ces incidents, qu'on croyait à tort terminés, s'est ajoutée la découverte de caches impressionnantes d'armes, parfois sophistiquées, un peu partout dans le pays. A la faveur de l'agitation politique et sociale qui donne l'impression de perdurer dans le pays, nos services de sécurité, constamment mobilisés et sollicités, n'ont pas pris la mesure et l'ampleur de la menace représentées par ces groupes qui prônent la violence et le terrorisme comme mode opératoire. Sans parler de laxisme dans le traitement de ce phénomène qui menace la sécurité du pays, sa stabilité et même son unité, l'on peut dire qu'on n'a pas su promptement retenir les leçons des incidents survenus par intermittence ces derniers temps. Les erreurs d'appréciation, de renseignement, de stratégie ou, tout simplement, le fait de sous-estimer ce péril, nous ont conduits devant une réalité bien difficile et des traitements dont la portée demeure incertaine. Pour éviter une plus large dissémination du risque terroriste dans le pays, le moment est venu pour agir vite et en profondeur. D'abord en mettant ces groupes hors d'état de nuire, ensuite, en maîtrisant les circuits qui sont à l'origine de la prolifération de la circulation des armes et, enfin, en assurant la sécurité de nos frontières. Pour nos forces armées et de sécurité, épuisées et en proie parfois au doute, l'entreprise est loin d'être une sinécure. Leur détermination résolue à défendre la patrie et les Tunisiens renforce notre espoir et chasse un peu le doute et la peur qui ne cessent de nous ronger. Pour cela, il importe de favoriser un consensus, le plus large possible, de toutes les forces politiques sur la nécessité de combattre la violence et le terrorisme dans le pays et de considérer leur éradication comme un préalable nécessaire pour la construction d'une véritable démocratie et l'assurance d'une alternance pacifique au pouvoir. La prise de conscience de l'ampleur de ce phénomène est d'autant plus nécessaire que le terrorisme est telle une gangrène, si elle gagne une région, elle finira par trouver le moyen de se propager vite dans tout le pays. Sur un autre plan, le dialogue national, parrainé par le Président de la République depuis maintenant deux semaines, commence, en dépit du désistement des uns, des réserves formulées par d'autres, à cristalliser un début de consensus et d'accords sur des questions qui ont, jusqu'ici, divisé les acteurs politiques. Le compromis de dernière minute enregistré au sujet du régime politique par l'option pour un régime mixte où les prérogatives entre le président de la République et le président du gouvernement sont plus équilibrées, nous a épargné momentanément des déchirements et des polémiques stériles. Les convergences trouvées permettent de baliser le terrain à d'autres accords sur d'autres sujets sensibles comme le code électoral, la mise en place de l'Isie ou de l'instance provisoire de l'ordre judiciaire. Le deuxième round de négociations, que l'Ugtt s'apprête à lancer, devrait renforcer les points de convergence et servir de plateforme utile et de moyen efficace pour impliquer le plus grand nombre de partis politiques, notamment ceux qui sont restés à l'écart du dialogue qui avait élu domicile à Dar Dhiafa à Carthage. C'est que parvenir à un consensus, aujourd'hui, est devenu vital pour mettre un terme à la période de transition, réunir les meilleures chances pour l'organisation d'élections démocratiques dans une ambiance de concorde nationale et prévenir le pays de nouvelles secousses et de périls qui risquent de lui coûter et son unité et son développement. Cette voie semble être la plus sûre et, en même temps, la seule pouvant sortir le pays de l'attentisme, du doute et de la peur qui ont longtemps duré.